Amid Faljaoui
Taïwan, pas envahie avant 2027 ?
L’année 2024 ne dépendra pas seulement de l’élection américaine. Les élections de ce week-end à Taïwan portaient aussi en elles de nombreux enjeux. Car les conséquences d’un conflit à Taïwan seraient plus spectaculaires que celles provoquées par la guerre en Ukraine.
L’année 2024, nous disent les spécialistes en géopolitique, ne dépendra que d’une seule élection : l’élection américaine ! Selon les prévisions pour l’année du magazine économique The Economist (dont votre magazine a eu les droits exclusifs pour la Belgique), plus aucune des prévisions ne tient si Donald Trump arrive au pouvoir en novembre prochain. Ne serait-ce que parce que Donald Trump nouvelle mouture est mieux préparé. Récemment encore, l’un des meilleurs historiens au niveau mondial, le Britannique Niall Ferguson a prévenu les autorités européennes en leur disant que nous n’avions que 10 mois pour nous réformer. Soit le temps qui reste avant l’arrivée de Donald Trump. Car il l’a annoncé sans vergogne. S’il est élu, il arrêtera du jour au lendemain son soutien à l’Ukraine, sera plus souple sur la question de Taïwan et refusera d’appliquer l’article 5 de la charte de l’OTAN. Soit l’article qui implique, qu’en cas d’attaque externe sur l’un des membres de l’OTAN, les autres pays rétorqueront comme s’ils avaient été attaqués sur leur propre sol. Un tel refus revient à vider de sa substance l’alliance et mettrait l’OTAN en « état de mort cérébrale », selon Emmanuel Macron.
Mais aujourd’hui ce n’est pas ça qui fait la UNE des médias sérieux. Ce lundi, c’est la victoire d’un candidat antichinois à la présidence de Taïwan. En temps normal, ce genre d’élection n’aurait pas produit autant d’articles ou de reportages en Europe. Sauf que les temps changent. Les lecteurs de Trends-Tendances savent qu’un conflit en Ukraine ou au Moyen-Orient, aussi lointain qu’il soit, finit toujours par avoir un impact sur notre inflation. Donc sur notre pouvoir d’achat.
Et si ce n’est pas sur notre pouvoir d’achat, il peut avoir un impact sur les livraisons en provoquant des retards. Du genre de ceux que viennent de vivre les usines de Tesla en Europe ou de Volvo en Belgique. Et tout cela, en raison d’attaques lointaines de rebelles Houties en bord de mer rouge.
Dans un tel contexte, on ne peut douter de l’importance des élections à Taïwan. Surtout en sachant que les Chinois ne reconnaissent pas Taïwan (une île qui considèrent comme faisant partie de la mère patrie) et qu’ils ont à leur tête un président qui est tout sauf prévisible. Les Chinois pourraient ainsi commettre une grosse erreur comme Vladimir Poutine avec l’Ukraine. Par exemple, en lançant une guerre précoce contre Taïwan. Les plus pessimistes des observateurs pensent même que Taïwan pourrait se faire envahir en 2027. La date à laquelle le président chinois actuel va briguer un 4e mandat. Quoi de plus beau, en effet, que d’offrir à ses électeurs l’annexion de Taïwan ? Mais est-ce vraiment aussi simple ? Si c’était le cas, Taïwan serait déjà sous la coupe de Pékin.
Un conflit à Taïwan paralyserait l’économie mondiale
En réalité plusieurs raisons peuvent expliquer ce statu quo. Taïwan a beau être une île avec une vingtaine de millions d’habitants, la plupart de nos appareils électroniques sophistiqués (avions, voitures, smartphones ) ne survivraient par à un arrêt des livraisons en provenance de Taïwan. 60% de la production mondiale de semi-conducteurs et environ 90% des puces électroniques de pointe y sont fabriqués. Pour ne citer qu’un seul exemple, l’iPhone 15 utilise des puces de 3 nanomètres produites par la société TSMC. Or la plus importante boîte du secteur est Taïwanaise. Un conflit à Taïwan paralyserait donc l’économie mondiale. Pour Anthony Blinken, le secrétaire d’Etat américain, les conséquences d’un conflit à Taïwan seraient plus spectaculaires que celles provoquées par la guerre en Ukraine.
Un autre point qui est passé relativement inaperçu et qui pousse pourtant vers le maintien du statu quo est que le nouveau président Taïwanais a été mal élu (moins de 50% des voix). Il devra composer avec un parlement qu’il ne contrôlera pas. Il devra aussi sans doute faire des concessions et s’allier avec d’autres partis pour gouverner. Pas de quoi avoir les mains libres et provoquer une rupture frontale avec la Chine. Pékin en est conscient. Washington aussi. Ce qui fait, qu’avec un peu de « chance », nous aurons encore quelques années de répit.
Un répit bienvenu puisqu’après le covid-19, la guerre en Ukraine, le conflit au Moyen-Orient, les attaques des rebelles Houties sur l’une des principales voies maritimes mondiales et l’arrivée intempestive de l’intelligence artificielle, nous avons déjà tous assez à faire pour surnager dans un monde en crise permanente. « Trop is te veel » comme on dit en Belgique.
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