Dirk De Cuyper (CEO de Resilux): “Pascal Vanhalst vit sur la planète ‘entreprendre'”

Dirk De Cuyper, CEO de Resilux © Belgaimage

L’empire industriel européen de Pascal Vanhalst se développe rapidement, notamment grâce à une transaction de plus de 1 milliard d’euros conclue avec le groupe D’Ieteren. Une transaction qui met, bien contre son gré, le très discret entrepreneur sous le feu des projecteurs.

Les fortunes discrètes de Flandre

Plusieurs familles flamandes se sont constitué d’importants portefeuilles d’investissement au fil des ans. Elles font ainsi prospérer et croître notre économie. Trends-Tendances présente chaque mois une de ces familles souvent méconnues.

Abriso-Jiffy, spécialiste de l’emballage, Aalterpaint, fabricant de peintures industrielles, Resilux, producteur de bouteilles en PET, et Crombé Winehouse, cinquième génération de spécialistes en vins, champagnes et spiritueux: Pascal Vanhalst a multiplié les acquisitions l’année dernière. Il y a tout juste un an, il a cédé au groupe D’Ieteren ses 40% de participation dans TVH Parts, un distributeur de pièces détachées d’équipement industriel, agricole et de manutention. Cette opération, la plus importante jamais réalisée par le holding coté, a été valorisée à plus de 1,1 milliard d’euros dans les livres du fabricant automobile. C’est que TVH Parts (dont le siège se trouve à Waregem) est un acteur d’envergure mondiale présent dans 26 pays… et Paul Vanhalst, décédé en 2002, et son fils Pascal avaient contribué à sa phénoménale croissance.

Doté d’un véritable sens pratique, Pascal pense toujours à demain. C’est un optimiste, mais un optimiste qui a les pieds sur terre, pas un rêveur.

Dirk De Cuyper (Resilux)

Voici donc le jeune quinquagénaire, dont il n’existe pratiquement aucune photo et qui n’a jamais parlé aux médias, sous le feu des projecteurs grâce à l’opération TVH Parts. Contre son gré, à n’en pas douter: “Pascal Vanhalst a été très mécontent des articles parus à son sujet au cours de l’année écoulée, souffle un ancien administrateur d’un des ex-holdings pivots du milliardaire flamand. Il a appelé plusieurs administrateurs pour leur demander de ne plus rien dire à son propos. J’entends me conformer à son souhait. Merci de votre compréhension”.

Pascal Vanhalst ne prête pourtant pas le flanc à la critique. “Je le connais depuis au moins 20 ans, relate Kurt Vanryckeghem, bourgmestre CD&V de Waregem. C’est un super entrepreneur. Il a fait de TVH un groupe gigantesque. Il reste pourtant très simple. Il ne se met jamais en avant. On ne devine pas, à le voir, l’importance acquise par TVH sur le plan international. Comme beaucoup d’habitants du sud-ouest de la Flandre, il a les deux pieds sur terre et reste très modeste. Il n’est pas du genre à se faire remarquer mais il est d’une excellente compagnie.”

Dirk De Cuyper (CEO de Resilux):
© KURT DESPLENTER (BELGAIMAGE)

Les chevaux de Waregem

S’il a cédé ses parts dans TVH, Pascal Vanhalst a néanmoins conservé Mateco, la deuxième branche historique du groupe, qui loue et vend des engins de levage. Pascal Vanhalst a grandi parmi les chariots élévateurs, qu’il a lui-même livrés au volant des camions de l’usine, une école qui guide ses décisions actuelles. “Nous parlons la même langue. Nous avons le même parcours. Nous sommes tous deux des entrepreneurs”, résume Jan Dejonghe, l’ancien CEO d’Abriso-Jiffy. Le spécialiste de l’emballage, lui aussi situé en Flandre- Occidentale, a Pascal Vanhalst pour actionnaire majoritaire depuis l’été 2021. Jan Dejonghe a conservé 5% des actions et un poste d’administrateur. “L’entrepreneur qui a vendu sa société veut continuer à investir, commente notre interlocuteur. Laisser dormir l’argent à la banque alors que les taux d’intérêt sont négatifs n’a aucun sens. Je suis très heureux d’avoir Pascal comme actionnaire principal et je lui fais entièrement confiance. Il faut que le courant passe, notamment parce que des investissements importants continueront à être réalisés dans les entreprises. Pascal est un passionné de technique et d’innovation. Les machines et l’appareil de production n’ont aucun secret pour lui.”

Jan Dejonghe ne connaissait pas Pascal Vanhalst auparavant. “Je l’avais rencontré par hasard en 2019 lors de la Waregem Koerse, à laquelle j’assiste depuis 30 ans, étant un amoureux des chevaux. Pascal, lui, y assistait plutôt en curieux. Nous n’avions jamais entendu parler l’un de l’autre. Du reste, il ne se comporte pas du tout comme un milliardaire“, poursuit-il.

