PEB: quel poids sur le marché immobilier?

Le certificat PEB n’est pas précis comme un audit: si l’isolation du toit n’est pas visible et ne peut être prouvée par une facture, elle est considérée comme nulle. © Getty Images

Depuis la crise énergétique, le certificat PEB est un critère auquel les acheteurs, les locataires mais aussi les banques accordent de plus en plus d’importance. Cette tendance se ressent sur le marché immobilier, mais avec quelles conséquences?

En immobilier, les acheteurs et locataires s’intéressent aujourd’hui à trois critères principaux: le prix, la localisation et… le score PEB. Le certificat de “Performance Energétique du Bâtiment” (PEB) est obligatoire depuis 2011 pour toute vente ou location résidentielle en Belgique. Pourtant, il a longtemps été considéré comme une information accessoire. C’est seulement récemment que ce certificat a gagné en importance, et pas seulement à cause du dérèglement climatique… “Pour faire un parallèle un peu grossier, avant les inondations récentes en Belgique, peu d’acheteurs se renseignaient sur les zones inondables, contrairement à aujourd’hui, confie Jean Houtart, administrateur délégué du groupe d’agences immobilières Les Viviers. C’est pareil pour la PEB: depuis la crise énergétique, les acheteurs comme les locataires s’intéressent beaucoup plus à cet aspect.”

Certaines banques tiennent compte des travaux nécessaires pour évaluer le dossier d’emprunt.

Un mauvais score PEB est généralement synonyme de charges énergétiques élevées et de travaux de rénovation, dont le budget a fortement augmenté avec la flambée des prix des matériaux. De plus en plus d’acheteurs craignent donc ces surcoûts et délaissent les biens les plus énergivores. En Wallonie, “si la PEB est inférieure à D, il faut désormais se battre pour avoir des visites, observe Olivier Bourcart, fondateur associé de l’agence Génération Immo (Chaumont-Gistoux).

Les délais de vente de ces logements s’allongent, et comme la concurrence est plus faible, on aboutit parfois à une décote selon les travaux à réaliser. Même les acquéreurs les plus aisés sont attentifs au certificat PEB, pas toujours pour des questions de budget mais simplement par idéologie”.

Un impact sur les emprunts

La PEB est ainsi devenue un élément de négociation pour les acheteurs, qui sont eux-mêmes de plus en plus contraints par les banques. La Banque nationale de Belgique (BNB) encourage en effet ces dernières à collecter les informations sur la PEB des biens pour lesquels elles octroient des crédits hypothécaires. Certaines banques en tiennent compte pour par exemple accorder une réduction sur le taux d’intérêt si le label du logement est bon. Mais à l’inverse, si la PEB est mauvaise, les emprunteurs peuvent être pénalisés. Chez BNB Paribas-Fortis, on explique qu’un mauvais score PEB ne rend pas les conditions d’octroi du crédit plus difficiles. “Par contre, nous réfléchissons à tenir compte des charges énergétiques dans le calcul de capacité de remboursement. Ce qui sera directement influencé par le certificat PEB.”

Désormais, certaines banques examinent aussi le budget des travaux nécessaires dans un bien avec de mauvaises performances énergétiques et elles en tiennent compte pour évaluer le dossier d’emprunt. Ces mesures peuvent sembler fort restrictives mais, selon les banques, elles sont nécessaires pour éviter d’ajouter de la pression sur l’endettement des ménages, surtout ceux les moins aisés. Le paradoxe est en effet que, faute de moyens, ces ménages se tournent vers l’achat de biens énergivores dans lesquels ils devront dépenser davantage pour leurs charges et contracter des crédits plus importants pour effectuer des travaux. Selon une recherche effectuée par BNP Paribas Fortis, une maison avec un score PEB E coûte, par exemple, en moyenne 27.000 euros de moins à l’achat aujourd’hui que son équivalente avec une PEB C, mais l’efficacité énergétique de cette dernière permet une économie de près de 30.000 euros en 20 ans sur les charges.

Pour une majorité d’acheteurs, le prix d’achat reste néanmoins le critère numéro un et cela explique l’absence d’une ruée en masse vers le neuf. “Certaines personnes voudraient se tourner vers des biens neufs afin de bénéficier d’un meilleur score PEB, mais le budget bloque car le neuf est plus cher à l’acquisition et est soumis à 21% de TVA, observe Olivier Bourcart. Les acquéreurs sont souvent à la limite au niveau financier, ils peuvent donc envisager des travaux à moyen terme, mais pas une augmentation de leur budget d’achat.”

“Ne pas s’arrêter à une lettre”

La PEB n’a pas seulement tendance à influencer les prix de vente, mais aussi ceux des locations ces dernières années. Comme les acheteurs, les locataires sont sensibles aux performances énergétiques, les biens avec les meilleurs certificats PEB ont donc plus de succès sur le marché. “Ces logements se louent plus facilement et fidélisent les occupants grâce à leurs charges généralement moins élevées”, explique Jean Houtart. “En location, la PEB a peut-être encore plus d’importance qu’en vente car les locataires ont peu de possibilités de faire des travaux dans le bien.” Olivier Bourcart remarque ainsi que certains locataires sont prêts à payer 100 euros de loyer en plus pour un bien avec un bon score PEB. A l’inverse, des corrections à la baisse ont lieu dans certains logements particulièrement énergivores. “La négociation est plutôt rare dans le secteur de la location mais elle devient parfois nécessaire, précise Olivier Bourcart. Dernièrement, on a par exemple réajusté des loyers parce que le montant des charges était devenu très élevé.”

Pour les propriétaires qui mettent leur bien en location (ou même en vente), le verdict d’un mauvais certificat PEB est souvent mal accueilli, d’autant plus que les trois Régions du pays ont pris des mesures pour empêcher ou limiter l’indexation des loyers des passoires énergétiques (lire en pages 22-23). La PEB devrait bientôt également entraîner plus d’obligations pour les acheteurs, comme c’est déjà le cas en Flandre où les acquéreurs d’un bien avec une PEB égale ou supérieure à E disposent de cinq années pour atteindre un label D (lire en page 81). La performance énergétique des bâtiments risque donc de peser encore plus dans le marché immobilier à l’avenir, mais ne lui accorde-t-on pas déjà trop d’importance? Pour Jean Houtart, la prise en compte du certificat PEB est justifiée: “Cela permet d’acheter ou de louer en âme et conscience, et vu l’urgence climatique, il faut en tenir compte. Il ne faudrait cependant pas que ça devienne le seul critère, notamment parce que certains biens comme les châteaux ou les constructions d’il y a 200-300 ans ne pourront jamais atteindre un bon niveau PEB.” L’administrateur délégué des Viviers souligne par ailleurs les nombreuses limites de ce certificat: “Il n’est pas précis comme un audit. Si par exemple, l’isolation du toit n’est pas visible et ne peut pas être prouvée par une facture, elle est considérée comme nulle”. Ce certificat n’est donc pas toujours parfaitement représentatif de la réalité, et Olivier Bourcart remarque que l’outil est très souvent mal compris. “Le fait qu’il existe une échelle par Région complique les choses et ridiculise le système, mais surtout beaucoup de personnes ne savent pas interpréter ce certificat. Parfois, peu de travaux suffisent pour qu’un bien gagne deux catégories sur le score PEB, c’est pourquoi il ne faut pas toujours s’arrêter à une lettre.”

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