Ciney, le grand envol immobilier

Située à 30 km de Namur, Ciney reste encore dans des prix relativement abordables tout en offrant une accessibilité importante. © Denis Closon

La décennie immobilière de Ciney est lancée. Près de 1.000 logements neufs sont prévus dans les prochaines années. De quoi profondément modifier le visage de l’entité. Reste à s’assurer du maintien de la qualité de vie et de ses atouts malgré cet afflux de population.

Chacun ses chancres urbains. A Ciney, pas d’industries au tapis ou de mastodontes d’acier à dézinguer… mais un club de football à l’abandon. Avec un club-house éventré, des gradins arrachés et un terrain de jeu où il est aujourd’hui difficile d’imaginer qu’il a accueilli les plus beaux exploits de la Royale Union Wallonne Ciney (en D3 notamment) jusqu’à la fin de la saison 2020-2021. Le stade Lambert a été vendu il y a peu à Thomas & Piron Bâtiment qui y aménagera un “parc habité” comprenant une centaine d’appartements. La demande de permis sera déposée dans le courant du mois de septembre.

Un projet de plus pour cette entité de 17.000 âmes située aux confins des provinces de Namur et du Luxembourg. Il faut dire que la capitale du Condroz les collectionne ces derniers mois. Dans les cartons du service urbanisme, on dénombre près de 1.000 logements qui devraient sortir de terre dans la prochaine décennie. Un emballement immobilier qui va profondément modifier le profil de l’entité et de ses habitants.

“Il est vrai qu’il s’agit d’un nombre conséquent, reconnaît l’échevin de l’Aménagement du territoire Guy Milcamps. Mais la plupart des projets seront phasés. J’ose espérer que les promoteurs savent ce qu’ils font (sourire). Pour le moment, tous les appartements ou maisons mis en vente sont vendus rapidement. Il y a une forte demande pour les biens de qualité.”

Et la responsable du service urbanisme de Ciney, Delphine Daxhelet, d’ajouter: “Certaines phases des projets seront vendues au même moment mais chacun des projets possède ses spécificités et ne s’adresse pas au même public. Cet afflux de logements devrait donc pouvoir être digéré”.

Les gares sont bien desservies, l’accessibilité est aisée, la demande est présente, la ville est dynamique et les politiques ne mettent pas trop de freins au développement des projets.” – Aubry Lefebvre (Thomas & Piron Bâtiment)

Cette multiplication de projets accompagne une dynamique immobilière déjà élevée. D’autant que, située à 30 km de Namur, Ciney reste encore dans des prix relativement abordables tout en offrant une accessibilité importante (ligne 162 Bruxelles- Luxembourg, N4 ou E411).

“C’est un de ses atouts, tout comme son nombre élevé d’équipements: piscine, centre sportif, écoles et parc d’activités économiques, reconnaît la notaire Amélie Perleau. Le marché immobilier local est en tout cas en pleine explosion. Si le nombre de transactions a augmenté de 50% en 2021, il s’est calmé depuis ce début d’année avec la remontée des taux d’intérêt. On assiste à une baisse de 20% de l’activité. Les prix continuent par contre d’augmenter. Nous avons observé une hausse de 30% en cinq ans pour le prix des maisons. Elles étaient affichées à 180.000 euros à l’époque pour grimper à 235.000 euros aujourd’hui. Cela reste toutefois abordable par rapport à Gesves, Assesse et bien évidemment Namur. Ces prix permettent également d’acquérir des biens plus spacieux dans certains cas.”

Au stade Lambert, ou du moins ce qu’il en reste, T&P Bâtiment envisage de construire une centaine d’appartements répartis sur trois immeubles.
Au stade Lambert, ou du moins ce qu’il en reste, T&P Bâtiment envisage de construire une centaine d’appartements répartis sur trois immeubles. © PG

Eviter la saturation

Il ne faut en tout cas pas être un grand observateur du marché immobilier local pour constater que Ciney est en plein développement. Selon l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps), sa population devrait d’ailleurs augmenter de 13% d’ici 2034. La pression immobilière n’est donc qu’une conséquence de ces indicateurs. Et d’une politique plutôt accueillante des autorités vis-à-vis des promoteurs. “Nous n’acceptons pas tous les projets et nous posons nos conditions, tempère Guy Milcamps. Nous sommes d’ailleurs attentifs à accompagner ces projets par des charges d’urbanisme qui nous permettront de maintenir des équipements de qualité.”

Car si Ciney possède un hall des sports, un important réseau scolaire (près de 5.000 élèves) ou encore un parc d’activités économiques dynamiques, la plupart de ces infrastructures arrivent à saturation. “Ce sera un des principaux défis des politiques, relève la notaire. Il sera nécessaire de bien accompagner le développement immobilier par des équipements de qualité et de ne pas se concentrer uniquement sur le volet résidentiel. Il faudra des crèches, des écoles et des homes pour accueillir ces nouveaux habitants. C’est une de mes craintes. Il faudra y être attentif à l’avenir pour ne pas créer de frustrations auprès d’habitants qui ne trouveront plus d’écoles ou de crèches dans l’entité.”

