L’attrait de la vie au bord de l’eau
Les projets immobiliers situés au bord de l’eau sont souvent l’assurance d’une commercialisation aisée. La vue et la qualité de vie inhérentes séduisent, d’autant que ces projets sont plus haut de gamme que la moyenne. Reste que les emplacements sont rares et les coûts de construction plus élevés.
Le constat est paradoxal. Traumatisée par les inondations de l’été dernier, la Wallonie est en passe de repenser son urbanisation en bordure de rivières et de fleuves. Fini de construire n’importe quoi, n’importe où. De nouvelles règles ont été mises en place pour les 3.000 à 4.000 permis octroyés chaque année dans des zones inondables ( lire l’encadré ci-dessous). Sans parler du fait qu’un grand master plan est désormais entre les mains de l’urbaniste de renom Paola Vigano pour repenser l’aménagement de la vallée de la Vesdre, particulièrement touchée l’an dernier. Une manière de ne pas reproduire les mêmes erreurs que par le passé.
La commercialisation des projets situés le long des cours d’eau est à chaque fois une réussite.
Dans le même temps, les projets immobiliers situés le long des cours d’eau ne cessent de connaître un succès retissant aux quatre coins du pays. Leur commercialisation est une réussite à chaque fois. Une preuve supplémentaire de l’attrait pour ce type d’environnement. “Vivre au bord de l’eau est apaisant, reconnaît Jean-Louis Amandt, directeur de projet chez BPI Real Estate. Il ne faut pas mettre tous les projets immobiliers dans le même sac, notamment les maisons construites il y a des dizaines d’années et les projets actuels. La réflexion est bien plus aboutie aujourd’hui. Et les permis sont octroyés bien différemment.” Et l’architecte Joël Meersseman (Syntaxe) nous précisait d’ailleurs il y a peu que “ces nouveaux immeubles sont le plus souvent surélevés par rapport au niveau de l’eau et relativement en recul. Sans oublier que les rez-de-chaussée sont destinés à d’autres fonctions que de l’habitat (commerce, local vélo, services). Et puis, les projets situés au bord de l’eau sont loin d’être systématiquement inondés. Il ne faut pas généraliser même s’il faut être attentif”.
La Wallonie serre la vis
Construire dans des zones inondables sera désormais plus compliqué, voire impossible, dans certains cas en Wallonie. Le ministre de l’Aménagement du territoire Willy Borsus a transmis début février une nouvelle circulaire qui durcit les règles en matière d’octroi de permis d’urbanisme. Ces lignes directrices varient en fonction des différents types de zones soumises à l’aléa inondation. Il y a, pour rappel, trois aléas, qui dépendent du comportement de l’eau selon la configuration du terrain. Le but de cette circulaire étant bien évidemment de réduire les risques. “Nos statistiques révèlent qu’environ 10% des demandes de permis, évaluées au total entre 30.000 à 40.000 chaque année en Wallonie, sont concernées par des problèmes d’exposition au risque d’inondations par débordement de cours d’eau et par ruissellement concentré, relève Willy Borsus. Face à ces enjeux, il est indispensable d’actualiser les règles relatives à la délivrance de permis dans ces zones.”
Dorénavant, si le projet se trouve en zone d’aléa faible d’inondation, il devra être démontré qu’il n’aggrave pas la situation existante. L’impact de ce projet sur la rétention d’eau ou l’écoulement des crues devra aussi être calculé. En zone d’aléa moyen, l’objectif sera également de ne pas aggraver la situation mais, en plus, de limiter la vulnérabilité du projet aux inondations. Enfin, en zone d’aléa élevé, le principe a priori sera d’éviter l’urbanisation. La preuve de la faisabilité d’un projet sera à charge du requérant.
Des prix 15% plus élevés
L’attrait du monde immobilier pour les immeubles à appartements le long des cours d’eau est un phénomène mondial. De Londres à Paris, en passant par Namur, Liège, Bruxelles, Hasselt, Anvers, Charleroi ou Tubize, les projets les plus haut de gamme sont désormais situés au bord de l’eau. Une étude néerlandaise estime d’ailleurs que les prix sont supérieurs de 15% pour les unités résidentielles avec vue sur l’eau. C’est même davantage que pour la vue d’un beau paysage pour laquelle les prix sont 12% plus élevés. Et on ne parle même pas des projets situés à la côte belge. “D’instinct, j’estime leur plus-value à 20%, fait remarquer Lode Waes, directeur du promoteur immobilier CAAAP. Dans notre projet Militair Hospitaal à Ostende, les différences de prix entre les appartements avec vue sur mer et ceux avec vue sur l’intérieur des terres étaient même de l’ordre de 30%.” Les notaires parlent d’une différence de 6% à Coxyde et de 48% à Knokke. “Et encore, l’orientation sur la digue n’est généralement pas bonne, poursuit Lode Waes. Seuls les appartements situés à l’ouest d’un immeuble combinent une vue sur mer et une orientation favorable. Mais les gens sont prêts à payer beaucoup plus cher pour cette vue sur l’eau.”
