Bitcoin: les dessous d’une flambée historique

L’élection de Donald Trump a dopé le cours des cryptomonnaies. (Photo by Johnnie Izquierdo for The Washington Post via Getty Images) © The Washington Post via Getty Images
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Élection de Trump, appétit des investisseurs : la plus célèbre des devises numériques a franchi le cap des 95.000 dollars pour la première fois de son histoire.

Considérée par certains comme une monnaie sans valeur, virtuelle ou encore qui alimente les réseaux criminels, la plus populaire des cryptomonnaies a connu une hausse exponentielle depuis la victoire de Donald Trump. Depuis les résultats de l’élection présidentielle, son cours s’est envolé pour franchir, ce jeudi 21 novembre, la barre symbolique des 95.000 dollars. Une première depuis sa création.

Après avoir bénéficié, en avril dernier, du “halving”, qui prévoit, tous les quatre ans, une réduction de moitié de la production de nouveaux bitcoins (ce qui augmente techniquement sa rareté), la reine des cryptos profite fortement de la réélection de Trump, analyse Michel Ernst, expert financier. “Durant sa campagne contre Kamala Harris, celui-ci s’est montré très favorable aux crypto-actifs via une double promesse : d’une part ‘positionner le bitcoin comme superpuissance mondiale et faire des États-Unis le premier centre mondial des cryptos’, et d’autre part, limoger le patron de la SEC, Gary Gensler, farouche adversaire des crypto-actifs.”

L’évolution du cours du bitcoin en dollars entre le 1er janvier 2023 et le mois de novembre 2024.

L’effet positif d’un ancien réfractaire au bitcoin

Un changement de cap pour le futur locataire de la Maison Blanche qui ne s’est pas toujours montré pro-bitcoin, bien au contraire. En juillet 2019, il a même critiqué ouvertement le bitcoin et les cryptomonnaies. À l’époque, alors qu’il était encore président, il déclarait sur X (ex-Twitter) ne pas être favorable au bitcoin et aux crypto-actifs, “qui ne sont pas de l’argent, et dont la valeur est très volatile et basée sur du vent”. Il ajoutait que “les crypto-actifs, non régulés, facilitent les comportements illégaux dont le trafic de drogue” !

Et donc ? “Trump a complètement, selon l’expression consacrée, ‘retourné sa veste’, poursuit Michel Ernst. D’abord, parce qu’il s’est rendu compte que, de 2017 à aujourd’hui, le nombre d’Américains intéressés par les cryptos a décuplé, atteignant actuellement environ 50 millions de personnes, soit un nombre très important d’électeurs potentiels ! Par ailleurs, c’est un fervent partisan d’un maximum de dérégulation, tous secteurs confondus, et notamment, outre les cryptos, dans les domaines technologique ou bancaire, par exemple”.

Merci Wall Street !

La réélection de Donald Trump n’explique pas à elle seule cette flambée historique. En début d’année, l’entrée en fanfare à Wall Street des premiers ETF (pour Exchange Traded Fund) sur le bitcoin fut un succès. L’approbation, par le gendarme américain (la SEC), de ces produits d’investissement basés sur la devise numérique a boosté le secteur des cryptomonnaies, qui cherchait cette reconnaissance depuis longtemps. Répliquant la performance du bitcoin, ces fonds indiciels cotés permettent à de grands investisseurs institutionnels, comme le géant mondial de la gestion d’actifs BlackRock, mais aussi aux particuliers, d’être exposés à la cryptomonnaie sans devoir en posséder directement. Résultat, les encours des ETF sur le bitcoin dépassent désormais ceux des ETF sur l’or, ce qui contribue évidemment au mouvement haussier.

L’approbation par le gendarme américain des ETF basés sur la devise numérique a boosté le secteur des cryptomonnaies, qui cherchait cette reconnaissance depuis longtemps.

“Depuis plusieurs années, explique Michel Ernst, les partisans des crypto-actifs essaient effectivement de les légitimer, et en particulier le bitcoin, en demandant l’approbation des ETF par les autorités de contrôle. Même si les premiers ETF ont été approuvés au Canada et au Brésil en 2021, on notera surtout que c’est début 2024 que l’autorisation des ETF sur le bitcoin, basés sur le cours au comptant du bitcoin, a été approuvée sur le marché hyper important des États-Unis. Et ce, malgré la résistance et les mises en garde répétées de la SEC. Ces ETF, des fonds négociés en Bourse, permettent d’approcher un panel plus important d’investisseurs, notamment plus traditionnels dans leur approche patrimoniale.”

Prometteur mais risqué

Bien évidemment, les nouveaux records de prix sur le marché suscitent aussi l’arrivée de nouveaux investisseurs qui n’avaient jamais investi en crypto auparavant. En Belgique, trois investisseurs sur dix ont déjà acheté des cryptomonnaies, selon une récente étude de la banque ING. Et la demande surpasse d’autant l’offre que le bitcoin a fait l’objet, en avril dernier, d’un “halving”.

“Actuellement, environ 19.876.000 bitcoins ont été ‘minés’, c’est-à-dire créés sur un maximum possible de 21 millions, soit près de 95 %, situe Michel Ernst. Si on prend comme référence un prix récent du bitcoin, soit 88.000 dollars pièce, on arrive à une valeur totale du marché bitcoin d’environ 1.750 milliards de dollars ! Soit à peu près l’équivalent du PIB de pays comme le Mexique, l’Australie ou l’Espagne, qui sont les 12e, 13e et 14e pays les plus riches au monde… Le bitcoin a donc aujourd’hui un poids effarant si on rappelle qu’il est seulement un actif numérique virtuel !”

Si certains ne seraient donc pas surpris de voir le bitcoin atteindre les 100.000 dollars d’ici la fin de l’année, compte tenu aussi de la légitimité qu’il a acquise, grâce notamment aux ETF qui facilitent l’accès des investisseurs aux actifs numériques, les investissements en crypto-actifs restent néanmoins risqués, rappelle Michel Ernst. “Si pour tout actif financier, il est communément admis que tout rendement est intimement associé à un risque parallèle, le bitcoin appartient à la catégorie extrême des actifs financiers : le très haut rendement espéré est en ligne avec son très haut risque… Preuve s’il en est, depuis sa création il y a 15 ans, le bitcoin a connu des envolées spectaculaires, comme celle actuelle, mais aussi plusieurs krachs mémorables. Ainsi, si on ne considère que les sept plus importants krachs du bitcoin, les effondrements de celui-ci ont varié entre 50 % (décembre 2013, mars 2020 et mai 2021) et… 99 % (juin 2011)”.

Manière de dire que face à cette volatilité effroyable, les marchés boursiers en actions peuvent en comparaison être considérés comme des “fleuves tranquilles”

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