Même les syndicats…

Même son de cloche de la part des frères Dirk et Peter De Cuyper, les propriétaires de Resilux. Les trois hommes ne s’étaient jamais rencontrés. Le déclic s’est produit à l’occasion de l’offre de rachat émise par Pascal Vanhalst. Une offre à la suite de laquelle le producteur de préformes pour bouteilles en PET basé à Wetteren a été retiré de la Bourse au printemps de cette année. Les frères De Cuyper conservent toutefois 15% des actions: “Parce que nous sommes tous deux très motivés, sourit Dirk De Cuyper qui reste administrateur délégué de Resilux. Pascal Vanhalst a l’entrepreneuriat dans le sang. C’est un homme jovial et franc. Son ADN est industriel. Il vit sur la planète ‘entreprendre’. Il s’y connaît en production et en machines, il aime entendre le bruit des moteurs. Moi aussi, je suis un industriel. Doté d’un véritable sens pratique, Pascal pense toujours à demain ; c’est un optimiste mais un optimiste qui a les pieds sur terre. Il n’est ni un banquier d’affaires, ni un rêveur.”

Même ses travailleurs le trouvent plutôt à leur goût, si l’on en croit Christ Boucké, délégué syndical chez Mateco, l’autre entreprise héritée de son père. “Les relations sociales y sont excellentes, dit-il. Employeur et employés passent par la même porte. J’ai beaucoup de respect pour ce que les familles ont réalisé. Ceci dit, Pascal Vanhalst ne mène pas les négociations sociales. Il est surtout très bon sur le plan technique. On l’a donc vu très régulièrement dans l’atelier. Il a l’oeil à tout. C’est un personnage imposant mais peu bavard et à le voir, on ne dirait jamais qu’il est immensément riche. Quand il assiste à des matchs du Club de Bruges avec un de ses ouvriers, il est simplement assis à côté dans les tribunes.”

La troisième génération

Deux des entreprises de Quva sortent quelque peu du lot: la PME Aalterpaint, d’Aalter, et le négociant en boissons Crombé, à Courtrai. Aalterpaint produit des peintures industrielles utilisées pour la rénovation et la protection ainsi que contre la corrosion. Crombé est un spécialiste en vins, champagnes et spiritueux sur le marché depuis cinq générations. “Nous avons acheté ces sociétés en concertation avec Frédéric et Margaux, deux des enfants de Pascal et Kathy, précise Jan Nelissen. Ce sera leur première expérience dans ce milieu. Ils seront impliqués dans différentes choses, comme les relations avec la clientèle, les négociations avec le personnel et les fournisseurs, ou encore l’organisation du commerce électronique. Ils disposeront ainsi d’une base large et polyvalente pour développer leur carrière. Les petites entreprises sont riches en enseignements car on y est confronté à tout.”

Margaux a étudié l’agencement intérieur et Frédéric, l’économie dans plusieurs universités étrangères. Olivier, le deuxième fils du couple, étudie la médecine. “Les enfants voudront-ils continuer à gérer ensemble la société d’investissement en siégeant au conseil d’administration? Souhaiteront-ils s’impliquer dans le quotidien, comme le fait leur père actuellement? Ou jouer un rôle de premier plan dans une des entreprises? Tout est possible. Ils doivent surtout faire ce qu’ils aiment”, commente Jan Nelissen.

Selon Jan Dejonghe, l’acquisition de Crombé est en partie un coup de coeur: “Pascal est amateur de bons vins, comme moi. Il aime les très bons vins français. Surtout les bordeaux, grands crus classés et premiers grands crus classés. Aucun château en particulier ne domine. Il y a quelque temps, nous avons dégusté chez lui un fantastique châteauneuf- du-pape blanc”.

Dirk De Cuyper (CEO de Resilux):

“Vers l’avenir et au-delà”

Le holding pivot par le biais duquel Pascal Vanhalst gère ses actifs s’appelle Pava Holding, une S.A. de droit belge dont les capitaux propres et le bilan se sont considérablement accrus ces deux dernières décennies (voir “Le holding Pava en chiffres” plus bas). Sous le holding se trouvent les sociétés d’investissement proprement dites, baptisées Quva, abréviation formée par les premières lettres des noms Vanhalst et Quidousse, pour Kathy Quidousse, l’épouse de Pascal. Il existe une Quva en Belgique et une au Luxembourg, et toutes deux ont des bureaux là où les investissements font l’objet d’un suivi. Le dynamisme de la S.A. belge est évident: depuis sa création en avril 2021, le holding intermédiaire a levé 700 millions d’euros en deux augmentations de capital.

