Il y a moins de millionnaires en Belgique

ENSEMBLE, les millionnaires belges détiendraient une richesse évaluée à plus de 353 milliards de dollars. © GETTY IMAGES
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

La mauvaise année boursière observée en 2022 a fait reculer le nombre de millionnaires en Belgique ainsi que leur patrimoine qui a fondu de 2,5%. Du jamais vu en 10 ans.

Le nombre de millionnaires est en baisse en Belgique. C’est ce qui ressort du 27e World Wealth Report établi comme chaque année par le cabinet-conseil Capgemini sur la base d’une enquête réalisée dans 23 pays auprès de plus de 1.000 professionnels de la gestion de patrimoine et 6.000 clients. Notre pays comptait ainsi l’an dernier 138.700 millionnaires en dollars, contre 141.100 en 2021. Soit 2.400 millionnaires en moins, pour un recul de 1,7%.

Ensemble, ces 138.700 Belges possédant un patrimoine financier de minimum un million de dollars (hors résidence principale) détiennent aujourd’hui une richesse évaluée à plus de 353 milliards de dollars, contre 362 milliards un an plus tôt. Soit une baisse de 2,5% pour un patrimoine qui s’élève donc, en moyenne, à 2,5 millions d’euros par personne. Si la Belgique voit se rétrécir son club de HNWI (pour high net worth individuals), elle limite cependant les dégâts. Certes, il y a eu une diminution du nombre de millionnaires. Mais le recul est moins important que la tendance mondiale.

Incertitudes géopolitiques

D’après Capgemini, le nombre de personnes au portefeuille bien garni a chuté de 3,3 %, à 21,7 millions en 2022, et la valeur de leur patrimoine de 3,6 %, à 83.000 milliards de dollars. Il s’agit ainsi de la plus forte chute en 10 ans, provoquée par les incertitudes géopolitiques et macroéconomiques.

“La Belgique s’inscrit dans la tendance générale même si elle ne fait partie des pays les plus touchés par la mauvaise année boursière.” MARTINE KLUTZ (CAPGEMINI INVENT BELGIQUE)
Martine Klutz © PG

“Même si elle ne fait pas partie des pays les plus touchés par le contexte géopolitique, le retour de l’inflation et la remontée des taux d’intérêt enclenchée par les banques centrales qui ont eu un impact sur les marchés boursiers et les grandes fortunes, la Belgique n’a pas été épargnée et s’inscrit dans la tendance générale, commente Martine Klutz, responsable du pôle financial services chez Capgemini Invent en Belgique. A l’évidence, 2022 a été une année qui a secoué l’industrie du private banking et du wealth management, y compris sur notre marché. L’allocation d’actifs a été fortement impactée, comme en témoigne la forte augmentation des placements en cash ou équivalents au cash comme, par exemple, les fonds monétaires et les comptes à terme, qui ont clairement fait office de refuges face aux turbulences. Et ce au détriment des actions et des obligations.”

Les plus fortes baisses en termes de patrimoine concernent l’Amérique du Nord (-7,4 %), suivie de l’Europe (-3,2 %) et l’Asie- Pacifique (-2,7 %). A l’inverse, l’Afrique, l’Amérique latine et le Moyen-Orient ont fait preuve de résilience et ont vu leur richesse croître en 2022, du fait de la forte performance du secteur des énergies fossiles dont les prix se sont envolés à cause de la guerre en Ukraine et des sanctions imposées à la Russie, note le rapport.

L’ESG à l’honneur

Du côté des nouvelles tendances en matière de gestion de portefeuille, Capgemini observe que les investissements ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) continuent d’avoir le vent en poupe malgré un contexte économique marqué en 2022, comme on l’a dit, par la crise géopolitique et la mauvaise année boursière. Les personnes fortunées continuent d’exprimer de l’intérêt pour ces produits. Plus de 40% des répondants considèrent même les investissements ESG comme une priorité absolue.

“On voit clairement que c’est une tendance qui prend de l’ampleur, y compris bien sûr en Belgique, note Martine Klutz. Il y a une vraie volonté de la part des acteurs de l’industrie de la gestion de fortune d’être présents sur le terrain de la transition écologique. La performance, mais aussi la traçabilité des investissements ESG, gagne en importance aux yeux des clients. Ils veulent monitorer leurs investissements dans ce domaine et s’assurer qu’ils ne relèvent pas du greenwashing”, souligne Martine Klutz.

Capter les “mass affluent”

Le rapport indique également qu’il est désormais impératif pour les professionnels de la banque privée d’élargir le portefeuille de clients potentiels pour favoriser la croissance à long terme. Selon Capgemini, la clientèle aisée, ce que dans le jargon les spécialistes appellent le segment mass affluent (c’est-à-dire les clients qui disposent d’un patrimoine à investir compris entre 250.000 et 1 million d’euros) représente en effet un enjeu très important pour les acteurs de la gestion de patrimoine car ce segment ne cesse de croître en taille et en patrimoine.

Au niveau géographique, l’Amérique du Nord (46 %) et l’Asie-Pacifique (32 %) comptent le plus de clients aisés en valeur du patrimoine et en nombre. Mais bien qu’ils détiennent près de 27.000 milliards de dollars d’actifs (soit près de 32 % du patrimoine total des personnes fortunées à travers le monde), un tiers des banques et sociétés de gestion n’explorent pas suffisamment le potentiel de ce segment ou n’ont pas une approche dédiée. Or, “ce segment des mass affluent est énorme, souligne Martine Klutz. Il est deux fois plus important que celui des millionnaires. En Belgique également, il s’agit d’une cible qui présente un beau potentiel. Capter cette clientèle mass affluent qui n’est pas satisfaite des services qui lui sont proposés est un énorme défi pour l’industrie de la gestion de patrimoine.”

“Les coûts de fonctionnement restent trop élevés.”

La grande majorité de ces clients aisés (71%) souhaiteraient en effet obtenir des services de conseil en gestion de patrimoine de la part de leur banque. Dans ce contexte, et pour maintenir des coûts de fonctionnement optimisés tout en fournissant l’expertise recherchée par ce segment, il est nécessaire de recourir à la personnalisation grâce à la technologie, pointe le rapport.

“C’est en effet l’un des grands enseignements des résultats de cette année. Les acteurs du wealth management reconnaissent eux-mêmes qu’ils ne sont pas suffisamment efficaces sur le plan opérationnel et que les coûts de fonctionnement restent trop élevés. Beaucoup de temps est consacré à des tâches administratives (KYC, AML) qui n’apportent pas de valeur ajoutée aux activités commerciales et à la relation avec le client. Dans ce contexte, l’intelligence artificielle, du machine learning et une meilleure utilisation des datas sont vus comme des outils qui peuvent sensiblement améliorer l’efficacité opérationnelle et amener de manière proactive des solutions à valeur ajoutée aux clients”, conclut Martine Klutz.

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