Comment 
AG devient une “data-driven company”

Siège de AG Insurance, à Bruxelles - Développer des services annexes en matière de mobilité ou de santé et le traitement des données pour mieux connaître les clients permet de personnaliser 
le service.
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Patronne du premier assureur du pays, Heidi Delobelle explique pourquoi et comment AG se transforme en une entreprise axée sur la gestion des données au service de clients de plus en plus digitaux. Et ce alors qu’elle affiche 200 ans d’existence au compteur.

Le 12 juin prochain, AG Insurance fêtera ses 200 ans d’existence, soit davantage que la Belgique ! C’est en effet le 12 juin 1824 que Jacques Coghen et François Rittweger ont fondé la compagnie qui s’appelait alors Compagnie d’Assurances Générales, les Fonds Dotaux et les Survivances. En bref, AG Vie. A l’époque, l’entreprise propose les premières assurances-vie et n’emploie que cinq personnes. C’est le début d’une longue histoire faite d’évolution, de partenariats, d’acquisitions et de croissance. Car deux siècles plus tard, AG peut se targuer d’être devenue l’une des plus grandes entreprises de Belgique, affichant pas moins de 3 millions de clients, 4.400 employés et plus de 5.000 partenaires de distribution. Mieux encore: en plus d’être devenue l’un des plus gros employeurs privés de Belgique, la société peut aussi revendiquer le statut de principal investisseur privé du pays, avec plus de 70 milliards d’euros d’actifs sous gestion, injectant une grande partie de cette somme, soit 27 milliards d’euros, dans l’économie belge.

“AG est un assureur mais aussi une entreprise IT gérant un grand nombre de données.”

Leader incontesté

Faisant partie depuis 2009 du groupe Ageas, né sur les cendres du groupe Fortis emporté par la crise des subprimes, AG peut ainsi se targuer d’avoir dégagé l’an dernier un résultat net de 658 millions d’euros, en hausse de 6 % par rapport à 2022. Un résultat en légère croissance qui s’appuie sur une progression des primes encaissées de 2 % pour atteindre 6,8 milliards d’euros. Et ce grâce notamment à une forte hausse de 11 % dans la branche d’activité non-vie (auto, incendie) qui compense amplement la baisse de l’encaissement dans le domaine des produits liés à l’assurance-vie (pension, bran­che 21, etc.), lequel a légèrement reculé de 2 %. Soit. Car globalement, les chiffres enregistrés au cours de l’année écoulée confirment la position de leader d’AG en tant que premier assureur du pays. Une position que la compagnie occupe d’ailleurs depuis de longues années grâce à sa domination sur le créneau des assurances-­vie, où elle s’arroge une importante part de marché de quasiment 30 %. Belle part du gâteau qui s’accompagne à présent aussi d’une belle cerise. Car cette place de numéro un ne vaut plus uniquement en matière d’assurance-vie. Elle est également de mise sur le segment non-vie. Un terrain de jeu sur lequel AG devance désormais le numéro deux Axa Belgium avec une part de marché qui devrait s’élever à 16,8 % fin 2023.

Résultat, la filiale belge du groupe Ageas (75 % Ageas – 25 % BNP Paribas Fortis) couvre désormais une maison sur quatre et assure une voiture sur six en Belgique. C’est dire si la CEO Heidi ­Delobelle, qui a pris les rênes de l’entreprise en 2020, succédant à Hans De Cuyper devenu CEO du groupe d’assurance Ageas basé en Belgique, peut avoir le sourire. “Tout cela fait d’AG le numéro un de l’assurance en Belgique sur tous les segments, dit-elle. Nous sommes presque trois fois plus importants que le deuxième acteur du marché sur le segment vie et nous avons encore gagné des parts de marché en non-vie ces dernières années”, résume Heidi Delobelle, se félicitant de la performance de l’entreprise et du résultat “très élevé” enregistré l’an dernier.

Heidi Delobelle, CEO de AG Insurance depuis 2020.

Ecosystèmes innovants

Cette position de numéro un sur le marché belge, AG la doit principalement à son histoire, son positionnement et son évolution au fil des années. “Il y a notre réputation, notre solidité financière, notre ancrage belge, notre capacité à innover, notre gamme élargie de produits et leur qualité mais aussi notre relation avec nos partenaires : les courtiers et les agences bancaires, souligne Heidi Delobelle. Nous avons clairement opté pour ne pas distribuer nos produits en direct. L’avis d’un professionnel est quelque chose qui rassure les clients et leur donne confiance.”

Pour autant, cette stabilité dans les choix stratégiques évoquée par la CEO n’empêche pas AG de s’adapter continuellement à son environnement et de s’ouvrir aux nouveautés. Ces dernières années, la compagnie a ainsi créé une série d’écosystèmes innovants pour répondre aux besoins des clients via des services annexes qui vont au-delà de l’assurance. Dans le domaine de l’habitation, elle a par exemple ajouté des services de réparations urgentes (Homeras) à son offre classique pour aider les clients plus rapidement. Elle a également lancé SoSimply, plateforme en ligne qui regroupe 300 professionnels pour faciliter les petits travaux dans la maison. Au rayon santé et pension, elle a développé MyAG Employee Benefits, une app qui donne un aperçu clair des assurances de pension et de soins de santé dont un employé bénéficie via son employeur.

