Quantoom va démocratiser les vaccins à base d’ARN
La filiale d’innovation du groupe Univercells a déjà une dizaine de demandes pour ses équipements. Elle compte les produire elle-même, dès l’an prochain, sur son site de Nivelles.
Produire de l’ARNm à moindre coût, voilà le défi que s’était lancé le groupe Univercells en créant sa filiale Quantoom Biosciences, en juin 2021. Et en matière de moindre coût, on ne visait pas gentiment une ristourne de 5% mais une division du prix par… 100, voire 200. “J’avais dit cela dans l’enthousiasme, sourit José Castillo, cofondateur d’Univercells et CEO de Quantoom. Mais aujourd’hui, je peux le répéter sur un ton affirmatif: le prix sera divisé au moins par 100. Celui qui produira 50 millions de doses de vaccin ARNm pourra les fabriquer à 25 centimes la dose.” Si le CEO peut être aussi affirmatif, c’est parce que la société nivelloise a sorti le 25 juillet dernier (soit à peine 13 mois après sa création) sa première machine de production d’ARNm à grande échelle. Reste encore à monter en puissance.
Nos équipements, ce sera du made in Belgium et même quasiment du made in Hainaut.
José Castillo, CEO de Quantoom Biosciences
Beaux joueurs, José Castillo et ses équipes ne s’approprient pas seuls les fruits de cette réussite ultrarapide. Celle-ci repose en effet aussi sur la conclusion, en juillet 2012, d’un partenariat avec la société gantoise eTheRNA. “Une alliance vraiment synergique, estime José Castillo. Ils sont spécialistes de l’ARN et nous apportons notre expertise dans les procédés et les équipements de production.” Cette complémentarité a ouvert des perspectives qui ont séduit la Fondation Bill et Melinda Gates (apport de 7,5 millions de dollars) et l’Organisation mondiale de la santé. Cette dernière a soutenu un accord entre Quantoom et la société pharmaceutique sud- africaine Afrigen en vue de développer la production de vaccins ARNm sur le continent africain.
Le puzzle s’emboîte très bien et de nombreux pays en développement l’ont remarqué. Quantoom a vu les demandes affluer. Une dizaine de contrats sont en négociation, l’entreprise espère les finaliser d’ici la fin de l’année afin de réaliser ses premières livraisons en 2023. Elle table sur un seuil de rentabilité dès 2025. Ces technologies permettront de produire de l’ARN à grande échelle pour de très nombreuses applications, par exemple pour combattre une épidémie fulgurante qui naîtrait dans une région d’Afrique ou d’Amérique latine. “Nous mettons sur pied un processus systématique pour qu’il ne s’écoule au maximum que quatre mois entre les premiers échantillons prélevés sur les personnes infectées et l’étude clinique de phase 1, précise le CEO de Quantoom. Cette vitesse de réaction intéresse effectivement de très nombreux pays.”
Filiale d’innovation ou de fabrication?
Cette évolution met paradoxalement en question la mission première de Quantoom Biosciences. Cette filiale avait en effet été créée pour maintenir un “véhicule d’innovation” au sein du groupe Univercells. “Notre job sera de continuer le cycle d’innovation pour alimenter la palette de services d’Exothera (filiale d’Univercells spécialisée dans la fabrication en sous-traitance de vecteurs viraux pour les vaccins, Ndlr), de produits d’Univercells Technologies et de types de technologies à transférer pour Unizima (autre filiale, dédiée aux transferts de technologie), expliquait José Castillo à Trends-Tendances l’an dernier, lors du lancement de la société. Quantoom Biosciences, c’est un peu l’Univercells du début. Mais dans des conditions nettement plus confortables.”
La structure est-elle donc bien le levier le plus adéquat pour passer, en à peine un an, de la recherche à la fabrication industrielle? “Cette question, nous nous la sommes posée 18 fois, convient José Castillo. Les clients y ont répondu pour nous. Quantoom s’est fait un nom très rapidement et il faut écouter ce que le marché nous dit. Nous assurerons donc nous-mêmes la fabrication et la distribution de nos équipements.” Cela impliquerait d’engager une vingtaine de personnes, portant ainsi les effectifs de Quantoom à 110 personnes (pour rappel, ils n’étaient que 35 il y a un an! ). D’ici le milieu de l’année prochaine, il faut maintenant organiser tout l’approvisionnement, la production, le contrôle qualité, etc. “Nous étions une sorte de département de la faculté des sciences appliquées ; et en quelques mois, nous devons devenir une boîte qui va fabriquer, fournir, installer et maintenant des équipements de production, résume le CEO de Quantoom. Mais moi, ça ne me fait pas peur. Nous l’avons fait avec Univercells, nous sommes en train de le faire avec Exothera à Jumet, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire avec Quantoom?”
L’entreprise ambitionne d’ailleurs de grandir aussi à l’international, avec l’ouverture d’un labo et d’un bureau de représentation sur la côte Est des Etats-Unis et en Asie du Sud-Est vers le milieu de l’année prochaine. Si pour l’instant, les demandes proviennent surtout des pays à bas et moyens revenus, Quantoom espère que les pays industrialisés, notamment en Europe, adopteront aussi progressivement ses technologies.
Retombées sur tout l’écosystème wallon
Les développements de cette entreprise ne seront pas sans retombée sur le tissu économique régional. Quantoom se tournera en effet vers ses partenaires classiques tant pour la fabrication des équipements (sociétés de mécanique, d’électricité, etc.) que des consommables, ces petits éléments à usage unique utilisés pour produire et purifier l’ARN. “Ce sera du made in Belgium et même quasiment du made in Hainaut”, insiste José Castillo.
Pour les molécules nécessaires à la fabrication de l’ARN, il faudra a contrario s’approvisionner dans le monde entier. Sauf que certaines de ces molécules sont particulièrement onéreuses, ce qui pourrait perturber la stratégie d’un groupe connu pour sa production low cost. Quantoom a peut-être trouvé une solution en rachetant en janvier dernier la biotech française SynHelix (Evry). Il s’agit d’une société de recherche spécialisée dans le design des molécules, capable, par exemple, de reconfigurer ces dernières afin que Quantoom puisse les produire ou les faire produire. “Je discute avec deux sociétés wallonnes susceptibles de nous produire les molécules dont nous avons besoin, confie José Castillo. Nous intégrerons ensuite ces molécules aux cocktails réactionnels qui vont alimenter nos équipements. A tous les bouts de la chaîne, nous nous appuyons ainsi sur l’écosystème régional.”
Le rachat de SynHelix présente un autre atout. Cette petite unité (20 personnes) se positionne bien en amont dans la recherche sur l’ADN synthétique. Son arrivée permettra donc au groupe de conserver en son sein des équipes dédiées à la recherche, au moment où Quantoom évolue vers des missions plus industrielles, “Je compte sur cette équipe pour continuer à alimenter toute l’innovation dans le domaine de ce qu’on appelle la biologie structurale, c’est-à-dire comment on ‘redesigne’ une molécule, précise José Castillo. Nous devons rester une entreprise innovante et les compétences de SynHelix nous y aideront.”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici