L’immobilier neuf tourne encore plus au ralenti
Crise existentielle pour l’immeuble neuf. L’offre d’appartements était déjà au plus bas. Avec l’augmentation des taux hypothécaires et l’envolée des prix de vente liée à la hausse des coûts de construction, les ventes dégringolent. Les perspectives sont peu réjouissantes. Aucun rebond n’est attendu avant 2024.
Les mois se suivent et se ressemblent pour le logement neuf. Ce segment de l’immobilier s’englue dans une crise profonde où le manque d’offres aperçu depuis 2019 s’accompagne désormais d’une nette diminution du passage à l’acte des candidats acquéreurs chez leur notaire.
“Depuis trois mois, on observe une baisse de 50% des ventes d’appartements, s’inquiète Thierry Kemp, directeur du département neuf chez Victoire. La demande d’informations est présente mais le taux de conversion en vente est particulièrement faible.” Un constat partagé par nombre de ses confrères que nous avons consultés. Et une inquiétante conjoncture dont la date de sortie ne semble pas bien claire. “Elle est espérée pour fin 2023 mais sans aucune garantie”, relève Philippe Mestach, directeur du département neuf de Latour & Petit.
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Il faut dire que les déconvenues s’accumulent pour le marché neuf. Le nombre d’appartements actuellement mis en vente reste particulièrement faible. Bruxelles navigue dans des standards historiquement bas depuis trois ans. La situation est similaire à Namur, en Brabant wallon et au Luxembourg. Rien ne s’est amélioré ces derniers mois.
Et l’une des causes principales est désormais bien connue de tous: des retards en matière d’octroi de permis et, surtout, les recours au Conseil d’Etat qui accompagnent le plus souvent une décision positive font que la machine bien huilée connaît quelques ratés. Une situation qui s’aggrave et qui fait qu’un projet met, selon l’UPSI (la fédération des promoteurs), plus de 5,9 ans pour obtenir un permis à Bruxelles et 4 ans en Wallonie.
Le travail d’équilibriste des promoteurs
Ce constat, pas vraiment neuf, a été rattrapé ces derniers mois par d’autres éléments négatifs: une hausse des coûts de construction (+ 15 à 20%) et une remontée des taux d’intérêt (de 1 à 4%). De quoi obliger tant les acquéreurs occupants que les investisseurs à sortir leur calculette. Et le plus souvent, à repousser leur investissement.
“Quand on présente des projets et les prix des appartements neufs à des acquéreurs, ils n’en reviennent pas, lance Thierry Kemp. Ils ne se rendent pas compte que les prix ont augmenté de 15 à 20% en un an. Un projet qui était affiché à Ixelles à 4.500 euros/m2 l’est désormais à 5.500 euros/m2. Ajoutez à cela une hausse des taux d’intérêt, et vous obtenez un marché qui tourne complètement au ralenti depuis trois mois. Cette situation va perdurer jusqu’à l’automne, il me semble. Le temps que ces acquéreurs potentiels comprennent et acceptent que les prix ne sont plus les mêmes qu’il y a un an. Les promoteurs ne reviendront en tout cas jamais en arrière. Il ne faut donc pas s’attendre à des diminutions de prix. Ce sont les nouveaux standards qui sont d’application.”
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Les promoteurs immobiliers sont également sous pression. Ils doivent répercuter les hausses de prix des matériaux de construction sur les prix de vente tout en gardant la frange la plus large possible d’acheteurs potentiels. Un périlleux exercice d’équilibriste. “D’autant plus que les entrepreneurs, ceux qui construisent les appartements, proposent des prix révisables vu la volatilité du marché, lance Kim Ruysen, directeur de Trevi. Il est donc compliqué de trouver le prix le plus juste. Sans parler du fait que les promoteurs doivent se financer à des conditions beaucoup plus élevées.”
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Notons que le report de projets immobiliers, un temps évoqué, n’est plus vraiment à l’agenda des grands promoteurs vu les difficultés pour obtenir un permis et la nécessité de faire travailler leurs équipes. La plupart augmentent leur prix de vente alors que d’autres se tournent davantage vers les partenariats public/privé pour écouler leur stock rapidement. Seuls certains promoteurs plus modestes temporisent quelque peu, leur faisabilité financière étant compromise.
Des plafonds de prix
Une chose est sûre, ce qui sauve actuellement l’immobilier neuf est la rareté de l’offre. Elle permet de maintenir des prix élevés vu que des acquéreurs aux poches bien remplies et aux alternatives nulles sont encore sur le marché.
Certains promoteurs décideront de ne plus investir dans certaines communes car la hausse des prix de vente ne pourra être digérée par les acquéreurs.” PHILIPPE MESTACH (LATOUR & PETIT)
“Ce qui se vend, c’est ce qui est cher”, fait remarquer Kim Ruysen. Une situation qui n’est néanmoins pas tenable à long terme. Ou bien il faudra alors s’habituer à une production bien moins élevée que nécessaire, les promoteurs ne s’aventurant plus dans de grands développements. “La situation devient en effet problématique, pointe Philippe Mestach. Il y a une limite en termes de prix pour les acquéreurs et nous sommes en train de l’atteindre. Et le pire, c’est que les perspectives sont peu enthousiasmantes. Les localisations prime vont perdurer et se maintenir.”
“Par contre, certains promoteurs décideront de ne plus investir dans certaines communes car la hausse des prix de vente ne pourra être digérée par les acquéreurs. On se dirige donc clairement vers une nouvelle carte du marché neuf, excluant un nombre important de communes.” Si certaines hausses de prix peuvent être digérées dans des quartiers plus aisés, ce n’est pas le cas partout. “A Anderlecht, pour City Dox, le promoteur avait souhaité augmenter les prix à 3.500 euros/m2, lance Kim Ruysen. Nous ne vendions presque rien. Il a suffi d’un ajustement à 3.400 euros/m2 pour que les ventes démarrent. Il faut donc connaître le marché. Nous avons d’ailleurs décidé de n’accepter que les projets dont nous estimons que les prix correspondent à la réalité du marché.”
Les occupants reprennent la main
Autre constat, si les investisseurs dynamisaient le marché ces dernières années, ils se tiennent désormais en retrait, les acquéreurs occupants étant bien plus nombreux.
“La proportion 70/30 s’est inversée au profit des occupants, explique Philippe Mestach. Un investisseur doit réserver son appartement deux ans à l’avance, ce n’est pas possible. Les taux d’intérêt actuel abîment la rentabilité d’un investisseur: il ne peut pas espérer plus que 2,7% net sur 10 mois. Seule contrepartie: les prix des loyers connaissent d’importantes hausses ces derniers temps, eux qui ont longtemps stagné. Les candidats locataires pour du neuf sont également nombreux. Ce qui atténue quelque peu la hausse des prix.”
Un constat partagé par Kim Ruysen: “La folie qu’a connue le marché acquisitif ces dernières années dévie vers le marché locatif. Il y a une vraie demande des locataires pour le marché neuf. Les propriétaires en profitent. Un appartement qui se louait à 900 euros il y a peu est désormais affiché à 1.050 euros par son propriétaire. Cet effet levier n’est pas négligeable dans le calcul des investisseurs. Les règles du jeu ont donc clairement changé.”
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