Le défi d’Univercells: réduire le coût des vaccins ARN par… 100

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Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

En modifiant les ingrédients d’un vaccin ARN, on peut les amener en deux ans au niveau du coût des vaccins viraux, assure José Castillo, CEO de Quantoom Biosciences, la nouvelle filiale d’innovation du groupe Univercells.

“Ue vraie révolution technologique a été validée en moins d’un an.” José Castillo, cofondateur d’Univercells, est convaincu que la crise du Covid-19 a fait gagner plusieurs années dans le développement de vaccins et de thérapies basées sur l’ARN. “Les firmes qui travaillaient sur l’ARN ou l’adénovirus ont été les plus rapides, dit-il. En quelques mois, plusieurs centaines de millions de doses ont été administrées sans problème majeur. C’est une révolution pour l’industrie du vaccin. On ignore encore l’étendue de cette onde de choc mais il est clair pour moi que les produits basés sur l’ARN vont se développer de manière très importante.”

Nous construisons des filiales à la fois focalisées et synergiques.”

José Castillo, cofondateur d’Univercells et CEO de Quantoom Biosciences

Entrepreneurs dans l’âme, José Castillo et son comparse Hugues Bultot ne se sont pas contentés d’observer cette évolution. Ils y voient des opportunités industrielles à saisir. Et pas des petites. L’inconvénient des technologies ARN, c’est en effet qu’elles sont très onéreuses. Or, la mission de base d’Univercells, fondée en 2013, est justement de réduire de façon significative les coûts de production de vaccins, grâce notamment à l’automatisation des procédés. En l’occurrence, José Castillo ambitionne de diviser les coûts de production des vaccins ARN “par un facteur 100 ou 200”, afin de les amener “dans les mêmes ordres de grandeur de coût que les vaccins viraux”. Cela ouvre de gigantesques perspectives de développement, pour lesquelles Univercells a créé une nouvelle filiale, Quantoom Biosciences, qui sera dirigée par José Castillo.

Stratégie de groupe

Mais avant de nous intéresser à cette filiale, situons-la dans la stratégie de ce qu’il faut désormais appeler le groupe Univercells, fort de plus de 300 employés. Au départ, l’entreprise se focalisait sur la robo- tisation des processus. Elle a développé à cette fin des machines spécifiques (la plateforme NevoLine, le bioréacteur scale-X), dont la pro- duction est désormais assurée par la filiale Univercells Technologies, installée à Nivelles. A ce jour, 74 de ces machines ont été déployées dans le monde, dont près de la moitié aux Etats-Unis. Elles sont réparties équitablement entre la production de vaccins et de matériel pour les thérapies géniques.

En 2020, le groupe a créé la filiale Exothera (Jumet) pour produire des vecteurs viraux destinés à des entre- prises actives dans les thérapies géniques. Cette activité pour compte de tiers (CDMO dans le jargon de la pharma) est en pleine croissance sur le Biopark de Gosselies avec Thermo-Fisher (ex-Novasep) ou Catalent (ex-MaSTherCell). Exothera est en cours d’installation de ses équipes (une centaine de personnes) sur le Biopark. Dans un premier temps, elle y occupera 3.500 m2 sur les 15.000 acquis par Univercells à Jumet.

Le succès de ces deux filiales plaçait Univercells à la croisée des chemins. “C’est le principe du cycle de l’innovation, explique José Castillo. Quand l’innovation aboutit, il faut la commercialiser. Souhaitions-nous nous focaliser là-dessus ou voulions-nous continuer à innover?” Univercells a choisi la seconde option et créé à cette fin Quantoom Biosciences, qui sera donc “le véhicule d’innovation” du groupe. On reste bien en phase avec l’ADN d’Univercells: l’idée n’est pas de chercher “le” nouveau médicament mais les chemins qui permettront d’optimiser les coûts de production de ce nouveau médicament.

Avec des partenaires pharma

Quantoom Biosciences travaillera en partenariat avec des entreprises pharmaceutiques qui développent des produits à base d’ARN (vaccins ou thérapies). Il en existe une septantaine à travers le monde (dont entre autres Celyad et OncoDNA, en Belgique) et José Castillo est convaincu qu’elles seront plus de 200 à l’horizon 2030, après la validation accélérée provoquée par la lutte contre le Covid-19. Un premier contrat est en voie de finalisation, la firme nivelloise devrait annoncer dans quelques semaines le nom du partenaire et l’indication médicale de son premier projet. Et, après, ça ne traînera pas puisque le patron de Quantoom Bioscience table sur l’installation d’une plateforme validée chez le partenaire pharma pour la fin 2022…

José Castillo
José Castillo© Belgaimage

Le partenariat doit être conclu bien en amont du processus, avant le stade des études cliniques que le groupe Univercells compte désormais mener lui-même, grâce à sa nouvelle filiale. “Avec Quantoom Biosciences, nous ajoutons une activité de développement clinique, explique le CEO. C’est très important car pour qu’une technologie soit validée par l’industrie pharmaceutique, il faut qu’elle soit utilisée en conditions GMP ( good manufacturing practice) dans des études cliniques. Tant que nous ne faisions pas d’études cliniques nous-mêmes, nous dépendions de la décision de quelqu’un d’autre. Bien entendu, nous travaillions en amont avec des utilisateurs potentiels, mais la décision leur revenait. C’était donc une nécessité de pouvoir mener nous-mêmes les études cliniques. Cela nous fera gagner du temps et de la crédibilité pour la commercialisation de nos plateformes.”

Modifier les ingrédients d’un vaccin

Travailler en amont permettra de s’attaquer non seulement aux processus mais aussi aux ingrédients d’un vaccin ou d’une thérapie. Certains peuvent être modifiés, remplacés, voire supprimés, afin de réduire les coûts, sans modifier les effets bien entendu. Ce n’est pas envisageable pour les vaccins viraux, dont la sécurité s’appuie parfois sur des décennies d’utilisation, mais très certainement pour les beaucoup plus récents vaccins ARN. “Nous pouvons aller en amont et innover dans les réactifs eux-mêmes, assure José Castillo. Si nous ne faisons pas cela, l’ARN sera peut-être abordable dans 15 ou 20 ans. Or, nous voulons qu’il le soit dans deux ans.” Avec son équipe d’une quarantaine de personnes, le CEO a passé en revue les ingrédients du vaccin anti-Covid de Pfizer/BioNTech. Ils en ont identifié six susceptibles d’être fabriqués à moindre coût ou remplacés par une substance moins chère.

A priori, Quantoom Biosciences n’interviendra pas pour ces vaccins, déjà validés et dont personne ne se risquera à modifier maintenant la composition. Mais l’exercice a conforté les équipes quant à la validité de leur business plan. Celui-ci doit s’analyser dans le contexte du groupe Univercells. L’apport de Quantoom Biosciences sera évidemment rémunéré en tant que tel. Mais après, s’il faut produire des ingrédients, qui sera mieux placé qu’Exothera? Et qui d’autre qu’Univercells Technologies fournira les machines? Et qui ira implémenter le tout chez le partenaire?

Unizima, une autre filiale du groupe, spécialisée dans le transfert de technologies, pourra prendre en charge l’installation et la formation des équipes chez le partenaire. “Nous construisons des filiales à la fois focalisées et synergiques, conclut José Castillo. Notre job sera de faire autre chose, de continuer le cycle d’innovation pour alimenter la palette de services d’Exothera, de produits d’Univercells Technologies et de types de technologies à transférer pour Unizima. Quantoom Biosciences, c’est un peu l’Univercells du début. Mais dans des conditions nettement plus confortables.”

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