Sécheresse, inondations, température extrême… Les secondes résidences dans le sud, (encore) une bonne idée ?

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France, Espagne, Italie, Grèce… L’Europe du Sud, et surtout la Méditerranée, est la région la plus prisée par les Belges en quête d’une seconde résidence. Mais peu d’entre eux prennent en compte les risques climatiques, qui y pèsent plus lourdement que sur le reste du continent.

La Méditerranée se réchauffe 20% plus vite que la moyenne du globe. L’impact de ce réchauffement exercera une pression supplémentaire sur les écosystèmes, les sociétés et les économies du bassin méditerranéen qui sont déjà vulnérables et sous pression. Les zones côtières sont confrontées à des risques accrus de catastrophes telles que les inondations et l’érosion.”

Le premier rapport d’évaluation de la Méditerranée à l’horizon 2020 ressemble à un roman apocalyptique. Pourtant, il s’agissait des conclusions émises par 190 scientifiques issus de 25 pays qui étudient les effets du réchauffement climatique de la mer Méditerranée et de son pourtour pour le compte du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Ces prévisions sont alarmistes, même si la plupart des candidats à l’achat dans ces régions ne les prennent que peu souvent en considération.

Pour Rozemien De Troch, climatologue au Centre Climat belge, ce n’est pourtant pas une surprise. “L’Europe est l’un des continents où, d’une manière générale, le changement climatique s’accélère plus rapidement, et dans le sud de l’Europe, il s’accélère encore plus vite, explique-t-elle. L’été dernier, les températures y étaient supérieures de 2 °C degrés à celles de la période de référence. Dans certaines régions, cette différence était même de 4 °C.”

“Les régions méditerranéennes sont un point chaud du changement climatique, déclare pour sa part le professeur Wim Thiery, climatologue attaché à la VUB. C’est l’un des endroits où ce changement frappe le plus fort et où ses effets apparaissent le plus clairement.”

Sur terre

Le réchauffement de la planète est souvent exprimé par des moyennes, mais c’est dans les extrêmes, tels que les chaleurs ou les sécheresses, qu’il devient le plus évident. Et l’Europe du Sud est l’une des régions où ces extrêmes se font le plus sentir. “On y observe de plus en plus de vagues de chaleur, poursuit le climatologue. Une étude récente publiée dans NPJ Climate and Atmospheric Science montre que la probabilité de températures supérieures à 50 °C est déjà de 10 à plus de 1.000 fois plus élevée en raison du changement climatique provoqué par l’homme et que cette probabilité continuera d’augmenter fortement à l’avenir.”

Un autre effet est la sécheresse. “Dans la région, elle est très évidente depuis plusieurs années. Cela crée des problèmes supplémentaires tels que des incendies de forêt ou des mauvaises récoltes”, indique le rapport. Selon une étude publiée dans Nature, les incendies de forêt en Espagne et au Portugal pourraient détruire deux fois plus de surface par an d’ici 2050 qu’aujourd’hui. Le coût des dommages s’élèverait à 1,5 milliard de dollars chaque année.

Les hivers secs comme ceux que nous avons connus récemment amplifient ce problème. “Normalement, les précipitations hivernales fournissent suffisamment d’eau au sol. Lorsque cette eau s’évapore en été, elle a un effet rafraîchissant. Mais avec le dernier hiver sec, les sols commencent déjà à être très secs, ce qui augmente considérablement la température ressentie”, explique Rozemien De Troch.

En mer

Les modèles climatiques informatiques concernant la région vont tous dans le même sens. “Ils prévoient une poursuite du réchauffement, une augmentation des vagues de chaleur et une aggravation de la sécheresse, explique Wim Thiery. Pour certaines régions, les modèles prédictifs ne sont pas univoques, mais pour la Méditerranée, ils sont unanimes et vont tous dans le même sens.”

Un réchauffement de la Méditerranée qui est amplifié par un phénomène météorologique trouvant sa source plus bas. “Au sud de la Méditerranée se trouve le Sahara où se tient un anticyclone permanent en raison du peu de nuages et de l’ensoleillement constant. Cet anticyclone se déplace systématiquement vers le nord, d’où un réchauffement dans cette région”, explique Wim Thiery.

Le réchauffement climatique se fait sentir dans cette région non seulement sur terre, mais aussi en mer. On y observe de plus en plus ce que l’on appelle des “médianes”. Il s’agit de grosses tempêtes intenses, un peu comme des ouragans, qui se développent au-dessus de la Méditerranée. “Il s’agit d’un phénomène relativement récent, explique le climatologue. Ces tempêtes ne sont pas sans risques. Elles peuvent s’abattre sur les côtes en fonction de la direction des vents et de l’endroit où elles se développent, mais elles peuvent aussi s’éteindre en mer.”

L’élévation du niveau de la mer est un autre risque auquel la région méditerranéenne doit faire face. Combinée aux incendies de forêt, cette situation pourrait obliger la région à faire des choix radicaux à l’avenir. “Les mesures visant à contrer ces risques pourraient être très coûteuses, explique Wim Thiery. Il faut alors choisir entre ces mesures et l’abandon de certaines parcelles de terre. La région est donc confrontée à d’énormes défis.”

“Je ne serais pas surprise que les gens partent achètent des logements de vacances dans d’autres pays.”

Selon une étude, jusqu’à 400.000 personnes seraient touchées chaque année par les inondations le long des côtes méditerranéennes. Et d’ici à 2050, ces inondations pourraient causer entre 7 et 22 milliards de dollars de dégâts par an. Il faudrait déjà 2,2 milliards de dollars par an pour construire des digues et d’autres ouvrages hydrauliques pour y faire face.

Pas encore perdue

Cela obligera également les touristes à faire des choix. “Je ne serais pas surprise de voir un changement dans le tourisme à l’avenir. Que les gens partent en vacances ailleurs et achètent des logements de vacances dans d’autres pays”, déclare Rozemien De Troch.

Toutefois, cette morosité ne doit pas être une fatalité. “Tout dépend de l’ampleur du réchauffement climatique, précise Wim Thiery. Les changements que nous observons actuellement sont dus à un réchauffement moyen de 1,1 °C. Si le réchauffement reste dans les limites de l’Accord de Paris, soit 1,5 °C, les conséquences pourront être gérées grâce à d’autres techniques agricoles et à un meilleur approvisionnement en eau, par exemple.”

Tout est question d’adaptation et d’ “atténuation”, affirme également Rozemien De Troch. “La région devra s’adapter en partie à un climat plus chaud, par exemple en adoptant un système de gestion de l’eau différent. Mais il faut surtout contrer le réchauffement climatique en cessant d’émettre des gaz à effet de serre. Il s’agit de s’attaquer à la cause”, explique-t-elle.

Si ce seuil de 1,5 °C, voire 2 °C, de réchauffement est franchi, la situation sera très différente. “Il faudra alors se demander si la région restera vivable. L’habitabilité des villes, la capacité de charge de l’agriculture et l’approvisionnement en eau seront en jeu. La santé publique aussi, car dans un tel scénario, la qualité de l’air dans les villes diminuera, ce qui déclenchera des maladies et d’autres risques pour la santé”, affirme Wim Thiery.

“Ces scénarios catastrophes peuvent être évités et la situation peut évoluer vers une situation, certes plus compliquée qu’aujourd’hui, mais qui reste stable, ajoute-t-il. Ceci étant, l’autre chemin existe aussi, avec un système qui se désintègre complètement jusqu’à que nous devions déclarer certaines zones partiellement invivables et annoncer que les gens doivent les quitter.”

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