Le bon de caisse est de retour

Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine
Patrick Claerhout Patrick Claerhout is redacteur bij Trends.

Avec l’émission du bon d’Etat fiscalement avantageux, les banques ont vu s’envoler 22 milliards d’euros. Elles souhaitent voir revenir cet argent lorsque ce bon d’Etat arrivera à échéance, en septembre. Pour ce faire, certaines enseignes remettent sur le tapis un produit d’épargne dont personne n’attendait le renouveau : le bon de caisse.

Qui aurait cru que nous consacrerions un nouvel article au bon de caisse ? Le produit semblait s’être éteint de sa belle mort. Et voilà que Marc Raisière, CEO de Belfius, annonce que la banque va le relancer en tant que produit financier. “Le bon de caisse mérite de retrouver sa place dans la vitrine des institutions financières”, a-t-il déclaré dans une interview accordée à Trends-Tendances.

Mais pourquoi avait-il disparu? “Les bons de caisse sont restés disponibles pendant longtemps, mais ils ne suscitaient tout simplement plus d’intérêt, explique Olivier Goerens, directeur marketing & sales investments, private banking et wealth management chez Belfius. Cela est principalement dû à l’évolution des taux d’intérêt.”

Depuis 2011, les taux d’intérêt du marché n’ont en effet cessé de baisser et ont même été négatifs pendant plusieurs années. Dans ce contexte, personne ne voulait plus acheter de bons de caisse. Mais depuis la mi-2022, les banques centra­les, dans leur lutte contre l’inflation, ont recommencé à augmenter les taux d’intérêt. Cela s’est produit assez rapidement et de manière assez brutale. “En conséquence, les produits à revenu fixe sont redevenus attrayants, poursuit Olivier Goerens. Nous avons constaté un glissement des portefeuilles d’investissement vers les obligations et les fonds obligataires. A l’époque, déjà, nous envisagions de relancer le bon de caisse en tant qu’alternative à part entière. Mais entre-temps, la FSMA, le gendarme du secteur, avait décidé qu’un prospec­tus devait être établi.” Belfius s’y est dès lors astreint, espérant proposer à nouveau des bons de caisse à ses clients à partir du début du mois d’avril.

Grand public

“Le bon de caisse est un produit très simple, facile à compren­dre pour tout le monde et accessi­ble au grand public”, rappelle Olivier Goerens. Il ne nécessite en effet aucune connaissance spécifique en matière d’investissement. Il s’agit en outre d’un des produits financiers les plus anciens. Dans le passé, le Crédit Communal, l’une des institutions fondatri­ces de Belfius, était un grand émetteur de bons de caisse. “Le produit a cependant d’autres avantages que la simplicité, souligne Olivier Goerens. Nous proposerons à nouveau toutes les échéances, de un à dix ans. Cela permettra aux investisseurs privés de répartir leurs avoirs sur différentes échéances. Nous voyons un potentiel particulier chez les clients qui, ces dernières années, n’ont pas osé s’engager dans des produits et des fonds d’investissement. Ceux qui ont laissé leur argent sur des comptes courants ou des comptes d’épargne peuvent maintenant vouloir se lancer dans les bons de caisse.”

La conviction que le bon de caisse est un produit intéressant pour les clients est également liée à la vision de Belfius quant à l’évolution des taux d’intérêt. Le directeur financier de l’enseigne, Johan Vankelecom, a expliqué qu’il pensait que la Banque centrale européenne commencera à abaisser son taux directeur à partir de cet automne. Ce qui entraînerait une baisse des taux d’intérêt à court terme. Les taux d’intérêt à long terme, quant à eux, se stabiliseraient à leur niveau actuel, de 2,5 à 3 %. Or, là où les taux des obligations d’épargne suivent principalement les taux à court terme, les taux à moyen et long terme peuvent être bloqués grâce aux bons de caisse. Ce qui peut être plus intéressant que de laisser l’argent sur un compte d’épargne.

