Trends Winter University 2025: bulle norvégienne entre entrepreneurs belges de la tech


Une septantaine d’entrepreneurs belges de la tech ont mis de côté leurs fichiers Excel pendant quatre jours pour partir en “road trip”, à l’occasion de la quatrième édition de la Trends Winter University. Entre fjords enneigés et train avec vue, ce voyage hors du temps a permis aux fondateurs de start-up et scale-up du numérique d’aborder, sans filtre, les succès comme les échecs. Et de tisser les liens d’un écosystème qui dessine l’économie de demain.
Ce n’est sans doute pas totalement un hasard si le premier rendez-vous de la Trends Winter University 2025 s’est tenu au pied de la fusée de Tintin à l’aéroport de Bruxelles. Comme un symbole que tout est possible, qu’il y a toujours moyen d’aller plus haut. Dans le monde entrepreneurial, où l’ambition et l’audace sont des moteurs essentiels, ce clin d’œil au célèbre reporter belge avait aussi des allures de message : viser l’impossible, repousser les limites et, surtout, ne jamais cesser d’apprendre.
C’est dans cet état d’esprit qu’un groupe de plus de 70 entrepreneurs belges du numérique s’est envolé pour la Norvège. Après l’Islande l’an dernier, la Trends Winter University, organisée par Trends-Tendances et soutenue par PWC et le cabinet juridique Four & Five, avait choisi les fjords norvégiens pour proposer, mi-mars, un cadre propice à la réflexion, au partage et à l’inspiration. Un voyage hors du temps, où la compétition et les fichiers Excel du quotidien devaient laisser place à l’échange entre pairs et où les discussions ont pris une autre ampleur, loin des agendas surchargés et des décisions à la minute.
“Passer quatre jours avec un groupe d’excellents entrepreneurs est précieux, confirme Louis Jonckheere, fondateur de Showpad et désormais chef d’orchestre du Wintercircus à Gand. Au lieu de croiser les gens quelques minutes dans un autre événement, la Trends Winter University permet de se côtoyer plusieurs jours et d’avoir de vraies discussions, en profondeur, sur le business. Et surtout sans se limiter sur les seuls succès, mais avec l’ouverture d’aborder les échecs et les erreurs. Ce qui n’a pas de prix.”

S’inspirer des succès
Loin d’être un simple rassemblement de start-up et de scale-up, la Trends Winter University est devenue un rendez-vous incontournable où les fondateurs belges – francophones et flamands – prennent, en effet, le temps d’échanger sans filtre sur leurs expériences, leurs avancées, mais aussi leurs difficultés. Dimitri O, fondateur de la scale-up Loop Earplugs, a d’ailleurs ouvert cette édition avec une keynote inspirante, partageant sans détour les défis rencontrés pour imposer son innovation – des bouchons pour oreilles – à l’échelle mondiale.
“Il a insisté sur la nécessité de pivoter au bon moment, épingle Jean-Louis Van Houwe, fondateur de Monizze, spécialiste des chèques électroniques qui compte 140 employés. Son produit, initialement conçu pour les soirées et festivals, a fait face à la crise du covid qui a totalement bouleversé son marché. Il a su transformer cette contrainte en opportunité en adaptant son approche marketing avec un succès impressionnant. C’est une vraie leçon sur l’agilité et l’importance de savoir rebondir face aux imprévus.”
Tout au long du séjour, les échanges se sont poursuivis au gré des tables rondes et des discussions informelles. Ludovic Dujardin, l’homme derrière l’application de méditation Petit BamBou, a quant à lui surpris son auditoire en révélant qu’il n’a jamais défini un seul KPI pour son équipe, préférant miser sur l’intuition et la passion plutôt que sur des indicateurs froids et rigides. Il a aussi expliqué pourquoi il ne voyait pas l’intérêt d’augmenter les tarifs de son application pour gagner plus d’argent, alors que sa société tourne déjà bien puisqu’elle a séduit plus de 11 millions d’utilisateurs depuis 10 ans. Un sacré choc de vision, apprécié, par rapport au profil des participants.
“C’était un des points intéressants de cette nouvelle édition de la Trends Winter University, admet Sébastien Deletaille, entrepreneur bruxellois à la tête de Rosa : la diversité des idéologies et des points de vue sur la manière de faire croître une entreprise de la tech. À l’inverse de beaucoup qui mettent le focus sur la croissance des revenus en priorité, le fondateur de Petit BamBou célébrait le fait d’être concentré sur sa mission et la manière de servir cette mission. Dans sa vision, la croissance du revenu et de l’activité devient un résultat. Et pas un but.”
“C’était un des points intéressants de cette édition : la diversité des idéologies et des points de vue sur la manière de faire croître une entreprise de la tech.” – Sébastien Deletaille (Rosa)

Dialogue avec des licornes
Emmanuelle Ghislain, de la Pulse Foundation, et Dewi Van De Vyver, fondatrice de la firme flamande Effex, ont quant à elles échangé lors d’une table ronde avec Jurgen Ingles, serial entrepreneur flamand devenu investisseur, sur l’intérêt d’obtenir plus de diversité dans les scale-up, toujours trop masculines. “Il est pourtant prouvé que les scale-up qui disposent d’un plus grand équilibre hommes/femmes, mais aussi une diversité dans les origines des collaborateurs, affichent une plus grande résilience”, souligne Emmanuelle Ghislain.
Malgré tout, aujourd’hui, les start-up de la tech restent, majoritairement, une affaire de jeunes hommes blancs, d’entre-soi. De quoi assurer un débat animé sur les raisons de cet état de fait et sur la manière d’arriver à faire évoluer la diversité et l’inclusion dans les boîtes belges de la tech.

