Fabrice Brion (I-care): un leader mondial décidé à peser cinq fois plus

© FRÉDÉRIC SIERAKOWSKI

Toujours à la tête du groupe qu’il a cofondé, Fabrice Brion peut se targuer de diriger un leader mondial. Ce spécialiste de la maintenance prédictive compte 750 personnes et compte multiplier son activité par cinq. Tout en gardant l’humain au cœur de son développement.

Quand il assiste au Grand Prix de Spa-Francorchamps, Fabrice Brion ne se contente pas d’observer les bolides tourner. Il y puise aussi de l’inspiration. C’est ainsi que l’opération de levée de fonds menée pour I-care en 2022 à hauteur de 50 millions d’euros, était appelée en interne “l’opération Eau Rouge”, du nom du virage du célèbre circuit wallon qui fait la différence entre les amateurs et les professionnels. Le fondateur et CEO d’I-care est mordu de F1. En témoignent les photos de bolides, les casques et autres souvenirs de circuits qu’il affiche dans son bureau à Mons. Mais Fabrice Brion aime surtout les valeurs qu’il trouve dans ce sport. La performance, bien sûr. Mais aussi la recherche de durabilité. “C’est dans la F1 que l’on trouve le plus de progrès en matière d’émissions et de consommation, insiste le patron d’I-care. Les véhicules tournent toujours plus vite mais consomment de moins en moins.” Sans oublier l’humain: “il s’agit de l’un des rares sports qui combine individuel et équipe. Et il doit y avoir énormément de respect et de confiance entre les pilotes pour rouler à 300 km/h les uns près des autres”.

Ces valeurs, ce sont aussi celles que Fabrice Brion entend insuffler dans le groupe qu’il a cofondé voici quasi 20 ans et qui s’est spécialisé dans la maintenance prédictive au travers de la combinaison de capteurs (produits en Belgique) et de logiciels. La performance, il la place dans ses produits et services proposés aux clients. Elle doit être au-dessus de leurs attentes et rejaillir sur l’entreprise. Quant à l’humain, le patron porte une attention toute particulière à son personnel. Et ce n’est pas un mot en l’air: il a mis en place une I-care Academy interne pour former les équipes aux métiers, ainsi qu’une I-care University pour former certains membres du personnel à des tâches de manager, “car on privilégie l’évolution interne avant de proposer des responsabilités à des externes”, insiste Fabrice Brion. Le CEO d’I-care veut aussi impliquer ses employés dans l’actionnariat de l’entreprise et, depuis 2008, il permet aux équipes d’acheter des actions de la société.

Les initiatives pour choyer le personnel semblent fonctionner car, à en croire Fabrice Brion, I-care peut se targuer d’avoir un taux de départ assez faible et une moyenne d’âge de 32 ans.

Un secteur qui explose

“L’année passée, nous avons noté que 10% du personnel – soit environ 75 personnes sur 750 – était présent depuis 10 ans”, se réjouit-il. Quand on sait que la société employait 80 personnes à l’époque, c’est plutôt un beau score. Il faut dire que le groupe enregistre une énorme croissance ces dernières années, lui permettant de viser les 70 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023… et 100 millions en 2024.

“Nous sommes sur un secteur hyper-porteur”, avance Fabrice Brion, relativement modeste. En réalité, l’homme a eu le génie de se lancer en 2004, avec Arnaud Stiévenart (qui reste actionnaire et administrateur), sur un créneau quasi inexistant et avec une technologie qu’il a imaginée à la suite de son mémoire de fin d’études d’ingénieur. Véritable pionnier à une époque où il fallait encore éduquer un marché balbutiant, I-care est arrivé avec un produit différent et l’idée de fabriquer lui-même les capteurs. Depuis, la maintenance prédictive dans l’industrie est devenue une évidence et le marché a décollé. “Nous sommes dans le top 3 mondial”, sourit Fabrice Brion. Voire même un leader au niveau mondial car I-care possède des clients dans 55 pays, qui sont desservis au travers de 12 filiales et de quelques bureaux commerciaux. Cela lui permet de toucher de grands groupes industriels internationaux en tant qu’interlocuteur crédible, doté d’un positionnement idéal sur le marché. “Nous n’avons pas de concurrents semblables, avance le patron. Nous faisons face soit à de grandes sociétés mais qui n’ont qu’un petit département dédié à la maintenance prédictive, soit à des start- up qui n’ont pas notre taille.”

Déjà six acquisitions

Le groupe a connu une croissance phénoménale, organique, bien sûr, mais également externe. I-care a déjà racheté pas moins de six entreprises ces dernières années en Belgique (Mecotec et Cepya Electronics en Wallonie et ARG EMEA en Flandre) mais également à l’étranger comme à Rotterdam (Dutch World-class Maintenance Group) ou aux Etats-Unis (Lindsay Engineering et Technical Associates of Charlotte).

Et même s’il ne dévoile pas ses intentions sur de prochaines acquisitions, Fabrice Brion ne manque pas d’afficher son ambition: “Notre plan à cinq ans est de multiplier la taille d’I-care par cinq”. Un solide défi. “Le rôle d’un CEO est d’adapter son entreprise au futur, détaille-t-il. Et parce qu’aujourd’hui, il faut souvent se préparer à toutes les éventualités, je mise sur une entreprise souple et agile. Pour cela, je laisse beaucoup d’autonomie aux équipes et je joue la carte de la transparence en interne, tant par rapport aux risques et aux challenges de l’entreprise que sur les comptes, les ventes grâce à des communications mensuelles, la politique salariale ou de recrutement.” Il insiste aussi sur la vision que doit avoir un boss d’entreprise tech en matière d’innovation. Alors que la technologie bouge sans cesse, Fabrice Brion garde le rôle de “VP R&D”: “nous avons développé plus de technologies ces trois dernières années que les 16 précédentes”. Cultivant sa curiosité pour les évolutions techs comme pour l’entrepreneuriat, il continue à se former et a notamment suivi un programme de formation de deux ans au MIT (tout en continuant à diriger I-care) et vient de postuler pour un programme à Harvard qui le pousserait à passer deux semaines à Boston… toutes les six semaines. Preuve que Fabrice Brion aime les défis, à tous les niveaux.

© National

“L’IA est essentielle, mais l’humain doit avoir la décision finale”

“L’intelligence artificielle dont on parle énormément aujourd’hui n’a rien de très nouveau pour nous. Car en réalité, elle est présente chez I-care depuis les tous débuts. I-care est natif IA. Beaucoup de gens la craignent, mais il faut la voir comme un outil qui permet de concentrer l’intelligence humaine sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Un peu comme la calculatrice l’a été à un moment donné. Aujourd’hui, l’IA permet de réaliser tellement de choses qui seraient impossibles sans elle. Notamment dans le traitement de données qui sont de plus en plus nombreuses. Imaginez qu’en 2004, quand on a lancé I-care, nous recevions des données tous les trois mois. Aujourd’hui, nous recevons et analysons des données toutes les 15 minutes. Nous avons besoin de l’intelligence artificielle pour cela. Elle est essentielle, mais je reste convaincu que l’humain doit avoir la décision finale…”

C.V.

· 2000. Reliability Engineer chez Emerson Process Management

· 2001. Master of Engineering (M.Eng.) à la Haute Ecole Roi Baudouin

· 2003. Master in Innovative Management à l’Ecole Polytechnique de Mons2004 et création d’I-care avec Arnaud Stiévenart

· De 2016 à 2023. Six acquisitions d’entreprises à travers le monde

· Depuis 2017. Membre du conseil d’administration du pôle Mecatech

Partner Content