Quand on jette un œil sur les projets qui sont dans le pipeline, on ne peut qu’être étonné par leur envergure. “La commune possède en effet 13 ZACC, des zones d’aménagement communal concerté, précise Delphine Daxhelet. Elle a décidé d’en libérer quatre, dont certaines s’étendent sur une dizaine d’hectares. Elles pourront donc accueillir des projets d’une taille importante. L’essentiel du développement de Ciney est aujourd’hui encadré. Une fois que tous ces projets seront développés, les possibilités seront minimes.”

Avant d’en arriver là, les pelleteuses et les agents immobiliers auront encore pas mal de travail. Par exemple, Immobel Home envisage de construire 290 logements (dont 25% de maisons) sur le site Crahiat. Un recours contre l’ouverture des voiries a été déposé par un riverain. Une fumée blanche est espérée à l’automne. Un peu plus loin, le long de la rue de l’Etang, Bouygues dispose d’un permis pour construire 20 maisons et quatre immeubles à appartements de 44 unités. Le promoteur, happé par la hausse des coûts de construction, a toutefois introduit un permis modificatif pour réduire la taille des logements (mais en gardant les 64 unités). Une manière de maintenir sa marge bénéficiaire.

Enfin, toujours dans ce quartier, Melotte Group Holding souhaite construire sur un terrain de 3 ha situé le long de l’avenue d’Huart un ensemble de neuf maisons et de quatre immeubles à appartements (42 unités au total). Une crèche est prévue comme charge d’urbanisme. A l’arrière, on retrouvera une résidence-services. Le fonctionnaire délégué devra trancher d’ici peu sur la demande de permis, la commune ayant de son côté remis un avis positif conditionné à certaines mesures.

La transformation de l’ancien site EPC par T&P, un des premiers projets qui contribue au renouveau cinacien.
La transformation de l’ancien site EPC par T&P, un des premiers projets qui contribue au renouveau cinacien. © PG

Au stade Lambert, T&P Bâtiment envisage donc de construire une centaine d’appartements répartis sur trois immeubles. D’ici là, il s’attaquera à la finalisation du site de l’ancienne Economie Populaire (EPC) en y construisant 25 logements, Lixon se chargeant également de développer 25 unités (rue Edouard Dinot). Sur la ZACC du Tersoit, Prologe souhaite y construire, en deux phases, 350 logements (avec un mix 50/50 appartements et maisons) puis, dans un second temps, 200 unités. Le promoteur est au stade de l’avant-projet.

“Ciney est une ville qui possède de nombreux avantages pour un promoteur, explique Aubry Lefebvre, administrateur délégué de Thomas & Piron Bâtiment. Les différentes gares sont bien desservies, l’accessibilité est aisée, la demande est présente, la ville est dynamique et les politiques ne mettent pas trop de freins au développement des projets. Il y a, de plus, peu de projets d’immobilier neuf actuellement en vente. Il y a donc des besoins. Il est difficile de définir un prix de vente actuellement vu le peu de projets qui ont été récemment vendus. Mais il est évident que si nous avons vendu nos derniers projets à 2.600 euros/m2 il y a deux ans, les prix dépasseront cette fois les 3.000 euros/m2 vu les multiples hausses de coûts.”

Et Guy Milcamps d’ajouter: “Une fois que ces sites seront aménagés, il ne restera en effet plus beaucoup de possibilités d’urbanisation. Si on le souhaite, il faudra se tourner vers une intensification de l’urbanisation dans les huit villages. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour”.

Un volet économique qui attire

Pour digérer l’afflux de nouveaux logements, des aménagements en matière de mobilité seront nécessaires. L’un des plus importants sera la transformation de l’avenue Schlögel en boulevard urbain. Une nouvelle voirie qui fait la part belle aux modes doux et à la végétation. “C’est une porte d’entrée de Ciney qui sera transformée, lance Guy Milcamps. Il est important de proposer des alternatives aux habitants qui veulent se rendre dans le centre-ville. Et ce pour le désengorger. Ce boulevard va s’étendre sur 1,5 km et aura une vraie plus-value économique et urbanistique.” Financés essentiellement par la Région wallonne et des fonds européens, les travaux de cette voirie devraient débuter dans le courant de l’année 2025.

Enfin, si Ciney possède déjà deux parcs d’activités économiques sur son territoire, comprenant plus de 150 entreprises, une extension sur 51 hectares du parc de Biron (96 ha) sera finalisée en 2025. Les travaux de voirie sont en cours. Elle sera située à cheval sur les communes de Hamois et Ciney entre la N4 et la N97. De quoi accueillir une centaine d’entreprises supplémentaires (750 à 1.000 emplois). “Cela aura un impact indéniable sur le marché immobilier local”, estime Amélie Perleau.

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