Michael Anseeuw, le CEO de BNP Paribas Fortis, voit lui aussi une belle opportunité dans les bons de caisse. Aucune date n’est à ce jour fixée pour le lancement du produit, “mais les clients le réclament, assure Michael Anseeuw. Son intérêt, c’est qu’on peut fixer un montant maximum pour chaque tranche, ce qui permet à une banque d’établir plus facilement un plan de financement. Et comme le bon de caisse est un titre et non un dépôt, il présente un autre avantage pour l’enseigne : il n’est pas soumis à la taxe bancaire, contrairement aux dépôts d’épargne ou à terme.”

Bon de caisse ou compte à terme ?

Mais pourquoi d’ailleurs ne pas proposer un compte à terme aux clients ? “Nous le faisons aussi, répond Olivier Goerens. Mais les comptes à terme ont généralement une durée courte, d’un an ou moins. Ceux qui souhaitent investir à plus long terme peuvent certes choisir une obligation. Mais les obligations ne sont pas toujours disponibles. En outre, pour les bons de caisse, nous travaillons avec des périodes de souscription de 15 jours. Avec les comptes à terme, nous pouvons en principe adapter le taux d’intérêt proposé chaque jour.”

Mais toutes les banques ne limitent pas la durée de leurs comptes à terme. Certaines proposent des comptes à terme allant jusqu’à 10 ans, et d’autres encore des durées de 1 à 5 ans. Toutes ne rendent pas public le taux d’intérêt. Les grandes banques, en particulier, ont pris l’habitude de le négocier avec leurs clients.

«Le bon de caisse est un produit très simple, facile à comprendre pour tout le monde.” – Olivier Goerens (Belfius)

“Chez BNP Paribas Fortis, les comptes à terme sont typiquement un produit négocié entre la banque et le client, tout comme les crédits immobiliers, défend Michael Anseeuw. Le taux d’intérêt est fixé en fonction des ressour­ces et du profil du client. Les bons de caisse présentent l’avantage que le taux d’intérêt est connu, qu’il s’applique à tout le monde et qu’il est possible de souscrire à des échéances très différentes à partir d’un montant plus faible.”

Relevons tout de même que les bons de caisse ne sont pas aussi facilement négociables que les actions, les obligations ou les autres instruments d’un compte-titres. Les épargnants qui souhaitent se débarrasser de leur bon de caisse ou acheter un bon existant peuvent cependant le faire sur Euronext Expert Market. Ce marché succède aux anciennes ventes aux enchères publiques pour les titres non cotés et ne fonctionne que le mardi. C’est là que sont confrontés les ordres d’achat et de vente d’obligations au comptant ou d’autres titres que les clients ont transmis à leur courtier ou à leur ban­que la semaine précédente.

Notez que toutes les banques et tous les courtiers ne négocient pas sur l’Expert Market. Vérifiez-le à l’avance si vous pensez vous débarrasser de votre bon de caisse avant son échéance, et sachez que cela entraînera des frais. Il en va de même pour un compte à terme que vous souhaitez clôturer. La banque facture alors une commission de réinvestissement. Mais cela n’arrive que très rarement.

La bataille de l’épargne

Selon les observateurs, la renaissance du bon de caisse a beaucoup à voir avec la concurrence du bon d’Etat, qui fait mal aux banques. “Belfius veut pouvoir offrir un large éventail de produits, des comptes d’épargne aux comp­tes à terme, en passant par les bons de caisse et les obligations, nuance Olivier Goerens. Le 4 septembre, le bon d’Etat Van Peteghem, fiscalement avantageux, arrivera à échéance. Je pense que chaque banque se positionnera pour récupérer l’argent qui s’est envolé. Mieux vaut posséder le plus d’armes possibles pour livrer bataille.”

© Getty Images

Les bons de caisse ne sont pas aussi facilement échangeables que les actions et 
les obligations.