Un plus qualitatif
Si les études et autres grands plans qui concernaient les abords du canal, à Bruxelles, ont parfois été accueillis avec scepticisme, la pratique démontre en tout cas aujourd’hui que les projets se sont enchaînés ces dernières années. Que ce soit Upsite et City Dox (Atenor), Canal Wharf (AG Real Estate), Riva (Extensa), Key West (BPI Real Estate et Immobel), Nautilus (Eaglestone) Citygate (Citydev et SLRB) ou encore Urbanities (Groupe Boghossian). Autant de projets qui ont été ou devraient être des réussites commerciales. “Les villes sont historiquement associées à l’eau, précise Thierry Collard, administrateur délégué d’Eiffage Development Benelux, qui a développé deux projets au bord de l’eau à Bruges et finalise une ambitieuse reconversion à Charleroi, aménageant une marina, des commerces, des appartements et des bureaux. Le volet résidentiel y reprend pied après avoir longtemps été dédié au volet économique.
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L’attrait de la vie au bord de l’eau est un phénomène relativement récent. Le rapport à l’eau est un rapport d’agrément qualitatif, il est devenu un rapport à la nature. Les bords de l’eau sont, de plus, des endroits où il y a moyen de développer des projets très qualitatifs.” On y voit également apparaître de nouveaux modes de vie. Reste que, pour qu’ils soient une réussite, ces projets doivent être accompagnés d’une vision urbanistique et d’espaces publics de qualité. Ce qui est aujourd’hui régulièrement le cas. “Les projets situés au bord de l’eau sont le plus souvent des projets triple A, d’un niveau premium, fait remarquer Thierry Collard. Une vue sur l’eau ou vers un parc est un produit de gamme supérieur qui entraîne certaines exigences. Cela se répercute sur l’architecture, qui est souvent plus élaborée. On l’a vu avec la tour Upsite, qui est un signal au bord du canal.” Reste que ces constructions sont souvent plus compliquées à mettre en oeuvre. Ce qui peut se répercuter sur le prix de sortie. “Toutes les contraintes peuvent être surmontées mais cela a bien évidemment un prix, note Thierry Collard. Les difficultés ne sont toutefois pas systématiques. Cela dépend de la nature des terrains. A Charleroi, il faudra par exemple creuser profondément pour trouver de la stabilité. Ce qui entraîne des surcoûts. Les logements seront donc plus onéreux, le public cible sera alors plus spécifique et de ces contraintes découleront également le choix d’une architecture plus qualitative.”
Liège et Namur valorisent leurs bords de Meuse
Même situation à Liège, où les projets immobiliers s’alignent désormais sur le tracé de la Meuse, suivant également la voie du futur tram. Rives Ardentes, situé sur la presqu’île de Coronmeuse, et ses 1.300 logements en est la tête de pont. A quelques centaines de mètres de là, le long de la dérivation de la Meuse, BPI Real Estate est en train de construire l’ensemble résidentiel Bavière. “La vue de la Meuse procure un attrait indéniable, explique Jean-Louis Amandt. Nous ne nous en sommes pas rendu compte tout de suite car le projet est aussi situé le long d’une importante voirie. Mais dès que l’on atteint le troisième ou quatrième étage, les perspectives sont incroyables. Et les clients séduits d’autant qu’ils achètent aussi un élément de sécurité: la Meuse sera toujours là. L’impact sur les prix est toutefois faible à Liège. Et nous ne choisissons pas nos nouveaux projets en fonction d’une localisation près d’un cours d’eau. Mais c’est un plus indéniable.”
A Namur, les ensembles résidentiels se sont multipliés ces dernières années. Atenor (Port du Bon Dieu), Cobelba (Les Terrasses), Actibel (Utopia) ont redessiné les abords. La Ville a entre-temps décidé d’établir un moratoire sur les projets situés en bord de Meuse, histoire notamment de préserver les villas mosanes qui se faisaient racheter et démolir à tour de bras. Plusieurs projets sont aujourd’hui à nouveau sur la table: Thomas & Piron a racheté le site de la caserne du génie à Jambes situé le long de la Sambre, Nexity envisage de construire une maison de repos un peu plus loin alors que M&P Partners souhaite construire 72 logements sur le site Babut. “Il y a un vrai attrait pour la vie au bord de l’eau, ce qui entraîne beaucoup de spéculations autour du foncier, relève Bertrand Ippersiel, directeur du service développement territorial de la Ville de Namur. Le collège communal veut éviter cela. De même qu’il souhaite préserver les bâtisses patrimoniales. Il faut être vigilant et éviter une sur-densification même si nous sommes conscients de l’attractivité pour ce type de projet. Et en termes d’inondations, la Meuse n’est pas notre principal point d’attention. D’autres lieux sont bien plus critiques.”
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Reste que si développer un projet au bord de l’eau est l’assurance d’un succès commercial, ce critère ne figure pas en haut de la liste lorsqu’un développeur recherche un projet. “Il est déjà tellement compliqué de mettre la main sur du foncier que nous ne pouvons pas nous permettre d’être aussi réducteurs dans nos choix, sourit Olivier Goldberg, fondateur de Motown Development, dont les projets à Hasselt, Dinant et Nivelles sont situés au bord de l’eau. Ce n’est donc pas un critère obligatoire. La proximité d’une gare reste aujourd’hui bien plus importante dans les choix des promoteurs.”
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