Lors de l’une des huit tables rondes, Jonas Dhaenens, CEO et fondateur de la licorne team.blue, s’est employé à expliquer sa vision à long terme du développement de sa boîte. Gilles Mattelin, cofondateur de Henchman, start-up revendue l’an passé, s’est exprimé, lui, sur le meilleur timing de la vente d’une scale-up.
“Au gré des keynotes et interventions, notamment la table ronde de Jonas Dhaenens de team.blue, j’ai pu prendre conscience des possibilités qu’offre la croissance par acquisitions, détaille Matthieu Remy, fondateur de la scale-up Easyvest. On pense souvent que c’est réservé aux grandes entreprises et pas une affaire de start-up. J’ai eu confirmation que non, et cela ouvre potentiellement des perspectives intéressantes.”
Mais la Trends Winter University, ce n’est pas uniquement des discussions techniques ou des conseils pratiques. C’est aussi un moment où les entrepreneurs se questionnent sur leur rôle, leur impact et l’évolution de leur mission, alors que le cadre dans lequel se déroule l’événement invite à la réflexion. Car ces discussions n’ont pas uniquement pris place dans une salle de conférence, mais bien au fil d’un voyage en mode road trip à travers la Norvège. C’est, ainsi, sur un bateau électrique au milieu des fjords, que Matthias Geeroms, fondateur de Lighthouse, et Eva Metsu, general counsel de Lighthouse, ont dévoilé les coulisses de leur levée de fonds, expliquant comment la firme a levé 30 millions d’euros l’an passé (la faisant passer au rang convoité de licorne), le rôle des avocats d’affaires, l’implication de l’équipe dirigeante, etc.

Apprendre des difficultés des autres
Des activités ludiques ont aussi offert des moments précieux de networking. Une demande forte des participants réguliers qui souhaitaient avoir un peu plus de temps que les autres années pour se rencontrer et échanger. Que ce soit à bord du célèbre train Flamsbana reliant la petite ville de Flam à la station de Myrdal en longeant de vertigineux paysages enneigés, lors de la découverte des fjords en petits groupes sur un bateau rapide ou encore lors de randonnées plus ou moins difficiles. Car certains auront saisi la métaphore : avancer en groupe, au même rythme, et sentir la difficulté de la montée ainsi que la satisfaction d’atteindre un sommet, ce sont autant d’images qui font écho à la vie de tout entrepreneur.
“La combinaison entre activités et contenus est un mix brillant qui permet d’être inspiré et d’apprendre, se réjouit Enya Steenssens, senior manager chez PWC. Et comme les participants arrivent tous préparés à cet événement sachant de quels challenges ils ont envie de parler, tous sont prêts à partager ouvertement leur vécu, y compris leurs difficultés.”
En clôture de l’événement, c’est dans un cadre moderne et panoramique, au dernier étage du célèbre Munch Museum à Oslo, que Merete Hverven est venue à la rencontre des entrepreneurs belges. À la tête du groupe informatique Visma, qui emploie plus de 16.000 personnes dans le monde, la CEO a dispensé une keynote particulièrement inspirante. Elle y a fait part de son parcours, de sa vision (résolument optimiste) à la tête d’un groupe qui a déjà réalisé pas moins de 150 acquisitions ces dernières années, dont Silverfin ou Teamleader de Jeroen De Wit, star de la tech flamande… ou plutôt belge.

Car à la Trends Winter University, se côtoient tout à la fois les fondateurs francophones et flamands dans un esprit positif d’écosystème. C’est pour cela que tous les débats et keynotes se tiennent en anglais, même si la majorité des participants sont néerlandophones. “En Belgique, on a trop souvent tendance à penser en termes de Régions et de Communautés, glisse un participant. Il y a d’ailleurs peu de ponts entre les écosystèmes du nord et du sud du pays qui sont malheureusement très séparés. Cet événement est l’un des rares qui permette la rencontre des deux communautés tech
.” Peu importe la langue et la géographie, à la Trends Winter University, c’est l’ambition, la passion et la volonté de partager qui priment. Pour Anneleen Vander Elstraeten, managing partner de Four & Five, “ce voyage participe à la construction d’une communauté pour l’écosystème belge de la tech”. Qui permet à la fois aux fondateurs d’implémenter individuellement des conseils et bonnes pratiques et, collectivement, d’envisager l’écosystème dans sa globalité noir-jaune-rouge.

La Trends Winter University est devenue un rendez-vous incontournable où les fondateurs belges – francophones et flamands – prennent le temps d’échanger sans filtre sur leurs expériences.
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