Olivier Mouton
Bpost: situation d’urgence
Chris Peeters, ex-CEO d’Elia et élu Manager de l’Année 2021 par nos collègues néerlandophones de Trends, évoquait un “défi” lors de l’annonce de son passage chez bpost.
A la tête de l’entreprise depuis le 1er novembre, il ne croyait pas si bien dire: le distributeur de courrier et colis postaux a connu une séance boursière cataclysmique, lundi 27 novembre, perdant 100 millions d’euros en une seule séance. La conséquence d’une probable décision gouvernementale, mais aussi d’une dérive de plusieurs années…
Une fuite dans la presse du week-end faisait état de la perte probable du marché de la distribution des quotidiens et périodiques suite à l’appel d’offres européen lancé par le gouvernement fédéral. Deux acteurs en partie inédits, PPP et le français Proximy, auraient raflé la mise. Une décision qui devait être confirmée par la majorité fédérale, Ecolo faisant de la résistance. Ce marché, subsidié à hauteur de 125 millions d’euros, est stratégique et concerne quelque 3.000 emplois. Mais il pourrit la vie de bpost depuis des années, au risque de remettre l’entièreté de son modèle en question.
L’entreprise a été décapitée suite aux petits arrangements entre amis dénoncés autour de ce marché de distribution des journaux durant des années. “Un petit groupe de dirigeants a trompé le contribuable belge et la Commission européenne, aspirant en 10 ans pas moins de quatre milliards d’euros des caisses de l’Etat belge”, écrivaient les journalistes Wouter Verschelden et Emmanuel Vanbrussel, dans Hold Up, un livre accablant publié cet été. Les numéros 1 et 2 de bpost, Dirk Tirez et Jean Muls, ont été contraints de quitter l’entreprise. Audits et procédures en justice ont suivi. Le tout sur fond d’un bras de fer idéologique et communautaire. Un gâchis d’ampleur…
L’exploitation d’une entreprise de colis, avec des milliers d’employés, fait-elle partie du domaine de compétence de l’Etat?
La mission de bpost a fortement évolué ces 10 dernières années. La forte réduction du courrier, la numérisation et le développement du commerce en ligne ont mis le modèle sous forte pression. Des promesses, il y en a eu: bpost détient aujourd’hui la plus large part de marché, tous segments confondus, évaluée entre 50 et 60% en chiffre d’affaires. Mais le caractère concurrentiel des activités de l’opérateur historique lui impose une adaptation permanente. Et potentiellement douloureuse. Concernant le marché de la distribution des journaux, les syndicats ont immédiatement alerté le politique sur le risque de casse sociale.
Quel modèle pour bpost? En toile de fond de ces sagas coupables, on trouve un débat fondamental sur l’avenir de l’entreprise. “L’exploitation d’une entreprise de colis, avec des milliers d’employés, fait-elle partie du domaine de compétence de l’Etat? interrogent Wouter Verschelden et Emmanuel Vanbrussel. Plus que jamais, les opinions divergent sur ce point.” Libéraux et N-VA ne verraient pas d’un mauvais œil une privatisation. Le PS, qui dirige le conseil d’administration, s’y oppose, comme Ecolo. “En ce sens, bpost est aussi un peu une histoire de la Belgique en miniature”, résument les deux auteurs. C’est dire combien la tâche de Chris Peeters s’annonce ardue.
“Je pense que bpost est en pleine transformation”, a résumé le nouveau CEO à son arrivée. Un euphémisme. “Son C.V. impressionnant inspire la confiance nécessaire pour orienter bpost vers des eaux plus calmes, s’était félicitée Petra De Sutter (Groen), ministre des Entreprises publiques. Chris Peeters possède l’expertise et l’expérience nécessaires pour développer l’entreprise à l’ère numérique sans perdre de vue la durabilité et l’emploi.” Le voilà confronté à sa première épreuve du feu.
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