De l’entreprise à la politique: patrons 
élus, à vous 
de jouer!

Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

De la fraîcheur et de la rigueur: les CEO élus sur les listes du MR et des Engagés sont à la manœuvre pour diriger le changement. Ils misent sur leur expérience de management et entendent casser les codes. Mot d’ordre: revaloriser le travail et redonner de l’ambition à la Belgique.

Un vent de changement souffle sur la Belgique francophone. Les libéraux de Georges-Louis Bouchez et les Engagés de Maxime Prévot négo­cient en binôme, à tous les niveaux de pouvoir, après leur triomphe du 9 juin. La création de richesses, le soutien à l’emploi ou une bienveillance fiscale sont à leur programme. Une rigueur budgétaire nécessaire aussi, ainsi qu’un changement de cap en matière de gouvernance. Au fil des discussions, l’ambition se confronte toutefois à la réalité. Le défi est grand.

Plusieurs patrons élus sont à la manœuvre pour porter cette dynamique de centre-droit. Candidats d’ouverture, élus au Parlement en attendant mieux (ministre, chef de cabinet…), ils apportent leur exper­tise managériale. Cinq d’entre eux nous confient leurs premiè­res expériences et leur vision pour demain. Olivier Willocx, Loubna Azghoud et Vincent Maillen pour le MR, Yvan Verougstraete et Olivier de Wasseige pour les Engagés: tous soulignent l’ampleur de la tâche. Et confient leur détermination.

“Une lourde responsabilité”

© BELGA

“Je ressens désormais tout le poids de la responsabilité sur les épau­les, entame Olivier Willocx (MR), élu député bruxellois. C’est un plaisir très nuancé. Nous avons un peu fait la fête le soir des élections, parce que l’on ne pensait jamais à une telle victoire. Mais je suis un adulte et je suis conscient du défi. Budgétairement, c’est une catastro­phe! Nous devrons faire preuve de beaucoup de pédagogie pour l’expliquer aux gens.”

Cet ancien CEO de Beci, l’organe représentant le patronat bruxellois, se demande tout simplement “comment il sera possible de sauver la Région-Capitale”. “Pendant des années, personne n’a voulu prendre ses responsabilités, regrette-t-il. Les dépenses publi­ques ont dérapé, mais la pauvreté a explosé. C’est la double peine. Ce n’est pas une politique keynésienne, c’est un suicide collectif. La balance commerciale est en déficit de 10 milliards, alors que nous sommes de grands exportateurs! Il n’y a jamais eu de focus sur l’économie, on se moquait des entreprises. Nous en étions cons­cients et nous n’avons pas fait campagne en faisant des promesses intenables.”

“La maturité de la population par rapport à l’enjeu est d’ailleurs remarquable”, estime toutefois Olivier Willocx, à l’issue du vote. Voilà ce sur quoi il faut s’appuyer.

“Dégraisser le service public”

En tant qu’entrepreneur, l’ancien patron des patrons compte bien mettre l’accent sur la création d’activité. “Il sera nécessaire de dégraisser une partie du service public, plaide-t-il. On ne peut pas continuer à payer simultanément les dépenses pour les subsides facultatifs et le fonctionnement organique des institutions. Quand les recettes augmentent globalement de 1,5%, les dépenses ne peuvent pas augmenter de 6%: c’est mathématique! Le tout sera de voir comment on fait cela intelligemment. Il faut respecter les gens, aussi. Tout n’est certainement pas à jeter, mais on n’est pas loin d’une situation à la grecque.”

Bruxelles doit-elle devenir un enjeu fédéral? “Nous avons peut-être besoin de soutien, c’est vrai, mais c’est avant tout un problème de gestion, rétorque-t-il. On a oublié que l’on devait veiller à la création de richesses, c’était pratiquement un mot proscrit. Le succès de la droite, aux élections, est lié à la revalorisation de la valeur du travail. Pendant la campagne, des habitants d’origine étrangère nous disaient combien les socialistes leur parlaient en permanence de mettre à disposition un logement social, même à des entrepreneurs employant des dizaines de person­nes. Pourquoi ramène-t-on en permanence les gens à une condition d’assisté en raison de leur origine? L’entrepreneuriat à Bruxelles, aujourd’hui, c’est 54% de gens d’origine étrangère.”

