La nouvelle vie le long des boulevards

Les reconversions s’enchaînent les unes après les autres, laissant peu d’avenir aux immeubles obsolètes. © debby termonia

Reconversions en pagaille pour les immeubles situés le long du boulevard de la Woluwe à Woluwe-Saint-Lambert et du boulevard du Souverain à Auderghem et Watermael-Boitsfort. La vocation résidentielle prend le dessus. Une nouvelle vie le long de ces artères où peu d’habitants avaient l’occasion de s’aventurer il y a encore quelques années.

La première étape est en terre flamande. A Woluwe-Saint-Etienne, à un jet de pierre de l’E40 et à quelques dizaines de mètres de Woluwe-Saint-Lambert. L’ancien site de PwC a été racheté par le promoteur immobilier ION pour y redévelopper un important projet résidentiel de 220 appartements baptisé Wol U. Une demi-douzaine d’immeubles de bureaux vont passer à la trappe. La démolition est prévue l’an prochain, du moins si le promoteur vend 30% de ses appartements d’ici là. Les prix sont en tout cas élevés: 4.700 euros/m2 en moyenne.

“C’est un peu trop pour s’assurer une commercialisation rapide, confie cet agent immobilier, fin connaisseur du marché local. D’autant que la livraison n’est pas prévue avant 2027. Le projet est également quelque peu excentré par rapport au shopping de Woluwe. Les prix pour ce type de projet, même si l’ensemble sera magnifique, se rapprochent davantage des 4.300 euros/m2.”

Il s’agit d’un premier exemple de la refonte complète que sont en train de connaître les immeubles de bureaux situés le long du boulevard de la Woluwe.

Les reconversions s’enchaînent les unes après les autres, laissant peu d’avenir aux immeubles obsolètes.

Les reconversions s’enchaînent les unes après les autres, laissant peu d’avenir aux immeubles obsolètes. “Ils vont pratiquement tous y passer, relève Bertrand Cotard, actif sur le segment du bureau chez BNP Paribas Real Estate. Dans le contexte économique actuel, il est plus aisé pour des promoteurs de se lancer dans des reconversions en résidentiel. D’autant que la concurrence avec la Flandre en matière de taxation sur les bureaux reste importante. Les entreprises doivent juste se déplacer de quelques centaines de mètres pour obtenir un taux de taxation bien plus avantageux. Si bien que nous avons aujourd’hui créé une pénurie d’immeubles de bureaux dans cette zone. Or, je suis persuadé que si un projet neuf de 4.000 à 5.000 m2 y est développé, il trouvera preneur. Le Woluwe Gate d’Alides (au numéro 2 du même boulevard) pourrait être l’un de ces projets attractifs.”

Une transformation qui s’accélère

L’enchaînement des reconversions vers du résidentiel va en tout cas se concrétiser à grande vitesse. Certains sont déjà terminés (Elyx d’Eaglestone ou le Résidence- Terrasse de Cofinimmo), d’autres vont suivre d’ici peu. Seuls quelques immeubles n’ont pas encore fait l’objet d’une offre d’achat de la part de promoteurs. “Nous nous attendions en effet à ce que cette mutation se déroule rapidement, pointe Olivier Maingain, bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert. Le contexte y est favorable et la fonction de bureau n’a plus d’avenir depuis de longues années le long de cette artère. Les investisseurs se concentrent sur le résidentiel. La proximité des services, la qualité des espaces publics et la sécurité en vigueur dans notre commune sont des éléments qui séduisent les acquéreurs. Le surcoût des prix de l’immobilier que l’on retrouve chez nous est compensé par la qualité des services rencontrés.”

Et quand on se balade sur le boulevard, la mutation est frappante. En laissant derrière soi Woluwe-Saint-Etienne, on découvre directement le Woluwe 102, à l’angle du clos Hof Ten Berg. Un immeuble de bureaux qui sera bientôt démoli par Upgrade- Estate et qui sera remplacé par un espace de formation pour l’Ecam, 135 logements étudiants et 31 logements pour des jeunes professionnels. Juste à côté, l’immeuble de l’ambassade de Chine devrait également subir une transformation à moyen terme. A travers les arbres, on aperçoit ensuite, rue Neerveld, les projet W (135 appartements) et Twin Falls (120 appartements et 60 unités de coliving) d’Eaglestone. Egalement des transformations d’immeubles de bureaux. Le promoteur dispose enfin de ses permis.

“L’avantage de toutes ces reconversions, c’est que les anciens immeubles ont déjà défini des gabarits intéressants sur lequel les architectes peuvent s’appuyer, explique Anne-Catherine Galetic, CEO du promoteur immobilier Galika. Il faut reconnaître qu’Eaglestone a ouvert la voie avec une très belle architecture qui se retrouve d’ailleurs dans tous les projets de ces boulevards.”