Jan Nelissen, CEO de Quva
Jan Nelissen, CEO de Quva© KURT DESPLENTER (BELGAIMAGE)

Pascal Vanhalst a confié le poste de CEO de Quva à Jan Nelissen (51 ans) qui, employé par BNP Paribas Fortis pendant plus d’un quart de siècle, a été le banquier attitré de TVH ces 15 dernières années. Ça crée des liens. Et contrairement au milliardaire, Jan Nelissen s’exprime: “Que l’on parle de nos entreprises, cela ne nous pose aucun problème. Mais la famille n’a pas de valeur informative. Pascal Vanhalst trouve le sujet totalement insignifiant. Certains hommes d’affaires tirent leur énergie de leur présence dans les médias. Ce n’est pas le cas de Pascal. Son attention est exclusivement consacrée à ses entreprises”. Jan Nelissen salue lui aussi les compétences techniques de son employeur. “Il a l’art de repérer les machines où quelque chose cloche. Si le capot d’un chariot élévateur est ouvert, il va immanquablement y mettre le nez. Il adore l’activité dans les usines. Il puise son énergie et est heureux quand il travaille avec les gens et les entreprises. Je ne pense vraiment pas qu’il préférerait se prélasser au bord de la Méditerranée (rires).”

Le fonds d’investissement Quva ne fonctionne pas du tout comme les fonds de capital-risque qui achètent généralement des entreprises pour les revendre après quelques années moyennant, en principe, une jolie plus-value. “Nous n’assortissons nos investissements d’aucun critère de durée, souligne Jan Nelissen. Quva investit pour des générations. Nous sommes tournés vers l’avenir, et même au-delà. Nous cherchons à développer davantage les entreprises. Nous procédons également à des acquisitions supplémentaires pour celles que nous détenons en portefeuille.”

Dirk De Cuyper (CEO de Resilux):

L’inventaire du fond Quva

Quva met résolument l’accent sur l’industrie, plus précisément sur des leaders du marché ou sur des numéros 1 dans un secteur particulier. Et toujours en Europe. “Nous n’achetons pas de sociétés qui fabriquent des produits de grande consommation. Nous faisons le choix de produits destinés aux utilisateurs professionnels. Le siège central doit en outre se trouver dans un pays où la direction parle une langue que nous maîtrisons, comme le Benelux, les pays germanophones, le Royaume-Uni, voire la Scandinavie. Mais nous avons évidemment des filiales dans des pays dont nous ne parlons pas la langue.”

Quva gère cinq grandes entreprises, dans lesquelles le fonds est très actif. “Nous procéderons peut-être à une ou deux autres acquisitions majeures mais nous ne voulons pas gérer un nombre trop élevé de sociétés”, souligne Jan Nelissen. La participation la plus ancienne reste donc Mateco, qui loue et vend des nacelles élévatrices pouvant atteindre 65 m de hauteur et 45 m de déport. Mateco, qui conclut plus d’un demi-million de contrats de location par an, opère surtout en Europe mais aussi au Chili, au Mexique et au Panama. Ses 2.500 employés génèrent un chiffre d’affaires de 600 millions d’euros. Patrice Vanhalst (55), le frère de Pascal, est gérant d’une des filiales de Mateco en Belgique: il s’agit de TVH Equipment, une joint- venture créée avec les Thermote, l’autre famille à l’origine de TVH.

Pascal Vanhalst puise son énergie et est heureux quand il travaille avec les gens et les entreprises.

Jan Nelissen, Quva

Quant à la société Abriso-Jiffy, basée à Anzegem (Flandre-Occidentale) et acquise il y a un an et demi, elle est le plus grand producteur de papier bulle d’Europe. Elle compte 17 usines dans 12 pays d’Europe et fabrique également des panneaux isolants pour le secteur de la construction. Elle publie un chiffre d’affaires de 290 millions d’euros et emploie 1.700 personnes.

L’acquisition de Resilux, elle, a été signée au printemps. Le producteur de préformes pour bouteilles en PET situé en Flandre-Orientale possède des usines dans neuf pays d’Europe et aux Etats-Unis. Il a achevé l’exercice 2021 sur un chiffre d’affaires de 431 millions d’euros. Il emploie 950 personnes et les De Cuyper, ses fondateurs, sont restés à bord après l’acquisition.

Dirk De Cuyper (CEO de Resilux):

L’investissement dans Suspa, en Allemagne, est déjà plus ancien puisqu’il remonte à 2018. Suspa fabrique des ressorts à gaz, des amortisseurs (pour les ouvrants de coffres, par exemple) et des amortisseurs d’accident. Basée à Nuremberg, en Bavière, la société réalise un chiffre d’affaires de 270 millions d’euros et emploie 1.800 personnes.

La dernière des cinq grandes entreprises est la néerlandaise ConDoor Door Solutions, qui fabrique des portails industriels et des portails spéciaux pour les habitations privées. ConDoor réalise un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros et emploie 550 personnes.

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