L’ancrage familial du groupe Van de Velde

Herman Van de Velde: 
"J’ai toujours été obsédé par la continuité. C’est ma priorité absolue."

Les familles Laureys et Van de Velde restent les principaux actionnaires de l’entreprise, créée il y a 105 ans, dans laquelle les descendants des quatrième et cinquième générations font peu à peu leur entrée.

Le spécialiste de la lingerie se débarrasse-t-il désormais de ses CEO plus rapidement qu’une femme change de soutien-gorge ? C’est sur cette question que Trends avait entamé, au début de l’an dernier, un entretien avec Herman Van de Velde, le président du conseil d’administration de l’entreprise familiale dont le siège est situé à Schellebelle, en Flandre-Orientale. Ignace Van Doorselaere, qui fut à partir de 2004 le premier co-CEO non issu de la famille, est resté en poste jusqu’en 2016, mais quatre autres capitaines se sont ensuite rapidement succédé. Karel Verlinde, qui en dirigea le département financier à partir de 2019, est à la tête du groupe depuis la fin de 2022.

Les changements sont d’autant plus frappants que l’entreprise a, on l’a vu, vécu des décennies de stabilité. Entre sa création en 1919 et la fin de 2014, trois générations à peine l’ont cornaquée. Et toutes étaient issues de la famille. “J’ai toujours été obsédé par la continuité. C’est ma priorité absolue”, avait déclaré à l’automne 2014 Herman Van de Velde au quotidien économique De Tijd.

L’histoire commence en 1919, quand le couple Achiel et Margaretha Van de Velde ouvre une fabrique de corsets. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que peu après la fin de celle-ci, la deuxième génération, dont fait notamment partie Raoul Laureys, le gendre, en prend les rênes. La décennie 1970 voit émerger la troisième génération. Herman Van de Velde, qui en est aujourd’hui encore le visage le plus connu, a débuté en 1981 ; il est resté opérationnellement actif jusqu’à la fin de 2014 avant de prendre, en 2016, la direction du conseil d’administration.


William Van de Velde, qui fait partie de la deuxième génération, a passé pas moins d’un demi-siècle (de 1947 jusqu’à l’introduction en Bourse, en 1997) à la tête de l’entreprise. Il a écrit un livre à ce sujet, intitulé Honderd jaar verleiding (Cent ans de séduction). C’est au cours de l’été 2011 qu’il a accordé sa toute première interview – au magazine Trends. Un peu étonnamment, peut-être, l’homme de 87 ans avait tenu à mettre l’accent sur la simplicité et la frugalité : “Il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers. L’abondance n’est pas une bonne chose, avait-il affirmé. L’éducation est très importante. J’ai été élevé à la dure et je me suis montré sévère avec mes enfants également. Quand la situation financière s’améliore, ce n’est pas toujours simple non plus. Un père veut toujours ce qu’il y a de mieux pour ses enfants. Et c’est là que réside parfois le danger : le rôle d’une entreprise est de créer de la richesse et, inévitablement, cette richesse se répercute sur la famille.’’

Un segment générateur de liquidités

L’introduction en Bourse, le 1er octobre 1997, a apporté la prospérité ainsi que, dans la foulée, des actionnaires non familiaux. Le prix d’introduction était de 1.575 francs belges (un peu plus 39 euros) ; les actions ont été scindées en cinq en 2006. Van de Velde paie par ailleurs de généreux dividendes grâce, une fois encore, à l’extrême solidité de son bilan. Les familles, qui ont versé leurs actions dans le véhicule de contrôle Van de Velde Holding SA, bénéficient elles aussi du flux de dividendes. Vu l’abondance des liquidités, l’entreprise a par ailleurs mis sur pied, il y a des années déjà, un programme de rachat d’actions.

L’introduction en Bourse était en partie motivée par une volonté d’élaguer. “L’IPO fut une manière élégante de donner aux membres de la famille la possibilité de se retirer et d’organiser leur succession, déclarait au cours de l’été 2011 William Van de Velde àTrends. Son but n’était pas spécialement d’attirer des fonds.” William a quitté ses fonctions opérationnelles au sein de l’entreprise à l’issue de l’opération.

