Steve Ballmer, l’atypique patron qui a construit et égaré Microsoft

© Reuters

Bras droit et ami de Bill Gates depuis la fac, Steve Ballmer a annoncé sa retraite d’ici un an. Avec son départ, c’est un chapitre de 30 ans chez Microsoft qui se clôt. Sur une note d’échec à tourner la page du PC pour prendre le virage du mobile.

A 57 ans, Steve Ballmer a annoncé ce vendredi 23 août qu’il prendrait sa retraite d’ici à douze mois. Celui qui a passé quasiment toute sa carrière chez Microsoft laisse derrière lui une entreprise en pleine mutation, qui n’a pas encore réussi sa transition de l’ère du PC à celle des appareils mobiles et de l’internet, malgré des succès indiscutables dans le cloud, et dans les jeux vidéo.

Surnommé “l’embaumeur”

Prendre la succession du fondateur de Microsoft, Bill Gates, à la direction du groupe, en janvier 2000, n’était pas chose facile. Mais l’homme a incontestablement marqué de son empreinte l’image de l’entreprise. Tout comme on se souvient d’un autre Steve – Jobs d’Apple – célèbre surtout à travers ses “keynotes”, Ballmer restera comme le bouillant et surexcité orateur de Microsoft, arpentant la scène de long en large, aboyant presque face au public. Une attitude physiquement assez agressive, qui se retrouvait dans son style de management impitoyable qui lui a valu le surnom de “the emBalmer, “l’embaumeur”. On dit qu’il s’est déjà déchiré les cordes vocales en criant trop fort lors de réunions avec ses équipes.

[Un extrait de Steve Ballmer sur scène: “Steve Ballmer going crazy”]

L’exubérant Steve Ballmer est né près de Détroit, la ville de l’automobile, où son père était manager chez Ford. La famille, pour ce père de trois enfants aux origines mêlées (suisse, russe, juive), a toujours été une valeur importante. Premier milliardaire américain à avoir atteint, à 40 ans, une fortune de 10 milliards de dollars en n’étant pas fondateur de son entreprise, il n’a jamais adopté un mode de vie ostentatoire. Avec une fortune actuellement estimée à 15,2 milliards de dollars par Forbes, il se classe en 51e position des personnes les plus riches de la planète.

Un parcours sans faute chez Microsoft

Diplômé de Harvard en économie et en mathématiques appliquées, il débute sa carrière chez Procter & Gamble en tant qu’assistant chef de produit, puis reprend des études de commerce à Stanford jusqu’à ce que Bill Gates le dissuade de continuer.

C’est grâce à son ami, rencontré sur les bancs de Harvard, qu’il entre chez Microsoft en 1980. C’est le premier directeur à avoir été recruté. Il dirigera plusieurs divisions au sein du groupe, dont les opérations, les systèmes d’exploitation, les ventes et l’après-vente.

En janvier 2000, il remplace Bill Gates à la direction générale de l’entreprise. Sous ses ordres, Microsoft passera d’un chiffre d’affaires annuel de 25 milliards à 74 milliards de dollars, et le résultat net augmentera de plus de 200%. Il lancera aussi de nouvelles activités comme les data centers et la la division divertissement avec la console Xbox. Il est par ailleurs l’auteur d’acquisitions significatives, comme celle de Skype en 2011, racheté 8,5 milliards de dollars, la plus grosse acquisition de l’histoire de Microsoft.

Depuis son arrivée au sein du groupe, l’effectif est passé de 30 personnes à 100.000. Revenant sur son parcours dans son mail de départ, Steve Ballmer écrit : “Je me sens bien d’avoir joué un rôle dans ce succès et de m’être donné à 100% émotionnellement pendant tout ce temps”. “Nous avons degagé plus de profit et retourné plus de liquidités à nos actionnaires qu’aucune autre enterprise dans l’histoire”, ajoute-t-il.

Echec cuisant dans les smartphones et les tablettes

Le bilan de Ballmer, décrit comme un mélange d’arrogance et d’optimisme forcené, n’est pourtant pas exempt d’échecs et de difficultés. En effet, le numéro un mondial des logiciels a raté le tournant industriel de l’internet mobile mobile et peine à rattraper son retard. Trop focalisé sur le PC, il a raté le coche des smartphones, des tablettes et de la dématérialisation des contenus et des logiciels. Le lecteur de musique Zune n’a pas marché, la tablette Surface ne trouve pas son public, et aujourd’hui le système d’exploitation Windows est mis en danger.

En 2012, Steve Ballmer est désigné pour ces raisons “pire PDG du monde” par Forbes, qui lui reproche d’avoir maintenu Microsoft dans sa position de vendeur de PC, et de ne pas avoir compris les tendances à l’oeuvre sur le marché informatique. Témoin de cet échec, le cours de l’action Microsoft a perdu 42% de sa valeur depuis que Steve Ballmer est aux commandes.

Ce businessman déterminé a cependant enclenché la vitesse supérieure ces derniers mois, et mis l’accent sur l’innovation pour regagner du terrain face à ses concurrents. En lançant notamment un OS multiplateformes, Windows 8, et en réorganisant ses directions opérationnelles en profondeur. Signe des temps, Steve Ballmer a indiqué s’être inspiré d’Apple pour mener à bien cette refonte… Il dispose encore de quelques mois pour prouver que ces initiatives n’arrivent pas trop tard, et pour qu’on ne lui reproche pas à vie ce que l’on réprouve aujourd’hui chez Tim Cook: l’absence d’instinct, la perte du “mojo”, en deux mots l’appauvrissement de l’innovation.

Raphaële Karayan

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