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Pourquoi les traders devraient lire John Kennedy Toole…

L’austérité imposée aux Etats par les marchés financiers finira par se retourner contre les marchés financiers. Au fond, ce que nous proposent aujourd’hui les marchés financiers ressemble à s’y méprendre à cette “conjuration des imbéciles” si bien décrite par le romancier américain John Kennedy Toole.

Ce qui se passe en Bourse depuis quelques semaines a été résumé en une phrase par Angela Merkel : “C’est un combat des politiques contre les marchés.” Soyons de bon compte, cependant : la chancelière allemande n’est pas la seule politique à montrer son irritation contre les spéculateurs. Le Premier ministre espagnol a réagi fortement lorsque son pays s’est retrouvé la proie des spéculateurs suite à une rumeur non fondée. Quant à José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, il voudrait empêcher les Bourses de devenir “un terrain de jeu pour la spéculation”.

Voilà des déclarations viriles et qui sonnent juste aux oreilles des citoyens. Au-delà de la rhétorique, qu’a-t-on observé en deux ans de crise financière ? Rien. Que ce soit à Washington, à Londres, à Paris ou à Berlin, tous les sommets entre politiques se sont terminés par de grandes déclarations solennelles contre la spéculation, les bonus ou les paradis fiscaux. Mais à chaque fois, ces déclarations se sont révélées des épées en bois. Dans le combat entre les jeunes traders cachés derrière leurs écrans et la réalité quotidienne de millions de gens, il est clair que c’est le monde virtuel du trading qui a jusqu’à présent gagné sur la réalité humaine et sociale.

Heureusement, les choses ont changé le weekend dernier. Le plan de stabilisation de 750 milliards d’euros négocié en urgence a permis de calmer la spéculation. Cela a rassuré les Bourses qui ont grimpé en flèche hier lundi.

Un répit en manière de maigre consolation, car ce sont ces marchés financiers qui imposent aujourd’hui l’austérité à toute l’Europe. Pour éviter le même sort que la Grèce, tous les gouvernements se précipitent en effet pour donner des garanties de rigueur à ces marchés financiers. C’est à qui diminuera le plus ses dépenses publiques ou augmentera le plus ses impôts… et de préférence les deux à la fois.

En soi, ce désendetter est une bonne chose – c’est même une nécessité pour ne pas faire porter aux générations futures les dérapages de leurs parents. Mais il y a la manière et le calendrier. Primo, il ne faut pas oublier que le secteur financier exige le remboursement d’une dette publique dont il est en grande partie responsable. Si les Etats se sont tant endettés, c’est en partie pour sauver le secteur financier, donc les marchés financiers. Un peu de reconnaissance du ventre ne ferait donc pas de mal…

Comme le souligne l’économiste belge Paul De Grauwe, que l’on ne peut suspecter d’être gauchiste, l’erreur des marchés financiers est de mettre la pression aujourd’hui pour que les Etats remboursent de manière anticipée leur dette publique. Seul hic : si tous les pays de la zone euro se mettent à moins dépenser et à moins consommer, nous allons tout simplement retarder notre sortie de crise.

En clair, les marchés financiers demandent de la rigueur à un moment où la reprise économique est encore fragile. Autant demander à quelqu’un de courir le 100 mètres en moins de 10 secondes alors qu’il sort péniblement d’un long coma ! Cette austérité imposée par les marchés financiers finira donc par se retourner contre les marchés financiers.

Au fond, ce que nous proposent aujourd’hui les marchés financiers ressemble à s’y méprendre à cette “conjuration des imbéciles” si bien décrite par le romancier américain John Kennedy Toole. Il faudrait distribuer ce livre rapidement dans toutes les salles de marché.

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