“Revaloriser le travail”

Olivier Willocx insiste sur la nécessité de soutenir ceux qui travail­lent. “Sanctionner les chômeurs s’il n’y a pas d’emploi, c’est injuste, je suis d’accord. Je n’ai jamais été très favorable à cela. Mais il y a des pénuries dans tous les métiers, des serveurs dans les restaurants aux peintres et aux maçons dans le bâtiment : cela signifie tout de même que certains ne veulent pas travailler. Il n’y a même pas besoin d’accompagnement. Il est d’ailleurs hautement probable que certains travaillent de façon non contrôlée.”

“Le succès de la droite, aux élections, est lié à la revalo­risation de la valeur du travail.” – Olivier Willocx (MR), élu au Parlement bruxellois

Pour bousculer les choses et générer une “culture de la responsabilité”, l’ancien CEO de Beci affirme “ne pas chercher la lumière”, mais il se voit bien diriger un cabinet ministériel. “Je suis davantage un libéral de gauche, précise-t-il. Ce qui sera difficile, ce sera de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Car, oui, il y a des discriminations.”

“C’est chaud!”

“C’est la rentrée des classes, sourit Yvan Verougstraete (Les Engagés), élu au Parlement européen. Nous avons préparé notre cartable, reçu des badges et choisi nos camarades de classe. Ces premières semaines sont décisives.” Pour son parti, il s’agit notamment de tenter le passage vers un autre groupe parlementaire, plus conforme à ses idéaux centristes et libéraux sociaux. Un baptême du feu délicat.

L’ancien CEO de Medi-Market, élu Manager de l’Année 2019, ne veut pas perdre de temps car la composition des commissions parlementaires est déterminée rapidement. “Tout doit être réglé pour la première session du 16 juillet, explique-t-il. Les sujets les plus importants, ce sont l’énergie, l’environnement et le marché. J’ai travaillé comme un malade durant la campagne, j’avais dit à ma femme que ce serait plus calme après le 9 juin, mais je n’ai pas encore arrêté une seconde! Le soir de la victoire, on a fêté jusqu’à trois heures du matin, mais à six heures, c’était reparti. Il faut poser les jalons pour après. C’est chaud!”

Vice-président des Engagés, Yvan Verougstraete est également impliqué dans les négociations à tous les niveaux de pouvoir, avec un regard particulier sur Bruxelles. “Je fais vraiment de la politique, je veux apprendre comment cela mar­che, mais aussi veiller à ce que l’on suive le cap du changement. Et à Bruxelles, c’est l’endroit où il a le plus de boulot parce que c’est la première Région qui risque la faillite.”

“Une chance à saisir”

Le mandat reçu de l’électeur l’engage, dans le bon sens du terme. “Maintenant, il faut délivrer, insiste Yvan Verougstraete. On n’aura plus l’excuse de dire que le PS nous a empêchés. Ce qui se passe est inespéré. Nous avons cinq ans pour faire le changement dont on a besoin depuis très longtemps. Nous pouvons faire œuvre d’utilité pour l’avenir, mais il faut absolument saisir cette chance.”

Comment procéder? “Nous avons tellement parlé de réforme fiscale que nous n’avons plus le choix: il faut la faire! Nous devons remettre notre marché du travail en ordre. Il y a un travail important à faire en matière de formation professionnelle. Une dizaine de priorités doivent être prises en main et, en même temps, nous devons précéder le chien fou pour que l’on ne casse pas l’outil, en matière de santé, par exemple.”

“Il y a moyen de mettre en place des changements que l’on ne croyait pas possible, mais cela accentue notre responsabilité.” – Yvan Verougstraete (Les Engagés), élu au Parlement européen

Le chef de file des Engagés s’inquiète des déclarations cassantes faites par Georges-Louis Bouchez. “Nous devons créer un climat où l’on ne se coupe pas de partenaires potentiels à Bruxelles, car la situation politique y est plus épineuse, insiste-t-il. Nous devons être bienveillants avec les corps intermédiaires pour générer la dynamique. C’est notre marque de fabrique, aussi. Il y a moyen de mettre en place des changements que l’on ne croyait pas possible, mais cela accentue notre responsabilité.”

