Rudy Aernoudt

La débâcle des panneaux solaires ne nous a-t-elle rien appris?

D’ici 2030, l’Europe pourrait devenir aussi dépendante de la Chine pour les batteries lithium-ion et les piles à combustible qu’elle l’était de la Russie pour l’énergie.

La production mondiale de batteries a atteint 1.163 gigawattheures (GWh) en 2022. Septante-sept pour cent de cette production, soit 893 GWh, ont été produits par la Chine. Quiconque achète une voiture électrique a donc de bonnes chances d’acheter une batterie chinoise. Non, je ne parle pas seulement des voitures chinoises, car les Mercedes et les Volkswagen électriques contiennent également une batterie de CATL, la plus grande entreprise de batteries au monde. D’ici deux ans, CATL aura une capacité de production de 670 GWh, soit 75% de la production mondiale actuelle.

La demande de batteries augmentera énormément dans les années à venir, en partie en raison de la politique mondiale de promotion de la voiture électrique, la batterie représentant 40% du coût de celle-ci. En 2028, la capacité totale de production de batteries atteindra 9.000 GWh. Pour y parvenir, des subventions sont accordées dans le monde entier aux entreprises qui investissent dans cette activité. Sur ces 9.000 GWh, la Chine en prendra 6.200, soit quatre fois plus que ce qu’elle consommera elle-même. Les Etats-Unis prendront 10% de ce marché. Des pays comme la France et l’Espagne ne représenteront que 1% du marché.

Face à ces chiffres, l’Europe et les Etats-Unis sont sur la défensive. Avec l’Inflation Reduction Act (IRA), Washington veut subventionner les entreprises qui créent des usines de batteries sur le sol américain. Les Etats-Unis prévoient 369 milliards de dollars d’investissements dans les énergies renouvelables, l’hydrogène et d’autres secteurs des technologies propres, avec des technologies américaines. L’Europe, elle, ne produit pratiquement aucune cellule de batterie à grande échelle et ne représentait que 3% du marché mondial il y a cinq ans. Elle a subventionné le secteur à hauteur de 7,7 milliards d’euros au cours des sept dernières années. Elle a également créé la Battery Alliance, un groupement de 440 acteurs qui, ensemble, fournissent environ 100 milliards d’euros d’investissements par le biais de financements publics et privés.

Dilemme: faut-il reporter nos ambitions écologiques ou devenir complètement dépendants de pays tiers?

De plus, les matériaux de base nécessaires à la fabrication des batteries ne sont pas disponibles dans l’Union européenne. Le cobalt provient principalement du Congo, le manganèse du Gabon et le lithium d’Australie, pour ne citer que quelques exemples. La folie de la voiture électrique fait grimper massivement le coût de tous ces produits, ce qui entraîne une volatilité des prix. Celui du lithium, par exemple, a quintuplé entre 2018 et 2022, pour chuter de 40% en 2023. De nouvelles technologies telles que l’extraction directe du lithium (EDL) sont en cours de développement afin de rentabiliser les mines chiliennes et boliviennes. Les entreprises américaines peuvent compter sur le soutien de l’IRA à cet égard.

La Cour des comptes européenne conclut que nous devrons soit reporter nos ambitions écologiques, soit accepter de devenir complètement dépendants de pays tiers, ce qui est en contradiction avec la poursuite de l’autonomie stratégique. Ou, comme le dit l’actuelle présidence espagnole de l’Union européenne, celle-ci “pourrait devenir aussi dépendante de la Chine pour les batteries lithium-ion et les piles à combustible d’ici 2030 qu’elle l’était de la Russie pour l’énergie avant la guerre en Ukraine, à moins que l’Europe ne prenne des mesures énergiques”. Peut-être une pépite pour la future présidence belge de l’Union européenne en 2024, mais celle-ci coïncide malheureusement avec les élections fédérales et régionales.

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