Les coûts des matériaux vont-ils baisser?

Le prix du bois reste à des niveaux élevés. Après avoir doublé entre 2020 et 2021, son coût avait chuté de 17,5% entre fin 2021 et fin 2022. © getty images

Face à l’augmentation des prix des matériaux, on peut se demander aujourd’hui s’il est plus intéressant de lancer son projet de rénovation ou d’attendre une accalmie. Les prochains mois réservent a priori encore des remous mais une chose est sûre: les matériaux et autres coûts liés à la rénovation ne retrouveront pas leurs niveaux d’avant crise.

Plus 10% pour les briques, + 35% pour les produits de ciment, + 3,5% pour l’acier, + 21% pour le verre… Les prix d’une série de matériaux de construction ont continué à augmenter entre fin 2021 et fin 2022, selon les statistiques d’Embuild, l’association belge du secteur de la construction. A l’inverse, les tarifs des isolants d’origine pétrochimique — polyisocyanurate (PIR) et polyuréthane (PUR) — se sont stabilisés et ceux du bois ont même chuté de 17,5% après de fortes hausses. Peut-on pour autant espérer que d’autres matériaux suivent et permettent d’alléger les factures de rénovation qui se sont significativement alourdies ces dernières années? Rien n’est moins sûr.

La plupart des entrepreneurs sont seulement en train de réajuster leurs tarifs, notamment par rapport à l’indexation salariale.” DAMIEN CUVELIER (ARCHI DC)

Pour se faire une idée de l’évolution future des prix des matériaux, il faut d’abord comprendre pourquoi ils ont tant augmenté. Le point de départ a été le covid et la reprise soudaine de la demande dans le secteur de la construction. “Comme les capacités d’investissements étaient restées intactes durant le confinement, tout le monde a voulu investir en même temps et cela a mené à une saturation des capacités de production”, explique Salim Chamcham, conseiller senior économie et gestion d’entreprise chez Embuild Wallonie. La loi de l’offre et de la demande a donc fait son œuvre, notamment pour le bois dont les prix ont plus que doublé entre 2020 et 2021, ou encore pour les isolants issus de la pétrochimie qui ont connu une progression assez similaire. Pour des matériaux comme l’acier, “c’est principalement la guerre en Ukraine qui a chamboulé le marché mondial puisqu’une grande partie des usines de production sont situées en Europe de l’Est et certaines ont été touchées par les bombardements”, précise Damien Cuvelier, ingénieur architecte et gérant du bureau Archi DC.

A ces facteurs s’est ajoutée la crise énergétique, dont les effets se sont fait ressentir plus fortement sur les matériaux qui réclament des procédés de fabrication particulièrement énergivores.

Bref, les importantes fluctuations des prix des matériaux sont multifactorielles et plusieurs causes n’ont pas fini d’impacter le marché, même si la situation s’est un peu calmée. L’acier s’est, par exemple, plus ou moins stabilisé, tandis que le bois a vu son prix chuter de 17,5% entre fin 2021 et fin 2022 mais reste à des niveaux élevés.

Pas de retour en arrière

“L’offre et la demande sont mieux régulées, notamment parce que la production a bien repris en Chine, explique Damien Cuvelier. On ne reviendra toutefois pas aux prix que nous avons connus avant le covid: un panneau d’OSB qui était, par exemple, vendu à 9 euros avant la crise est monté jusqu’à 35 euros, et désormais il se stabilise autour des 20 euros.”

Les isolants d’origine pétrochimique se maintiennent eux aussi à des prix élevés après avoir presque doublé entre 2020 et 2021, et ne devraient pas non plus connaître de baisses importantes dans les mois à venir. Ce phénomène qui touche plusieurs matériaux s’explique par deux facteurs principaux: d’une part, une demande qui reste élevée, et d’autre part, des prix de l’énergie toujours soumis à des fluctuations. La plupart des produits sont impactés par l’augmentation des coûts énergétiques, ne serait-ce qu’au niveau du transport, mais les matériaux aux procédés de fabrication énergivores en subissent davantage les effets. Selon Embuild, on peut donc s’attendre à plus de volatilité des prix pour ces catégories de produits dans les prochains mois. “Contrairement aux matériaux qui sont liés aux cours des matières premières, les matériaux dépendant de l’énergie comme les briques, le ciment ou encore certains isolants pourraient encore voir leurs prix augmenter”, précise Salim Chamcham.

Les tarifs des projets de rénovation ne vont donc a priori pas diminuer prochainement, d’autant plus que selon Embuild, environ 40% des entreprises n’ont pas encore répercuté (ou pas totalement) les augmentations des coûts des matériaux et des salaires sur leurs clients en marchés privés. “La plupart des entrepreneurs sont seulement en train de réajuster leurs tarifs, notamment par rapport à l’indexation salariale, observe l’ingénieur architecte Damien Cuvelier. C’est donc dans les prochains mois qu’on va ressentir ces effets et l’impact risque d’être important car la main-d’œuvre représente environ deux tiers des coûts d’un chantier.”

“Attendre est un pari risqué”

Tous ces éléments défavorables pourraient laisser penser qu’il est préférable de reporter ses projets de rénovation. Mais selon Hugues Kempeneers, directeur d’Embuild Wallonie, “attendre est un pari risqué car les augmentations des prix des matériaux et de la main-d’œuvre sont telles qu’on ne reviendra jamais à une situation d’avant covid”. Damien Cuvelier abonde dans ce sens et constate que “les gens qui en ont les moyens préfèrent investir tout de suite car demain, le budget travaux pourrait encore grimper. Par ailleurs, ceux qui rénovent savent qu’ils vont y gagner au niveau de leur facture énergétique.”

Même si les rénovations coûtent plus cher, celles-ci restent en effet nécessaires étant donné la flambée des prix de l’énergie, mais aussi l’état global du bâti et des règlementations de plus en plus strictes. La Flandre impose par exemple aux acquéreurs d’un bien avec un certificat PEB E ou moins de le rénover dans les cinq ans pour atteindre un label D, et les autres Régions devraient suivre avec des mesures similaires pour parvenir aux objectifs environnementaux fixés à l’horizon 2050. Comme la Flandre, la Wallonie veut en effet tendre à un PEB A pour son parc de logements d’ici cette échéance, alors que Bruxelles vise un label moyen C+.

Il va donc falloir sérieusement accélérer la rénovation des habitations belges, et pour y parvenir Embuild estime qu’il est primordial de mettre en place des solutions de financement en parallèle des obligations de rénover. Augmentation des primes à la rénovation, réforme des droits d’enregistrement en Wallonie, rénovations groupées par quartiers ou encore nouvelles formules bancaires sont les principales pistes évoquées par Hugues Kempeneers et Salim Chamcham, en plus de la relocalisation de certaines productions en Belgique ou en Europe.

“On sait que la demande en matériaux va continuer à augmenter, donc il faut se demander si cela a encore du sens de les importer de si loin avec tous les risques que cela comporte”, souligne Salim Chamcham. Selon Damien Cuvelier, redévelopper des filières locales permettrait notamment “d’éviter des transports et dépenses d’énergie inutiles tout en étant moins dépendant des fluctuations mondiales et en créant des retombées chez nous.” Seul problème: ces filières locales sont coûteuses et ont plus de mal à être compétitives, notamment à cause des prix élevés de la main-d’œuvre.

Découvrez le nouveau guide immo de Trends Tendances à partir de jeudi 4 mai

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content