MeDirect défie les grandes banques : “Les clients dont les actifs ne dépassent pas 1 million d’euros ne sont pas bien servis”

Alain Moreau, MeDirect ©  ARTHURS-H
Patrick Claerhout Patrick Claerhout is redacteur bij Trends.

Alain Moreau, le nouveau directeur général de MeDirect, souhaite faire de MeDirect une banque en ligne qui se positionne comme un challenger. “Avec MeDirect nous essayons de réveiller le marché”.

MeDirect est présente sur le marché belge depuis 2014. Au départ, elle se concentrait principalement sur la distribution de fonds d’investissement, mais ces derniers mois, la banque s’est également profilée comme un casseur de prix sur le marché de l’épargne. Avec MeDirect Fidelity, elle propose le compte d’épargne avec le taux d’intérêt le plus élevé sans condition supplémentaire : 2,30 % (0,60 % de taux de base et 1,70 % de prime de fidélité). En outre, MeDirect lancera une carte de débit pour ses clients d’ici la fin de l’année avec la Mastercard Debit.

“Nous voulons être une banque complète”, déclare Alain Moreau. Il est aux commandes de la banque depuis mars et vient d’obtenir son agrément officiel de la Banque Nationale. “Nous avons au bilan environ 2 milliards d’euros d’épargne et de prêts immobiliers, et 1 milliard d’euros de produits d’investissement hors bilan. Dépôts d’épargne, prêts hypothécaires et produits d’investissement : c’est sur ces trois moteurs que la banque doit fonctionner. Le fait que l’accent ait été mis exclusivement sur la vente de fonds appartient au passé”. MeDirect vend principalement des prêts immobiliers aux Pays-Bas, mais elle a également constitué un portefeuille de 230 millions d’euros en Belgique en un an et demi, en coopération avec le réseau de courtage d’Allianz.

“En fait, la situation de MeDirect aujourd’hui n’est pas très différente de celle qui prévalait lorsque j’ai commencé à travailler à la Deutsche Bank Belgique il y a plus de 20 ans”, estime M. Moreau. “À l’époque, nous comptions également 5 milliards d’euros de produits commerciaux. Nous avons quintuplé ce chiffre pour atteindre 25 milliards en nous positionnant comme un challenger des grandes banques”.

Faible coût

Une expansion que Moreau souhaite avec MeDirect : “J’ai quitté mon poste de PDG de la Deutsche Bank Belgique il y a quatre ans et je n’avais pas l’intention de revenir dans le secteur financier. Mais lorsque MeDirect m’a contacté fin 2022, j’ai vu les opportunités qui s’offraient à moi. En partie à cause des faibles taux d’intérêt de ces dernières années, les banques se sont endormies sur leurs lauriers. Il n’y a plus de véritables challengers. Deutsche Bank Belgium s’est développée avec succès pour devenir un leader dans le conseil en produits d’investissement et se concentre désormais principalement sur les clients fortunés. Rabobank s’est retirée du marché belge de l’épargne”.

Il vaut mieux être actionnaire que client d’une grande banque aujourd’hui

La faiblesse des taux d’intérêt entre 2015 et 2021 a contraint les banques à augmenter les frais pour leurs clients et à pratiquement supprimer les intérêts sur l’épargne, selon M. Moreau. “C’était logique si elles voulaient rester rentables. Mais maintenant que les taux d’intérêt sont en hausse, elles ne bougent toujours pas. Les épargnants restent sur leur faim, tandis que les profits des banques explosent. Il vaut mieux être actionnaire que client d’une grande banque aujourd’hui”.

“Le segment des clients disposant d’un patrimoine de 10 000 à 1 million d’euros est encore une fois mal servi”, note également M. Moreau. C’est sur ces clients que MeDirect veut se concentrer. Moreau appelle le projet DB 2.0. “2.0” parce que MeDirect est une banque numérique sans agence. “DB” fait référence au modèle à faible coût que la Deutsche Bank a perfectionné en Belgique de 2009 à 2019, époque où Moreau a été directeur général de la banque. “Les faibles coûts permettent à une banque d’offrir à ses clients les meilleurs produits au meilleur rapport qualité-prix”, explique-t-il.