© debby termonia

Un écoquartier à grande échelle

En continuant son chemin, on passe devant le shopping de Woluwe. Pas de reconversion à l’horizon mais bien une extension de 10.000 m2 du centre commercial par Eurocommercial Properties auquel seront ajoutés 95 appartements. Le fonctionnaire délégué a octroyé le permis début juillet mais la commune va déposer d’ici peu un recours auprès du gouvernement pour s’opposer à cette décision. “Aucune de nos remarques n’a été prise en considération, regrette Olivier Maingain (DéFI). L’architecture n’est pas suffisamment qualitative. Or, c’est un point sur lequel nous sommes dorénavant très attentifs pour tous les projets situés le long du boulevard de la Woluwe: nous souhaitons une grande qualité architecturale et une diversité dans les projets. Nous voulons développer un écoquartier dans cette zone, le premier du genre en Région bruxelloise. Tous les projets doivent donc suivre une ligne de conduite plus durable. C’en est fini de construire comme dans les années 1960 et de se rendre compte par après des désagréments. Anticipons!” On constate ensuite que l’enchaînement des projets de reconversion va suivre un rythme élevé: au numéro 64, Odebrecht a livré 44 appartements en 2022 ; au 62 Burco-Galika- Auxillière de Gérance ont déposé en juillet une demande de permis pour aménager 43 appartements dans cet ancien immeuble de Cofinimmo ; au 60, Eaglestone a livré et vendu ses 55 appartements ; au 58, 42 appartements seront construits par Urbicoon, le permis a été délivré ; au 56, c’est Area Real Estate et Immobel qui ont commencé la construction d’un immeuble de 26 appartements. D’autres immeubles devraient suivre la même voie. On pense aux numéros 46 (Maison de l’automobile), 42 et 38 (ambassade d’Indonésie).

“Même Rob est sur la liste des immeubles à rénover, pointe Philippe Mestach, responsable de l’immobilier neuf chez Latour & Petit. La transformation des immeubles situés le long du boulevard est en tout cas remarquable. Alors qu’elle était encore peu attrayante il y a quelques années, cette artère attire désormais les acquéreurs. La mobilité a été apaisée. Une place importante est laissée aux vélos. Le bruit du tram n’est pas dérangeant. Une ambiance particulière s’y dégage. Les prix y sont élevés, presque plus chers que dans le reste de la commune: les promoteurs tentent actuellement de vendre leurs appartements à près de 4.600 ou 4.700 euros/m2. Mais je pense également que ce sont des prix trop élevés. Ces dernières années, beaucoup de gens ont en tout cas vendu leur villa pour acheter un appartement trois chambres affiché à près de 1 million d’euros. Ce qui tire, il est vrai, les prix vers le haut.”

Un constat partagé par le bourgmestre Olivier Maingain, qui voit ce boulevard se transformer en artère pour riches acquéreurs. “C’est en effet un bilan que nous faisons, explique-t-il. Nous ne pouvons pas lutter contre les prix de l’immobilier. Heureusement, d’autres projets dans la commune permettent d’avoir une offre de logements plus abordable.”

Les promoteurs tentent de vendre leurs appartements à près de 4.600 ou 4.700 euros/m2. Mais je pense que ce sont des prix trop élevés.” – Philippe Mestagh (Latour & Petit)

Auderghem et ses enjeux particuliers

Après avoir traversé l’avenue de Tervueren, continuons notre chemin vers le boulevard du Souverain. Les belles villas se succèdent. Jusqu’à approcher du centre d’Auderghem. Besix Red y a déjà transformé un immeuble de bureaux en résidentiel (Oxygen, 89 appartements, Souverain 191). Le même promoteur vient de recevoir son permis pour reconvertir le Souverain 360, à l’angle de l’avenue des Nénuphars, en 49 appartements.

Mais c’est presque tout. “Nous avons en effet depuis de longues années souhaité concentrer les immeubles de bureaux le long de l’avenue Herrmann-Debroux, pointe l’échevin de l’Urbanisme d’Auderghem, Alain Lefebvre. Ce qui fait que peu d’immeubles sont à reconvertir le long du boulevard du Souverain, du moins sur la partie située à Auderghem. J’ai récemment eu des premières discussions concernant l’immeuble Souverain 280 occupé par Belfius (propriété de Ciril et Belfius Immo, Ndlr). Par contre, les demandes affluent du côté d’Herrmann-Debroux. Mais le plus souvent avec des projets disproportionnés…”

En termes de reconversion, l’un des plus grands enjeux sera la transformation du site Carrefour, propriété de Redevco, en un ensemble alliant plusieurs centaines d’appartements, des commerces et des espaces verts. Reste que les négociations s’annoncent encore longues entre la commune, la Région et le propriétaire avant d’aboutir à un accord.

Des concepts qui attirent les acquéreurs

De l’autre côté du viaduc, les reconversions se sont par contre accélérées ces dernières années. Et d’autres sont dans le pipeline. La Royale Belge (Souverain 23) est la plus emblématique (Cores Development-Urbicoon-Foresite- Ape). Inaugurée en juin dernier, elle comprend bureaux, hôtel, restaurants et espace wellness. Juste à côté, quatre immeubles de bureaux ont été transformés en 165 appartements de luxe. De l’autre côté du boulevard, le Souverain 100 a été acheté par Baltisse pour être reconverti en appartements. Le Souverain 68 attend la même destinée (Unibra). Le Souverain 36 a été racheté par e-maprod à Cofinimmo, la demande de permis est attendue d’ici la fin de l’année. Juste à côté, Dare2Build a aménagé le centre de coworking BuzzyNest. Eaglestone a, quant à lui, construit en 2019 l’ensemble de 59 appartements baptisé Twice.

“Beaucoup de promoteurs achètent tous les immeubles de bureau situés sur ce boulevard et sont prêts à patienter avant de le redévelopper en appartements, observe Philippe Mestach. Certains le gardent en version bureau, leur permettant d’engranger des loyers, ce qui est bien vu de leur part. Pour le reste, le boulevard du Souverain est devenu particulièrement attractif pour les acquéreurs. L’environnement y est verdoyant, l’accessibilité est aisée, les services nombreux et les projets qui s’y développement sont très qualitatifs. Cela se vend donc très bien et à des prix qui avoisinent les 4.500 euros/m2. Ce n’est donc pas donné à tout le monde.”

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