Immobilier à Namur: la Ville “devient le Gand de Wallonie”
Plongée dans les rues et les chantiers du centre-ville namurois. Une ville en mutation qui, si elle va multiplier son offre d’appartements neufs, devra améliorer la qualité de ses espaces publics pour maintenir son attractivité, qu’elle soit commerciale ou urbaine. Des défis importants à relever.
Vous allez voir: il est différent des autres”, sourit Stéphanie Scailquin, échevine namuroise de l’Urbanisme. Elle ne pouvait pas mieux dire. Loin des clichés bling-bling qui collent parfois aux baskets de certains promoteurs, Boris Salvador arrive au loin, quelques marches d’escalator encore à descendre, son vélo pliable à la main. La fondateur du développeur immobilier Diversis est monté dans le train à Liège, son fief. Mais il passe dorénavant de plus en plus de temps à Namur. “Il est bien plus simple d’y développer un projet immobilier, lance-t-il. L’administration est très efficace. Et je ne dis pas cela car vous êtes à côté de moi!” Ces deux acteurs de l’immobilier namurois ont accepté de parcourir le centre-ville pour évoquer les grands chantiers en cours et les enjeux à venir. Et ils sont nombreux.
Le rendez-vous est fixé en face de la gare. “L’esplanade devant nous ne ressemble pas à grand-chose, reconnaît Stéphanie Scailquin. Ce n’est vraiment pas accueillant et convivial, avec toutes ces voitures et ces bus. Nous allons complètement réaménager cet espace, pour y faire une esplanade plus aérée et arborée qui privilégie les modes doux. Le chantier sera bouclé au printemps 2024.”
D’une esplanade à l’autre
Direction le quartier Léopold pour commencer, l’un des gros morceaux immobiliers à venir. Le futur centre commercial Côté Verre de Besix Red, récemment transformé en projet mixte, avance enfin. L’étude d’incidence est lancée. La fin du chantier est espérée pour 2026, du moins si les recours ne se multiplient pas. “Il faut reconnaître que la dynamique commerciale est plus présente au sud de la Corbeille que du côté de la gare, poursuit l’échevine. Nous y avons multiplié les investissements. Le nord est par contre en grande difficulté. Un projet tel que celui qui pourrait se construire devant nous donnerait un formidable élan commercial à ce quartier, tout en supprimant certaines nuisances. Notre volonté est d’étendre le tissu commercial vers la gare et la rue de Fer. Un nouveau quartier va voir le jour ici.”
Le duo prend ensuite la direction du futur palais de justice et du projet immobilier Novia (Thomas & Piron) via la rue Rogier. L’occasion d’évoquer les grandes mutations locales qui sont en cours. “Je considère vraiment que Namur devient le ‘Gand de Wallonie‘, dit sans rire Boris Salvador, dont la société est surtout active en Brabant wallon, à Namur et à Liège. Il y a une réappropriation de l’espace qui est vraiment intéressante. La piétonisation du centre-ville qui est prévue d’ici 2026 symbolise cette vision. Il y a une ambition importante pour donner plus de convi- vialité et de qualité au centre-ville. Il faut le relever. Pour qu’une ville soit attrayante, il faut développer une mobilité douce et réduire les nuisances. Ici, vous l’entendez, il y a du bruit, de la pollution, c’est sale. L’expérience de ville n’est vraiment pas agréable, ni qualitative. Avec cette démarche, Namur est en avance sur bon nombre de villes wallonnes.”
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Arrivés devant l’imposant développement Novia (135 appartements) dont la construction semble avancer à un rythme soutenu, les deux acolytes prennent quelques instants pour évoquer la vitalité du marché immobilier. “Tout se vend mais à un rythme moins soutenu qu’auparavant, estime Boris Salvador. Il ne faut pas croire que la situation actuelle est aisée, vu la hausse du coût des matériaux et des taux d’intérêt qui freine certains acquéreurs. De nombreux projets sont en développement à Namur. Il faudra être attentif à l’évolution du marché. Un autre risque pour une ville comme Namur, c’est de voir de plus en plus d’investisseurs institutionnels lorgner l’achat de blocs entiers d’appartements. Ils n’ont pas du tout les mêmes besoins et envies que des petits propriétaires. Or, il faut que l’immobilier garde du sens et ne soit pas aux mains de fonds d’investissements capitalistes.”
Le renouveau local se traduit dans la vitalité commerciale de certaines petites rue du centre-ville.