La connexion maltaise

Le fait que la société mère de MeDirect soit basée à Malte est un avantage supplémentaire dans ce contexte, explique Moreau : “Nous sommes une banque belge avec une licence belge, mais nous avons 300 employés à Malte. MeDirect y dispose d’une équipe de 115 jeunes informaticiens talentueux. Le coût de la main-d’œuvre est moins élevé à Malte. Par conséquent, nous avons pu moderniser notre plate-forme informatique ces dernières années à un coût inférieur à ce qu’il nous en aurait coûté en Belgique”.

Mais c’est aussi précisément cette connexion maltaise qui peut freiner les ardeurs des Belges envers MeDirect. Pourtant selon Moreau, “80 % du bilan du groupe sont des activités situées en Belgique ou aux Pays-Bas. Nous sommes contrôlés par la Banque Nationale de Belgique et, parce que nous sommes l’une des trois plus grandes institutions financières de Malte, également par la Banque centrale européenne. Cela signifie que nous devons respecter les mêmes critères et obligations que les grandes banques, y compris les stresstest. C’est une garantie de la solidité de la banque”.

Selon M. Moreau, les clients rejoignent bel et bien MeDirect. La banque comptait 80 000 clients dans notre pays au début de l’année, mais elle a constaté un afflux accéléré depuis le début de l’été. “Le débat sur les taux d’épargne fait rage dans les médias et sur la scène publique depuis plusieurs mois. Cela a réveillé les épargnants de leur hibernation”.

M. Moreau ne veut pas donner de chiffres concrets, mais il affirme que la banque a déjà atteint le nombre de nouveaux clients qu’elle souhaitait attirer d’ici la fin de l’année : “On constate que les épargnants sont frustrés par la faiblesse des taux d’épargne. Avec MeDirect, nous voulons briser ce manque de concurrence. Le client réagit, l’argent commence à circuler. Nous constatons que les gens passent à l’action. Il y a encore un an et demi, ils ne le faisaient pas parce que les taux d’épargne étaient bas partout. On ne change pas de banque pour 5 euros de plus ou de moins. Aujourd’hui, le taux d’intérêt fait la différence”.

C’est ce que nous essayons de faire avec MeDirect : réveiller le marché

Mais il ne faut pas s’attendre à ce que les dépôts d’épargne se déplacent soudainement en masse, prévient M. Moreau. “Lorsque j’étais à la Deutsche Bank, nous avons réussi à attirer 12 milliards d’euros de nouveaux épargnants, en partie grâce à des campagnes spectaculaires. Rabobank a elle levé 8 milliards d’euros sur le marché. Par rapport aux 300 milliards d’euros des livrets d’épargne, ce n’est pas beaucoup, mais les challengers peuvent aussi inciter les gens à discuter avec leurs banques et à obtenir de meilleures conditions. C’est ce que nous essayons de faire avec MeDirect : réveiller le marché”.

Vive le bon d’Etat

D’où l’attitude positive de Moreau à l’égard du bon d’État, même si la banque n’a pas commercialisé le produit elle-même. “Le bon d’État a dynamisé le marché. Nous aurions aimé proposer le produit à nos clients, mais nous n’y sommes pas parvenus, faute de temps pour régler toutes les modalités avec l’Agence de la dette”.

