Amid Faljaoui
Sexe, neige et euphorie boursière de fin d’année
C’est la Noël avant l’heure sur les marchés financiers. Nous ne sommes pas encore le 25 décembre, mais l’euphorie est bien présente en Bourse – les cadeaux pullulent autour du sapin – et quand je parle de cadeaux, je parle bien entendu des indices boursiers qui sont au vert vif, l’or est plus haut et, aussi incroyable que cela puisse paraître, le bitcoin a repris de belles couleurs.
Et les indices boursiers ne sont pas en reste. En Europe, l’indice le plus représentatif, l’Euro Stoxx, est presque à + 20%. Aux États-Unis, le S&P 500, l’indice des grandes valeurs, est aussi en hausse de 20% et l’indice Nasdaq, qui regroupe les valeurs technologiques, est lui en hausse de 38%. En d’autres mots, c’est la fête ou Noël avant l’heure.
Comme je le disais il y a un instant, quelqu’un qui n’est pas familiarisé avec la Bouse aurait tendance à se dire que ces investisseurs sont fous à lier, qu’ils sont coupés de la réalité, qu’ils vivent dans une grotte au fin fond de l’Afghanistan. En effet, comment ne pas voir que la guerre en Ukraine n’est toujours pas résolue, qu’elle est même passée au second plan en raison de la guerre entre le Hamas et Israël, que le monde ressemble à un baril de poudre, que la possible arrivée de Trump à la maison blanche en 2024 inquiète les chancelleries. Que si l’inflation n’est plus aussi élevée, qu’elle l’était en 2022, elle reste néanmoins encore à un niveau trop élevé et que, pour corser le tout, tous les instituts de prévisions nous disent qu’il y aura un ralentissement économique l’année prochaine. Mais c’est la fête en Bourse, à Wall Street et même en Europe !
Pourquoi ce paradoxe entre la réalité, l’actualité médiatique et puis cette euphorie, a priori incompréhensible ; ne cherchez pas, la réponse tient aux taux d’intérêt. En 2022, ils ont augmenté brutalement pour lutter contre l’inflation, et là, en cette fin d’année 2023, tous les investisseurs sont persuadés que nous allons entrer dans un cycle de baisse des taux d’intérêt en 2024.
Bien sûr, personne ne connaît exactement son ampleur ni son timing exact, mais autant la hausse des taux a déboussolé le monde économique en 2022, autant la baisse programmée des taux provoque l’effet inverse. Ce n’est pas sorcier, des taux moins élevés, c’est en principe plus d’investissements, plus d’activités et plus d’emplois. Et cerise sur le gâteau, une détente des taux d’intérêt permet à nos États surendettés de souffler un peu alors que leur coût d’emprunt avait bondi en 2023.
Mais ce qui est fou dans cette euphorie, c’est que si les taux baissent, c’est parce que l’inflation a baissé, c’est vrai, mais c’est aussi parce que l’économie va moins bien, elle est en train de ralentir et des taux qui restent élevés trop longtemps finiraient par tuer certaines entreprises notamment les plus endettées. A vrai dire, ce genre d’info devrait être plutôt négative pour la Bourse, mais les investisseurs ont décidé de voir le verre à moitié plein et pas à moitié vide.
Au final, tout le monde est content : les clients et leurs conseillers, qui pourront décrocher un bonus. Mais comme dirait un ami, la Bourse, c’est comme le sexe ou la neige, on ne sait pas le nombre de centimètres qu’on aura, ni combien de temps cela tiendra.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici