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1979 : du SME à l’euro

En espérant que cela n’apparaisse pas comme un aveu feint ou de circonstance, je dois confesser que le principe de l’euro ne m’a jamais totalement convaincu.

En espérant que cela n’apparaisse pas comme un aveu feint ou de circonstance, je dois confesser que le principe de l’euro ne m’a jamais totalement convaincu. J’aimais bien le système monétaire européen (SME) créé en mars 1979, qui contraignait les monnaies à des convergences relatives assorties de possibilités d’ajustements par les réévaluations/dévaluations.

Le SME prévoyait des marges de fluctuations des devises nationales participantes autour d’un cours pivot de référence, un mécanisme de change qui assure un lien solide entre les monnaies nationales et un système de crédit qui gère la solidarité monétaire des pays.

Je crois même qu’une monnaie est un phénomène spontané et que la monnaie ne revêt une fonction socio-étatique qu’au prix de son assentiment culturel. Forger une monnaie unique est donc uniquement un postulat politique. Cette démarche suppose que la mobilité des facteurs de production soit optimalisée afin que la monnaie unique fluidifie les différences économiques entre les pays qui ressortissent à la même zone monétaire.

D’ailleurs, on le constate aujourd’hui ; la réalité économique nous replace exactement dans la même logique que celle du SME de 1979 : les écarts entre les taux d’intérêt des obligations souveraines (les spreads) remplacent les marges de fluctuation des cours de change, et les défauts (comme en Grèce) sont des substituts à des dévaluations.

En 1996, j’avais posé la question au ministre des Finances belge de l’époque, Philippe Maystadt de ce qui se passerait si un raz-de-marée (on ne parlait pas des tsunamis à l’époque) détruisait toute l’économie belge. Il me répondit, avec justesse et lucidité, que des prêts multilatéraux seraient mis en oeuvre afin d’assurer une solidarité budgétaire entre les pays et de maintenir la monnaie unique, qui était alors presque sur les fonts baptismaux.

L’arme monétaire et non la solidarité budgétaire

Aujourd’hui, ce n’est pas un raz-de-marée mais un tremblement de terre qui secoue l’Europe. Celui-ci dévoile deux problèmes : certains pays sont fragilisés budgétairement et – c’est le véritable problème – aucun mécanisme de solidarité budgétaire n’a été mis en oeuvre entre les pays. Tout se passe comme si les charnières financières entre les pays grinçaient dans un bruit assourdissant.

Ces situations auraient dû être prévues dans le sillage de la logique de Philippe Maystadt. Mais, impréparés, les pays ont choisi, contraints et forcés, d’utiliser l’arme monétaire et non la solidarité budgétaire européenne pour aborder l’excès d’endettement public de certains pays. C’est donc la BCE qui est devenue le prêteur en dernier ressort des Etats, alors qu’il y a 5 ans, cette orientation aurait fait clouer au pilori tout économiste sérieux. D’ailleurs, en 2008, Jean-Claude Trichet se défendait d’envisager ce qu’il a dû, plus tard, mettre en oeuvre.

En attendant une union fiscale et budgétaire

Aujourd’hui, il faut poursuivre cette politique monétaire complaisante car le creux conjoncturel, conjugué aux problèmes d’endettement public, est d’une telle gravité que la solidarité budgétaire européenne n’est pas encore crédible. Cette création monétaire conduira probablement à une certaine corruption de la monnaie par l’inflation, mais c’est un moindre mal.

Aujourd’hui, il faut repenser certains mécanismes budgétaires. Il s’agit de mutualiser une partie du financement des Etats par une harmonisation et une intégration budgétaires.

Ma conviction, c’est que l’euro était un choix d’économie de marché mais qu’il était incongru d’imposer une monnaie unique sur le simple postulat de convergence des économies. De même, il est illogique d’avoir formulé un choix monétaire avec un poids croissant des Etats dans l’économie, puisque les dettes souveraines, qui constituent le pendant de la stabilité monétaire, atteignent près de 100 % du PIB dans la plupart des pays.

Dans cette logique, l’indépendance de la BCE s’est limitée à un précepte incantatoire plutôt qu’à avoir été un vecteur opératoire. C’est pour cela que, de manière résignée, il faudra peut-être se résoudre (même si c’est à l’opposé de mes convictions) à une tutelle bancaire plus forte et à une re-nationalisation des autorités monétaires, avant que les Etats européens fassent aboutir une union fiscale et budgétaire .

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