Café Miko: “Dans une entreprise familiale, on se sent toujours un peu observé”

FRANS VAN TILBORG “La structure a certes un côté prison. Mais les actions restent négociables.” © EMY ELLEBOOG

Coté en Bourse et basé à Turnhout, le producteur de café Miko appartient à une famille qui compte pas moins de 10 branches. Ce qui lui réussit à merveille. Les descendants se satisfont même d’un dividende relativement faible. Frans Van Tilborg, le CEO de l’entreprise, explique l’intérêt de cette structure.

Bien qu’il appartienne à la sixième génération, Frans Van Tilborg, 57 ans, préfère se considérer comme un descendant de la troisième génération. Lors de notre visite, l’administrateur délégué du spécialiste du café Miko nous fait entrer dans une vaste salle de réunion, dont un portrait peint de Frans Michielsen senior orne le mur. “Frans senior a racheté leurs parts à ses frères et sœurs et a eu cinq filles et cinq fils, détaille-t-il. Nous en sommes tous des descendants. Mais ma mère disait toujours: ‘nous sommes onze’. Une des enfants est morte en bas âge. Elle s’appelait Hedwige…”

L’influence de Frans Michielsen senior, père de Frans junior (voir l’arbre généalogique en page 48), se fait toujours sentir aujourd’hui. “Mon grand-père était bien plus qu’un brillant homme d’affaires, poursuit notre hôte. Il était profondément catholique. Il a voyagé dans le monde entier pour lever ses interrogations au sujet du catholicisme: était-ce vraiment la meilleure religion qui soit? Il a visité des temples hindous et rencontré des bouddhistes. Il avait accroché cette maxime au mur de son bureau: ‘Même si je savais que la fin du monde était pour demain, je planterais un arbre’. Il faut continuer à croire et à prendre des initiatives. La famille a adopté cette valeur.” Aujourd’hui, le facteur religieux ne fait plus partie des forces motrices de Miko. “Mais cela ne veut pas dire que nous sommes tous devenus non croyants”, précise Frans Van Tilborg.

Nous parlons à 10 membres de la famille, pas à 100 personnes. Cela évite de faire de l’entreprise une tour de Babel.

“L’art était son hobby, poursuit le CEO en parlant de son grand-père. Il pouvait passer une semaine à parler d’une œuvre. Il organisait des présentations, qu’il illustrait au moyen de diapositives. L’Agneau mystique était un de ses chefs-d’œuvre préférés. Il en commentait tous les détails, ses dias à l’appui. Vous voyez, il était bien plus qu’un torréfacteur et un vendeur de café. Il faisait preuve d’un extraordinaire éclectisme.”

Dix actionnaires

Frans Michielsen senior est entré dans l’entreprise en 1930. L’actuelle Miko S.A. remonte à fin 1937 ; son capital social s’élevait alors à 140.000 francs belges (137.000 euros actuels). Elle s’était donné pour objet social l’activité de torréfaction et le commerce du café et de produits connexes au sens large. C’est encore le cas aujourd’hui: Miko est un “groupe spécialisé dans le service café”, indique le communiqué de presse qui accompagne les résultats annuels de 2022. Fin 1970, son bilan s’élevait à 95 millions de francs (15.275.000 euros d’aujourd’hui). Lors de l’introduction en Bourse, fin 1998, elle était valorisée à 42 millions d’euros environ. Sa capitalisation boursière dépasse actuellement 102 millions d’euros.

© EMY ELLEBOOG

Dans ce contexte de croissance continue, l’actionnariat demeure plutôt stable. Les 10 enfants de Frans Michielsen senior et/ou leurs descendants sont toujours actionnaires. La famille contrôle environ 55% des titres, par le biais de deux holdings familiaux: la stichting administratiekantoor Okim, aux Pays-Bas, et la SA Imko Holding, en Belgique.

Nous l’avons dit: la famille perçoit des dividendes relativement modestes. Imko Holding, qui détient près de 24% de Miko, a versé 175.423 euros en 2018, soit un peu plus de la moitié des bénéfices nets. Un montant qui doit bien sûr être réparti entre les 10 branches. Pour les exercices 2019 à 2021, la crise sanitaire a empêché tout versement de dividende.