Des marques haut de gamme

A l’époque, c’est la troisième génération qui dirige. Dans les années qui suivent, elle continue à développer une entreprise active dans la production de marques de lingerie haut de gamme, dont les principales sont Marie Jo (lancée en 1981), l’allemande Prima Donna et, à partir de 2008, l’espagnole Andrés Sardá.

Luc Laureys et ses cousins Herman et Karel Van de Velde ont codirigé le groupe pendant des décennies. Luc (de son vrai prénom, Lucas) y est entré en 1971, Herman, en 1981 et Karel, en 1985. Sous sa casquette de CEO, Luc était responsable de la stratégie, des ventes et du marketing. Il est resté administrateur jusqu’à l’assemblée générale d’avril 2023. Herman était directeur des opérations. Compte tenu, notamment, de ses mandats dans diverses associations destinées à promouvoir l’entrepreneuriat, il reste le visage le plus connu du public. Karel, enfin, était le créatif. Il a quitté la société en 2004, avant de revendre ses titres.

Leur sœur Greet Van de Velde a été responsable de la planification pendant 28 ans. Une autre sœur, Liesbeth Van de Velde, juriste de formation, est entrée dans l’entreprise en 1990. Elle y dirigeait la stratégie du portefeuille de marques. Membre de l’équipe de direction composée de sept personnes, elle a récemment quitté le groupe.

Un ancrage résolument familial

Ce n’est pas un hasard si ces mêmes personnes sont les principaux actionnaires de la SA Van de Velde Holding, fondée à l’été 1997, soit peu avant l’introduction en Bourse. Selon une notification qui remonte à la mi-septembre 2023, le holding détenait à l’époque 57,39 % du fabricant de lingerie. C’est à peine moins qu’en 1998, où la participation atteignait 59,72 %.

“J’aurais rêvé que ma fille suive mes traces. Mais ce n’est pas le cas. Si j’en suis triste ? Pas du tout.”

Bénédicte et Véronique Laureys, les filles de Luc, détiennent par l’intermédiaire de leur SA Ambo Holding plus de 54 % des actions de Van de Velde Holding. “A ma connaissance, elles n’ont jamais eu l’envie d’occuper de position opérationnelle dans l’entreprise”, a déclaré Herman Van de Velde lors de l’interview accordée à Trends-Tendances au début de l’an passé. Les deux sœurs n’en sont pas moins très actives en tant qu’administratrices, la première depuis 2006, la seconde, depuis 2017. Elles ont du reste des dizaines d’années d’expérience, acquise ailleurs, dans le secteur de la lingerie. Ainsi, par exemple, ont-elles tenu, à Gand, leur propre boutique, baptisée Vogue Lingerie, où elles vendaient les marques haut de gamme du groupe.

La famille possède les 45,5 % restants du holding qui chapeaute Van de Velde – principalement, par l’intermédiaire d’un autre holding sis aux Pays-Bas, dont Greet, Herman et Liesbeth sont les trois figures de proue.

Les quatrième et cinquième génération

Deux descendantes de la quatrième génération sont actives dans l’entreprise. Lien Van de Velde, la fille d’Herman, est entrée à la conception en 2007 ; elle est aujourd’hui responsable de l’innovation. Barbara Meynen, la fille de Liesbeth, a rejoint l’an dernier l’équipe marketing en tant que manager junior de la marque Prima Donna. Economiste de formation, Barbara a déjà fait ses preuves ailleurs. Lors de son entretien avec Trends-Tendances, Herman Van de Velde avait évoqué la question de la succession : “Lien n’a pas l’ambition de devenir CEO. Chaque père rêve qu’un de ses enfants suive ses traces. Mais ce n’est pas le cas. Si j’en suis triste ? Pas du tout. Mes filles ont fait leurs propres choix et mènent des carrières passionnantes. Et puis mes sœurs ont des enfants, dont plusieurs ont dans les 20-30 ans. Il se peut que l’un ou l’autre décide de suivre cette voie. Mais ça ne sera pas dans les cinq années qui viennent.”

Le conseil d’administration du holding compte en son sein une membre de la cinquième génération : Amélie Verschuere, dont la maman est Bénédicte Laureys. D’après son profil LinkedIn, Amélie est depuis peu active au sein d’Ambo Holding. Elle a par le passé effectué un stage chez Andrés Sardá, à Barcelone.

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