Dans un autre registre encore, la compagnie est entrée, avec la ban­que BNP Paribas Fortis, dans le capital de la scale-up Optimile, société gantoise spécialisée dans le développement de softwares liés à la mobilité multimodale et les services pour la recharge de véhicules électriques. Avec son offre Go4Lease, elle propose désormais aussi une solution de leasing de voiture et cela en partenariat avec Arval, la plus grande société de leasing du pays, filiale de la banque BNP Paribas Fortis. Et puis, bien sûr, il y a eu en juillet dernier le rachat de Touring dont AG est devenu actionnaire à hauteur de 75 % aux côtés de BNP Paribas Fortis qui détient les 25 % restants de la société d’assistance. Parce que si l’électrification du parc automobile est en marche, elle s’accompagne de nombreuses craintes quant à l’installation d’une borne de recharge à la maison, des risques d’incendie, d’un manque de bornes et du stress quant à l’autonomie des voitures électriques. “C’est ce qui nous a poussés à innover et à développer tout un écosystème autour de la mobilité, explique Heidi Delobelle. Via nos partenaires que sont Touring, Optimile, SoSimply, Arval et BNP Paribas Fortis dans notre écosystème, nous essayons de faciliter la vie des clients et d’encourager la mobilité électrique en dépit des barrières.”

Bien sûr, l’intérêt pour AG ne s’arrête pas là. Qu’il s’agisse de la mobilité, de la santé ou de l’habitation, tous ces écosystèmes amènent à fidéliser des clients et à en attirer de nouveaux. La preuve : près de 4.000 nouveaux contrats d’assurance auto avec écobonus ont ainsi été signés dans le cadre de cet écosystème centré autour de la mobilité développé avec BNP Paribas Fortis, tandis que plus de 500 nouveaux contrats “Move On” et “Go” ont été signés en 2023 par Touring, soit une progression de 36 % par rapport à 2022. “C’est le but de tous ces écosystèmes, nous confie Heidi Delobelle. Grâce à l’acquisition de Touring, nous avons effectivement vu arriver de nouveaux clients. De même que BNP Paribas Fortis avec qui nous travaillons également dans le cadre de cet écosystème centré autour de la mobilité nous amène aussi une croissance supplémentaire en assurance auto.” Mais développer de nouveaux partenariats et se lancer dans de nouvelles activités ne permet pas seulement de s’étendre et d’acquérir de nouvelles connaissances. “C’est aussi une manière de rester compétitif au niveau des tarifs et d’avoir plus d’interactions avec les clients. Et donc de mieux les connaître sur la base des données récoltées tout au long du processus, de la signature d’un contrat au sinistre et à son remboursement en passant par le paiement de la prime.”

Cloud et IA

Tirer parti des données et des nouvelles technologies pour fournir des services digitaux personnalisés est en effet devenu un des axes de développement prioritaire pour AG, qui fut d’ailleurs une des premières compagnies d’assurance sur le continent européen à adopter l’électronique dans les années 1950-1960. En fait, “notre ambition est de devenir une data driven company“, avance Heidi Delobelle. Mais encore ? “AG est un assureur mais aussi une entreprise IT gérant un grand nombre de données”, précise la CEO d’AG.

Une nouvelle plateforme ­d’analyse et de reporting de ­données a été créée et logée dans le cloud de Microsoft.

Pour ce faire, plusieurs changements majeurs ont été opérés. D’abord, une toute nouvelle infra­structure informatique développée en interne a été mise en place. Le big bang a eu lieu voici maintenant deux ans, en avril 2022, durant le week-end de Pâques. Plus de 80 millions de lignes de code qui se trouvaient sur un mainframe (ordinateur central) ont migré vers des serveurs distribués. Résultat ? “Nous disposons aujourd’hui d’une infrastructure informatique beaucoup plus ouverte aux API (interface de programmation d’application, Ndlr), ce qui permet aux applications d’échanger leurs données”, précise Heidi Delobelle.

Parallèlement, une nouvelle plateforme d’analyse et de reporting de données a été créée et logée dans le cloud de Microsoft (Azure). “Nous avons rapproché nos systèmes opérationnels et les systèmes d’analyse des données qui ont connu un boom incroyable ces dernières années, poursuit la CEO. Ce rapprochement entre le monde opérationnel et de la gestion des données analytiques est un élément essentiel d’une data driven company, c’est-à-dire une compagnie d’assurance qui pourra mettre des données de plus en plus nombreuses et diversifiées au service des atten­tes d’un client qui est de plus en plus digital. A chaque moment, il est maintenant possible d’avoir accès aux données clients, aux don­nées sinistres, etc. Par le passé, certaines activités dépendaient de programmes batches qui tournaient pendant plusieurs heures voire plusieurs jours. Il y avait un laps de temps entre l’extraction des données et leur analyse. Aujour­d’hui, cela devient de moins en moins le cas. Le traitement des don­nées va beaucoup plus vite. Tout se fait quasiment en temps réel.”

Quant au sujet du moment, l’intelligence artificielle (IA), Heidi Delobelle dit également en suivre les évolutions de près : “L’IA nous apporte déjà beaucoup de valeur dans la reconnaissance, le traitement et le dispatching des documents. Dans le futur, de nouvelles possibilités s’offrent à nous, par exemple le résumé automatique des conversations avec les clients.” Comme quoi, on peut être à la fois fier de son passé et résolument tourné vers l’avenir.

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