Le fait que certaines banques aient critiqué le bon d’Etat comme étant une concurrence déloyale est donc difficile à avaler pour Moreau. “En raison de l’avantage fiscal sur le livret d’épargne, les banques ont profité de la masse d’épargne pendant des années pour se financer à bon compte. Le livret d’épargne est sans doute le produit le plus rentable pour elles. Cependant, certaines banques ne placent pas toujours l’intérêt du client au premier plan. À l’époque du bon Leterme en 2011, nous étions les seuls, avec la Deutsche Bank, à promouvoir ouvertement le produit. De nombreuses banques ne font pas non plus la promotion des trackers parce qu’elles ne gagnent pas d’argent avec. Elles proposent des comptes à terme, mais pas de manière proactive, et ne sont pas transparentes sur les frais”. Selon MeDirect, rien de tel chez eux. Le taux d’intérêt pour les comptes d’épargne et les comptes à terme est affiché sur le site web et est le même pour tous.

En ce qui concerne les fonds d’investissement, la banque affirme qu’elle dispose de l’offre la plus complète et la plus diversifiée sur le marché belge, et qu’aucun droit d’entrée ou de garde n’est prélevé. Le modèle de revenus de MeDirect dans les fonds d’investissement est basé sur les rétrocessions que la banque reçoit des gestionnaires d’actifs qui gèrent les produits. Cependant, ces commissions sont sous pression. L’Europe souhaite que les rétrocessions ne soient accordées que si la banque recommande l’achat d’un fonds. Si le client fait lui-même le choix et que la banque se contente d’exécuter l’ordre (execution only), il ne devrait plus y avoir de commission pour le distributeur.

Selon Moreau, il existe toutefois des alternatives : “Nous sommes récemment entrés sur le marché des clients fortunés avec nos produits d’investissement aux Pays-Bas. Aux Pays-Bas, les rétrocessions sont totalement interdites. Et pourtant, nous y gagnons de l’argent. Il existe d’autres solutions, telles que les frais de service pour l’exécution des ordres ou la facturation de frais de transaction.

L’année du redressement

En partie à cause de la crise du crédit et des coûts d’investissement élevés, MeDirect a longtemps été déficitaire. L’année dernière, malgré un doublement des revenus d’intérêts, la banque a encore plongé dans le rouge à hauteur de 5,6 millions d’euros. 2023 devait être l’année du redressement. “Nous avons réalisé un bénéfice de 1,8 million d’euros au cours des six premiers mois de l’année”, a déclaré M. Moreau. “Bien que nous ayons continué à investir massivement, à la fois dans le personnel et dans l’informatique, nous bénéficions d’une augmentation de l’épargne et des volumes de crédit. Nous bénéficions de l’augmentation des volumes d’épargne et de crédit, de l’arrivée de nouveaux clients et, bien sûr, de l’augmentation des taux d’intérêt. M. Moreau insiste sur le fait qu’il faut considérer MeDirect comme une entreprise qui a dépassé sa phase de start-up : “Des investissements substantiels ont été réalisés au cours des dernières années et nous avons prouvé que le modèle pouvait être rentable. Aujourd’hui, en tant que scale-up, nous sommes déterminés à accélérer la croissance.”

MeDirect est indirectement détenue par la société d’investissement britannique AnaCap Financial Partners via le groupe maltais MDB. Ce fonds d’investissement privé est actuellement en pourparlers avec un consortium d’investisseurs désireux de soutenir l’expansion de MeDirect. M. Moreau n’a pas voulu confirmer si ces discussions pourraient déboucher sur une injection de capitaux frais. Il n’est pas lui-même impliqué dans ces discussions, mais parle de “nouveaux actionnaires ayant une vision à long terme et désireux de soutenir la stratégie de croissance”.

Selon lui, cette croissance peut d’abord démarrer en Belgique : “Nous avons encore beaucoup à gagner en Belgique, tant en termes de prêts que de dépôts d’épargne et de produits d’investissement. Il existe un marché pour une banque qui sert des clients qui ne veulent pas payer trop cher pour une bonne gamme de produits financiers. Pour les investisseurs avisés, ceux qui cherchent un bon compromis entre les rendements et les coûts, MeDirect est une option très attrayante.

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