Cette parcimonie est en partie due à une politique d’ancrage résolue, dont la structure a été élaborée par Frans Michielsen senior. Chacun des 10 enfants s’était vu attribuer une même participation. Les membres de la famille peuvent vendre des actions, à condition de satisfaire à des règles très strictes. Le pourcentage qui peut être cédé par année est plafonné. Les titres font en outre l’objet d’une décote par rapport à leur cours de Bourse. “Pour pouvoir les racheter, le holding met en réserve une part considérable de ses bénéfices annuels”, détaille Frans Van Tilborg. Ce qui explique le faible montant des dividendes distribués. Fin 2021, la SA Imko Holding disposait de 2 millions d’euros en équivalent de trésorerie. Il est en fait rare que cette réserve soit sollicitée. Cela s’est produit une fois à l’été 2007 et une autre, à l’automne 2021. “La famille tient à cet ancrage, souligne le CEO. Il n’est d’ailleurs pas seulement familial: nous voulons aussi que l’entreprise reste à Turnhout. La majorité d’entre nous est favorable à cette rigueur. Si les dividendes devaient croître trop rapidement, la réserve ne suivrait pas, si bien que l’entreprise pourrait passer dans les mains de tiers. Même si en cas d’offre extérieure, les 10 branches devraient donner leur aval. Je doute qu’un jour, une majorité d’entre nous ne croie plus en la pertinence de la structure. Celle-ci a certes un côté prison, mais les actions restent négociables, alors qu’avant l’introduction en Bourse, le mécanisme n’existait pas et rien ne pouvait être vendu.

102 millions

En euros, la capitalisation boursière de Miko. Pour 42 millions d’euros lors de l’introduction en Bourse, en 1998.

Fête de famille

La famille compte aujourd’hui plus d’une centaine de personnes. Les holdings belge et néerlandais sont gérés par 10 administrateurs, chacun issu d’une des branches. “Cela évite de faire de l’entreprise une tour de Babel, approuve Frans Van Tilborg. Nous parlons à 10 personnes, pas à 100.”

Une grande fête est organisée une fois par an, toujours le week-end le plus proche du 13 septembre, date de naissance de Maria De Meersman, l’épouse de Frans Michielsen senior. Maria De Meersman a été présidente du conseil d’administration de Miko de 1974 à 1998. “La fête de famille annuelle réunit toutes les générations. Même les enfants de huit à 10 ans, surnommés les Miko Kids. Nous essayons de rassembler le plus de monde possible ; 70 à 80 personnes se déplacent généralement, ce qui est assez extraordinaire. A cette occasion, nous présentons toujours l’entreprise. L’assemblée générale du mois de mai est évoquée également – mais sur un ton plus ludique, pour ne pas ennuyer les très jeunes. Nous arrivons vers midi, et commençons par un apéritif. Viennent ensuite la présentation, puis le barbecue et le dessert. Une aire de jeux est installée pour les enfants. Rien de tout cela n’est trop compliqué.”

© National

Parents

Parmi les sept administrateurs de Miko, quatre sont des membres de la famille. C’est le cas du président du conseil d’administration, Bart Wauters (47 ans). Quatre descendants sont par ailleurs actifs dans l’exploitation. Frans Van Tilborg travaille dans l’entreprise depuis 1992. Deux cousins siègent au comité de direction: Stijn Michielsen est directeur des exportations et Karl Hermans, directeur général de SAS Groep, qui produit des marques de distributeur. Quant à Frank Michielsen, il est actif dans la logistique. “Mon grand-père m’appelait très souvent, se souvient Frans Van Tilborg. Il voulait que je vienne travailler chez Miko. J’ai encore des tonnes de lettres de lui, très joliment écrites, qui m’invitaient instamment à entrer dans l’entreprise.”

Pour les générations suivantes, les règles ont été durcies. “Une fois leurs études terminées, nos jeunes ne peuvent pas entrer immédiatement chez Miko: ils doivent d’abord acquérir de l’expérience ailleurs, de préférence à l’étranger. Ceux qui postulent ensuite sont soumis à une procédure de sélection très stricte. Il faut aussi, bien entendu, qu’une fonction soit disponible: il n’est pas question de créer des postes juste pour eux. Et il ne peut y avoir qu’une seule personne par branche.”

Frans Van Tilborg a trois fils. “Ils ne travailleront pas chez Miko. Je ne les y pousse d’ailleurs pas. Mieux vaut qu’ils se construisent leur propre carrière. Peut-être se sent-on plus obligé de produire des résultats dans une entreprise familiale. On a toujours un peu l’impression d’être observé. Ailleurs, la pression n’est sans doute pas aussi intense.”

Doublement centenaire

Miko a été fondée en 1801 aux Pays-Bas

Le nom de l’entreprise est l’abréviation de “Michielsen” et “Koffie”

• Café pour bureaux, entreprises, horeca et institutions

Active dans 12 pays

A clos 2022 sur un chiffre d’affaires de 267 millions d’euros et un résultat d’exploitation de 3 millions d’euros

C’est aux Pays-Bas, en France et en Belgique que Miko réalise la plus grande partie de son chiffre d’affaires

Une entreprise de torréfaction ouvrira l’an prochain à Turnhout

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