François Lepot (Safran Aero Boosters): au cœur de la majorité des moteurs de l’aviation civile

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

A la tête de Safran Aero Boosters depuis 2019, François Lepot pilote en région liégeoise une entreprise industrielle qui investit 15% de son chiffre d’affaires en R&D et continue d’embaucher.

Anciennement FN Moteurs, rebaptisée Techspace Aero à la fin des années 1980 suite à l’entrée dans son capital du groupe français Safran, puis Safran Aero Boosters en 2016, l’entreprise aéronautique liégeoise que pilote François Lepot (54 ans) est un véritable fleuron wallon. Spécialisée dans les compresseurs basse pression (module à l’entrée du réacteur d’avion), la société a réalisé l’an dernier un bénéfice net de 106 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 595 millions. Détenue à hauteur de 31% par la Région wallonne et 2% par la Société fédérale de participations et d’investissement (SFPI), elle emploie 1.700 personnes et s’affirme comme un leader mondial dans son secteur. “Nous équipons la majorité des moteurs de l’aviation civile, notamment les Boeing 737 et les Airbus A320, qui sont les avions les plus vendus au monde. Nous participons aussi à la motorisation du prochain Boeing 777 et au développement du futur avion décarboné qui est un marché gigantesque”, se réjouit François Lepot.

Plus fort que le covid

Nommé CEO en 2019, François Lepot continue de déployer la stratégie imprimée il y a plus de 20 ans par l’ancienne Snecma et son propre prédécesseur, Yves Prete, qui a été plusieurs fois nominé candidat au titre de Manager de l’Année. Le site liégeois de Safran Aero Boosters, situé dans le zoning des Hauts-Sarts sur les hauteurs de la Cité ardente, n’est pas seulement l’endroit où l’on assemble mais aussi celui où l’on conçoit ces compresseurs intégrés aux réacteurs des quatre grands motoristes qui se partagent le marché mondial: General Electric, Safran Aircraft Engines, Pratt & Whitney et Rolls-Royce. “Nous avons toujours un pied dans le futur et un autre dans le présent. Nous concevons les technologies qui voleront dans 20 ans, nous produisons les compresseurs basse pression des moteurs actuels et nous continuons de fournir les pièces de rechange pour des avions qui ont plus de 20 ans de vols derrière eux! C’est une des grandes spécificités de l’aéronautique et c’est en étant présent sur ces trois volets que nous conserverons notre place de leader dans le secteur”, explique François Lepot.

Le grand mérite de cet ingénieur passé par ArcelorMittal avant de rejoindre l’ex-Techspace Aero il y a maintenant 30 ans? Avoir bien encaissé la pandémie. “La crise est arrivée très violemment après une année record en 2019, explique le CEO. Nous avons perdu la moitié du chiffre d’affaires pendant deux ans. Quand les avions sont cloués au sol, les compagnies ne gagnent pas d’argent et reportent leurs commandes. Cela a vraiment été une période très difficile. Mais alors que d’autres acteurs se sont séparés de 30% à 40% de leur personnel du jour au lendemain, nous n’avons licencié personne. Et ce grâce à un accord social qui a réduit les salaires, y compris le mien. C’est comme cela que nous avons réussi à passer la crise: en équipe!” Résultat? Les ventes font maintenant mieux que se redresser. Safran Aero Boosters devrait retrouver son niveau d’avant-covid l’année prochaine. Mieux encore: “Nous ambitionnons de dépasser le milliard d’euros de chiffre d’affaires vers 2025, assure François Lepot. L’entreprise est en pleine croissance. Nous engageons 15 personnes par mois: des ingénieurs, des techniciens, des usineurs, des data scientists, etc. Il y a de la place pour celui qui a envie de travailler en équipe sur des projets dynamisants, aussi bien des jeunes que des personnes expérimentées.”

Une nouvelle usine

Ceci n’empêche pas le patron de rester le plus proche possible de son personnel. “Beaucoup m’appellent par mon prénom et me tutoient. Ma porte est toujours ouverte. D’ailleurs, je rencontre chaque nouvelle personne qui entre dans l’entreprise avant la signature de son contrat ; je tiens à connaître tout le monde, pas uniquement ceux qui sont là depuis plus de 30 ans. C’est important pour travailler ensemble. Cela crée une ambiance familiale où chacun connaît l’autre, où l’on ose se dire les choses”, insiste François Lepot.

Un des éléments qui explique la nomination au titre de Manager de l’Année de François Lepot, c’est aussi la construction d’une nouvelle usine. Un investissement de 50 millions d’euros, moitié Safran, moitié public (SFPI et WE). “Nous avons lancé deux nouveaux projets durant le covid: la construction d’un banc d’essais unique au monde qui permet de tester les compresseurs de moteurs d’avion dans des conditions réelles et la construction d’une nouvelle usine à Marchin, sur un ancien site d’Arcelor Mittal, qui fabriquera des aubes de compresseurs en titane. Avec à la clé une centaine d’emplois créés”, avance François Lepot.

Dans un autre registre, le CEO a également lancé depuis son arrivée à la tête de l’entreprise une série d’initiatives en matière de développement durable, à commencer par la création d’un département entièrement dédié aux questions liées à la transition environnementale. “Aujourd’hui, tout le monde parle de développement durable ; j’y crois personnellement beaucoup, expose-t-il. Ici à Liège, le site de Safran Aero Boosters se rapproche de sa neutralité carbone. Les toits des bâtiments sont équipés de panneaux solaires. Une éolienne a été installée. Toute la société est chauffée par cogénération. Le site est une mini-réserve naturelle. Nous avons planté cinq kilomètres de haies, implanté des mares, installé des nichoirs, etc. Nous menons des projets pour le présent et pour l’avenir à tous les niveaux”, conclut François Lepot.

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“Nous utilisons L’IA pour améliorer nos produits”

“Aujourd’hui, nos machines sont capables de reconnaître des ailettes de compresseur sans se tromper. Les caractéristiques de ces ailettes sont reconnues, peu importe le fournisseur, et elles sont montées les unes avec les autres de façon optimale. Tout se passe de manière automatique.

Nous utilisons l’intelligence artificielle pour améliorer nos produits d’un point de vue technique, aérodynamique et acoustique. Par exemple, grâce à l’analyse optique. Plus largement, nous opérons une véritable digitalisation, nous sommes en train de collecter des données de toutes sortes (les ailettes sont un exemple mais il y en a plein d’autres) de façon à pouvoir optimiser nos processus de conception et de fabrication. Toutes ces données sont tellement volumineuses qu’on ne peut pas le faire sans l’intelligence artificielle. C’est l’usine 4.0. Le département digital travaille non seulement sur les données mais aussi sur tout ce qui touche à la cybersécurité. Il faut se protéger contre l’espionnage, des attaques hostiles éventuelles. Safran et sa filiale belge sont des sociétés stratégiques actives aussi dans l’industrie militaire. Nous nous devons d’être irréprochables en matière de sécurité.”

C.V.

· 1969: naissance à Liège

· 1992: ingénieur civil en aérospatial (ULiège), commence sa carrière chez Cockerill Sambre

· 1993: rejoint Safran Aero Boosters (ex-Techspace Aero)

· 2019: est nommé CEO de Safran Aero Boosters

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