“Ecraser ne sert à rien!”

Comment un entrepreneur peut-il imprimer sa marque? “Comme dans une entreprise, il s’agit de veiller à ce que tous les éléments d’organisation soient en place pour pouvoir délivrer son projet, explique l’ex-CEO de Medi-Market. L’armée doit être en ordre de bataille. Au niveau belge, les déclarations de politique sont notre business plan. Il faut être fortement impliqué pour avoir de l’impact. Si on rate ces premières étapes, on ne gagnera pas la guerre.”

“Il y a des codes de la politique avec lesquels on doit jouer, prolonge Yvan Verougstraete. Mais l’objectif doit être de s’en détacher pour changer les choses.” L’art de la négociation propre au milieu commercial permet à cet ancien Manager de l’Année de manier les instruments de la politique avec un regard sur l’efficacité.

“On sait très bien que si dans une négociation, on maltraite son partenaire, il ne l’oublie jamais, précise-t-il. Nous devons être plus humbles dans la victoire que dans la défaite, respecter son partenaire lorsqu’il est blessé. Ecraser, c’est du court terme, cela ne sert à rien! C’est comme une négociation entre un acheteur et un fournisseur: ce peut être une relation de pouvoir, mais il faut aussi donner de la prévisibilité, créer de la confiance… Moi, je ne crois pas aux victoires à court terme.”

“L’entrepreneuriat, émancipateur social”

Loubna Azghoud, élue au Parlement régional bruxellois sur la liste MR, est une néophyte pleine d’enthousiasme. Elle veut apporter un vent de fraîcheur dans l’assemblée. Entrepreneuse dans la tech, responsable d’une organisation soutenant l’entrepreneuriat féminin, elle confesse: “Je suis très nouvelle. Je n’avais pas de carte de parti et j’ai été lancée directement dans le bain des élections. Le MR voulait mettre en avant l’entrepreneuriat féminin, j’incarnais cela. C’est une opportunité pour continuer au niveau politique les combats que je menais dans la société civile. En espérant avoir davantage d’impact.”

Cette jeune femme est restée focalisée sur ses sujets pendant la campagne. “J’ai été attaquée parce que je représente quelque chose en tant que femme issue de la diversité et de la culture musulmane. Je suis restée polie, mais je ne voulais pas entrer dans ces thématiques communautaires. A mes yeux, l’entrepreneuriat est un vecteur d’émancipation et de réalisation sociale! Cela permet de créer de l’emploi, cela émancipe les femmes et dans le nord de la capitale, il y a plein de femmes qui travaillent déjà et qui pourraient se professionnaliser. Je veux m’investir pour les faire passer de l’économie informelle à l’économie formelle.”

“Capitale de l’innovation”

Loubna Azghoud abandonnera son organisation High Her, qui soutient les femmes dans la levée de fonds. Incompatible avec son nouveau statut d’élue. Mais elle poursuivra une activité privée. “Je veux rester qui je suis, implantée dans l’écosystème, explique-t-elle. J’ai une petite idée de la façon dont je veux m’investir, mais je veux aussi m’impliquer pleinement dans mon travail de députée.”

“C’est une opportunité pour continuer au niveau politique les combats que je menais dans la société civile.” – Loubna Azghoud (MR), élue au Parlement bruxellois

Son envie? Initier une dynamique positive dans la ville. “Bruxelles est un beau terrain de jeu. Il est un peu abîmé aujourd’hui, avec plus de 3.000 entreprises qui quittent la ville chaque année. La question de la mobilité est importante, mais nous devons aussi miser sur la transition numérique et l’intelligence artificielle. Nous devons embarquer les gens. Mon ambition, c’est de faire de Bruxelles la capitale de l’innovation. Nous devons redonner de l’ambition, on en a beaucoup trop manqué.”

De la fraîcheur et de la rigueur: les patrons en politique prennent leur envol.

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