La Confluence, l’exemple à suivre
Stéphanie Scailquin et Boris Salvador continuent ensuite de serpenter dans les rues namuroises, traversent la place d’Armes, “un nid à biodiversité” selon Boris Salvador, guide nature en herbe – avant de rejoindre l’Espace Confluence en bord de Meuse. “Recréer des espaces publics de qualité comme celui-ci, c’est redonner une pièce de vie supplémentaire aux habitants”, poétise Stéphanie Scailquin. “Il y a eu une importante tendance ces dernières années à abandonner les espaces publics, embraye son compère du jour. Or, arriver à y créer des lieux qualitatifs est essentiel, de manière à se les réapproprier. C’est ce que Namur est en train de faire et on doit le saluer. L’Espace Confluence est une vraie réussite. La place Maurice Servais, un peu plus loin, qui est en cours de transformation, est aussi un bel exemple. Reste qu’avec une hausse de 33% des coûts de matériaux en deux ans, cela me fait peur pour les futurs travaux publics.”
Le renouveau local se traduit en tout cas dans la vitalité commerciale de certaines petites rue du centre-ville. Comme la rue des Brasseurs, qui a profité de l’aménagement d’espaces publics de qualité pour retrouver une attractivité. “L’arrivée du téléphérique a été un atout indéniable pour elle, fait remarquer l’échevine. C’est un bel exemple de conséquences positives que nos choix peuvent entraîner. Il y a dorénavant plein de petits commerces de qualité dans cette rue, plus aucune cellule commerciale n’est vide.” D’autant plus que, comme pour cette cave à manger ou ce bar à vin, le bâti historique – magnifique – est remis en valeur via ces petits commerces. “Il est vrai que le bâti namurois reste d’une manière générale d’excellente facture, lance Boris Salvador. Les belles maisons bourgeoises n’ont pas été massacrées. Et les récentes hausses de prix, de l’immobilier ou des matériaux, vont entraîner une diminution des démolitions/reconstructions, ce qui n’est pas une mauvaise chose.”
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Si Diversis multiplie les projets dans des communes de taille moyenne, il reste avant tout un acteur urbain, persuadé de l’attrait des villes et de leur développement. “Les villes vont clairement se repeupler, note le CEO. Qu’un ménage possède deux voitures est devenu inabordable financièrement. Les villes doivent se repréparer à accueillir des familles. Cet aspect a été négligé pendant longtemps. Ce n’est plus acceptable. Cela passe par un travail global. Combien de plaines de jeux et d’espaces verts y a-t-il dans le centre de Namur? Très peu au final. L’autre élément capital est la sécurité. Il faut effectuer un travail considérable pour chasser la toxicomanie des villes, par exemple.” A Namur, plus de 400 caméras de surveillance seront installées d’ici peu, accompagnées d’un nouveau logiciel de reconnaissance pour déterminer incivilités ou petits trafics.
Végétaliser sans gentrifier
Retour à notre balade. Après un rapide coup d’oeil aux multiples commerces horeca de la place Chanoine Descamps et de la place du Marché aux légumes, direction la rue des Carmes. Diversis va entamer à l’automne la démolition de l’ancien bâtiment de BNP Paribas Fortis pour y aménager en intérieur d’îlot un ensemble résidentiel de 71 logements (4.300 m2). “Nous venons d’obtenir notre permis, se réjouit Boris Salvador, qui espère que les premières constructions seront lancées début 2023. Ce projet permettra de relier la rue Godfroid à la rue des Carmes. On y retrouvera du logement, du commerce, du parking et un parc public. Nous allons tenter de végétaliser au maximum cet ensemble, un élément que j’estime essentiel pour refroidir la ville. Namur devrait d’ailleurs être bien plus végétale. Je sais que l’échevine de la Transition écologique dispose d’un plan d’action en ce sens. C’est une très bonne chose. Il ne faut pas non plus négliger la faune et la flore. Remettre des nichoirs est, par exemple, essentiel pour la biodiversité. Implanter la nature en ville est un axe qui ne devrait plus être oublié.” Et Stéphanie Scailquin d’ajouter: “Le projet de Diversis est très qualitatif et vert. Il entre parfaitement dans la lignée des projets qualitatifs développés ces dernières années à Namur. Il faut surtout offrir une nouvelle expérience de ville, et ce projet peut y contribuer”.
Enfin, juste avant de reprendre son train pour Liège, Boris Salvador prend le temps de conclure les débats. “La multiplication des projets immobiliers de même que la dynamisation de l’attractivité commerciale vont contribuer à gentrifier Namur. C’est indéniable. Il faudra donc être attentif à laisser coexister des quartiers dit populaires. Car c’est un vivier social et artistique indéniable pour une ville et il serait regrettable de s’en passer. Mêler les publics est toujours intéressant.”
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