Comment les attaques rebelles en mer Rouge sont liées à votre boîte de vitesses
Si l’on doit déjà retenir quelque chose de cette année 2024 qui démarre, c’est qu’elle montre à chaque instant que nous sommes de plus en plus interdépendants les uns des autres. De quoi faire monter l’inquiétude d’un cran.
Le dernier sondage effectué pour le Forum de Davos de 2024 montre bien l’inquiétude, pour ne pas dire la frayeur, des dirigeants d’entreprise face à un monde sur lequel ils n’ont plus de prise. Ainsi, les entreprises, et encore moins les citoyens, n’ont de contrôle sur ce qui se passe aux États-Unis, en Chine ou au large de la mer Rouge. Pourtant, chacun de ces événements a un impact direct sur chacun de nous, que ce soit via notre pouvoir d’achat ou tout simplement parce qu’on n’arrive plus à recevoir des produits que nous avions commandés et payés à l’avance.
L’exemple le plus frappant de cette interdépendance est le conflit qui se déroule en ce moment même au large de la mer Rouge. Des rebelles yéménites ont pris l’habitude d’attaquer des navires transportant des conteneurs à destination de l’Europe. Avec pour résultat que, de guerre lasse, la plupart des compagnies maritimes ont décidé d’éviter cette partie du monde. Les navires ne passent donc plus par le canal de Suez. Ce qui fait que ces navires doivent passer au sud de l’Afrique, et plus précisément par le cap de Bonne-Espérance (qui n’a jamais aussi bien porté son nom qu’aujourd’hui). Ce détour retarde de dix jours les livraisons. Pas dramatique, me direz-vous : qu’est-ce que 10 jours dans la vie ? Pas grand-chose, c’est vrai.
Sauf que ce détournement est particulièrement révélateur de notre société et de notre économie d’aujourd’hui. Il montre d’une part que les entreprises se sont habituées à ne plus avoir de stock, du moins pas trop. En effet, un stock coûte cher, et pour l’éviter, les financiers parlent de “juste-à-temps”. Sauf que cette technique du juste-à-temps ne fonctionne plus aujourd’hui, à cause des perturbations que nous avons connues avec le Covid, mais aussi avec la guerre en Ukraine. Depuis, les entreprises doivent s’adapter et apprendre à avoir des stocks et d’autres sources d’approvisionnement plus résilients. Il n’y a rien de théorique là-dedans. C’est à cause de rebelles qui sont à des milliers de kilomètres de chez nous que l’usine Tesla en Allemagne a dû fermer ses portes pendant plusieurs jours, suivie peu de temps après par l’usine Volvo à Gand en Belgique. Et pourquoi ? Eh bien, parce que, une fois de plus, des boîtes de vitesses n’ont pas pu être livrées à l’heure.
C’est ça, l’économie mondialisée. Un petit grain de sable et tout est bloqué. On avait déjà vu ce genre de blocage avec l’Ever Given, un navire qui s’était échoué dans le canal de Suez en mars 2021. Il avait suffi d’une fausse manœuvre d’un capitaine pour que des dizaines de milliers de voitures n’arrivent pas à destination ou que des appareils électroménagers n’atteignent pas les rayons.
Selon les calculs de l’assureur Allianz, les grippages dans le commerce maritime génèrent à eux seuls une hausse de l’inflation de 0,7 %. Et pour des pays comme l’Égypte, qui est déjà en difficulté financière, le boycott du canal de Suez implique une chute dramatique de ses droits de passage. C’est d’autant plus une mauvaise nouvelle qu’elle survient au moment où ce pays est appelé à jouer un rôle au Proche-Orient, notamment pour la future administration de Gaza.
Tous ces exemples tirés de l’actualité montrent que l’économie est aussi terriblement humaine. Ils montrent à quel point nous sommes tous dans ce monde reliés les uns aux autres. Mais heureusement, le plus souvent, c’est pour le meilleur.
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