Michael Anseeuw, de BNP Paribas Fortis, ne veut pas non plus oppo­ser le bon de caisse au bon d’Etat : “On ne peut pas présenter cela comme une bataille entre deux produits. Le bon de caisse fera partie de notre offre de produits d’épargne afin d’attirer les clients. Mais le 4 septembre, la bataille pour les 22 milliards d’euros libérés sera effectivement engagée. Il s’agit probablement de l’échéance la plus importante de l’histoire du secteur financier belge.”

Partisans et opposants

Joris Cnockaert, directeur commercial de Crelan, la cinquième enseigne du pays, voit lui aussi un intérêt au bon de caisse : “C’est une piste intéressante, que Crelan souhaite suivre. Mais nous avons besoin d’un peu plus de temps. Crelan en est aux dernières étapes de sa fusion avec Axa Banque. En juin, est prévue la migration informatique des données des clients et des agences d’Axa Banque vers la plateforme de Crelan. Ce n’est qu’une fois cette étape franchie que nous pourrons travailler sur une offre commerciale.”

Ceci étant, d’autres banques n’ont pas du tout l’intention d’émettre à nouveau des bons de caisse. Argenta, par exemple, bien que connue comme banque d’épar­gne, n’y croit pas. L’institution parle quasiment d’un non-événement. “Les concurrents lancent régulièrement de nouveaux produits ou de nouvelles variantes sur le marché, rappelle la porte-­parole Tiziana Rizzo. Cela peut nous inspirer, mais nous ne nous laissons pas distraire. Argenta suit sa propre voie. Nous ne nous concentrons pas sur ce que font les concurrents, mais sur nos clients. Nous cherchons toujours ce qui correspond aux besoins et à la situation personnelle du client. Et dans notre offre actuelle, nous avons déjà d’excellentes solutions pour répondre à ces besoins.”

Même point de vue chez ING. “Nous ne proposons pas actuellement d’obligations en espèces et nous n’avons pas de projets dans ce sens à court terme, déclare Dieter Neirinck, tribe lead investments auprès de la banque au lion. Les clients qui recherchent une garantie de capital et un rendement fixe peuvent l’obtenir en ouvrant un compte à terme ou en souscrivant à une obligation structurée”. Quant à KBC, également interrogée sur ses projets, elle ne souhaite pas partager les détails de sa politique commerciale.

Qu’est-ce qu’un bon de caisse ?

On peut comparer le bon de caisse au bon d’Etat. Seulement, vous ne prêtez pas votre argent à l’Etat, mais à la banque. Un bon de caisse est donc un titre de créance qui rapporte à son détenteur un paiement annuel d’intérêts. La durée varie de un à dix ans ; en principe, le taux d’intérêt est fixe pendant toute la durée du bon de caisse.

Dans le passé, ces bons de caisse étaient généralement des titres au porteur, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas nominatifs. Celui qui possédait un bon de caisse papier en était le propriétaire. Cela rendait le produit très populaire auprès du Belge moyen. En outre, le coupon au porteur était “transférable”, c’est-à-dire qu’il pouvait être transmis de génération en génération. Bon nombre de Belges conser­vaient leurs bons de caisse dans un coffre-fort de la banque afin de pouvoir les trans­mettre en cas de décès sans payer de droits de succession. Cette période a pris fin en janvier 2008, après que le gouvernement a décidé que les titres au porteur ne pouvaient plus être livrés physiquement. Depuis lors, les opérations sur titres dans notre pays se font uniquement par le biais d’un compte-titres.

Le bon de caisse est un titre de créance émis par une institution financière. La durée et le taux d’intérêt sont fixés contractuellement. Un précompte mobilier de 30 % est dû. Les bons de caisse relèvent du système de garantie des dépôts, ce qui signifie que le capital est garanti jusqu’à 100.000 euros par personne et par banque.

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