La Wallonie veut encourager les femmes à entreprendre: “Il faut continuer à croire en ses passions malgré les obstacles”

Amélie Maton, CEO d’Ecosteryl, Euphrasie Mbamba, fondatrice de la chocolaterie Sigoji et Margaux Brancart, cofondatrice de BCM2.

Le SPW Économie lance une campagne pour encourager les femmes à se lancer dans l’entrepreneuriat. L’objectif est de stimuler la création d’entreprises en Wallonie en renforçant la confiance des femmes qui se heurtent encore trop souvent à des obstacles dans leurs ambitions entrepreneuriales.

L’entrepreunariat féminin progresse dans le sud du pays. Actuellement, la Wallonie compte 127.932 femmes entrepreneures, ce qui représente 55,1% d’entrepreneures à titre principal. Le reste exerçant à titre complémentaire (35,7%) ou après la pension (9,2%) selon les derniers chiffres de l’Inasti. Au niveau national, les femmes représentent aujourd’hui 35,5% des entrepreneurs indépendants et aidants.

Les femmes sont les plus actives dans trois secteurs d’activité : les professions libérales, le secteur du commerce et le secteur des services. Malgré cette percée notable dans l’entrepreneuriat féminin en Wallonie au cours des cinq dernières années, avec une augmentation de 14% du nombre de femmes indépendantes par rapport à 8% chez les hommes, des obstacles subsistent. Les femmes entrepreneures rencontrent encore des freins et des défis importants tout au long de leur parcours. 

Bien que les mentalités évoluent, ces entrepreneures sont souvent confrontées à des croyances limitantes. Dans ce contexte, 60% des femmes n’osent pas se lancer en raison d’un manque de confiance en elles. D’autres freins persistent dans le lancement ou la gestion de leur société, tels que la prospection de nouveaux clients, la difficulté ou la peur de facturer correctement leurs prestations, une attitude qui résulte du ”syndrôme de l’imposteur”. Citons encore un manque de soutien de l’entourage, ou encore, la gestion de la charge mentale, souvent encore plus lourde à porter chez les femmes que chez les hommes. D’où un besoin important de flexibilité pour concilier vie professionnelle et vie privée au quotidien.  

L’inconfort de la dualité fait partie de l’entrepreunariat féminin

Julie Denis, psychologue spécialisée dans le coaching des entrepreneurs

L’inconfort de la dualité fait partie de l’entrepreunariat féminin. La femme entrepreneure ressentira toujours cette culpabilité de ne pas être présente au foyer quand elle travaille et inversement de ne pas s’occuper de son entreprise quand elle s’occupe de ses enfants”, commente Julie Denis, psychologue spécialisée dans le coaching des entrepreneurs et fondatrice de Nazali.  Selon une étude de Woman Equity, les femmes sont pourtant plus aptes à gérer leur temps que les hommes. On remarque aussi que quand les femmes se lancent dans un business, elles le font de manière plus réfléchie. Chaque euro qu’elles y investissent est compté. Une prudence qui, au final, les mène moins souvent à la faillite, selon les statistiques.  

La méthode des « petits pas »  

Les défis encore rencontrés par les femmes, bien que complexes, sont surmontables avec le bon soutien et les bonnes ressources. Pour Julie Denis, il est important d’inclure la partie psychologique dans un tel projet. La spécialiste propose plusieurs pistes. « Pour s’épanouir pleinement, les femmes peuvent mettre plusieurs choses en place. D’abord, se recentrer sur elles-mêmes, mettre l’accent sur leurs aspirations, leurs besoins et leurs valeurs. Cela favorise l’autovalidation plutôt que de rechercher une validation externe. Ensuite, elles peuvent adopter la méthode des ‘petits pas’ pour passer à l’action. Face à la complexité de la question de notre valeur et de notre position, avancer graduellement permet d’éviter la panique tout en permettant de découvrir ce qui nous convient réellement. L’action engendre la confiance en soi, créant ainsi un cercle vertueux d’empowerment féminin » commente la psychologue. 

“L’action engendre la confiance en soi, créant ainsi un cercle vertueux d’empowerment féminin »

Julie Denis, psychologue spécialisée dans le coaching des entrepreneurs

 « Croire en ses passions »  

(De g.à dr). Valérie Thys (modératrice), Béa Ercolini, fondatrice du cercle d’affaires féminin BeaBee, Amélie Alleman, fondatrice de l’agence de recrutement Betuned ; Amélie Matton, CEO d’Ecosteryl ; Euphrasie Mbamba, fondatrice de la chocolaterie Sigoji ; et Margaux Brancart, co-fondatrice de BCM2.

Plusieurs entrepreneures et cheffes d’entreprise réunies lors d’une table ronde organisée par le SPW Wallonie sur la thématique témoignent de ces difficultés à gérer de front vie de famille et vie de dirigeante. “Il est important d’être bien épaulé par son entourage lorsqu’on a des enfants en bas âge et qu’on occupe un poste à responsabilité. Je ne comprends toujours pas pourquoi le congé de paternité n’est pas aussi long que celui des mères en Belgique”, avance Amélie Matton, CEO d’Ecosteryl et mère de trois enfants de 9, 6 et 2 ans. “Il ne faut pas non plus hésiter à sous-traiter des tâches même si cela représente un certain budget‘”, conseille-t-elle.

Pour le CEO de la société montoise, devenir maman a changé sa manière de travailler, mais de façon positive. “Je voyageais énormément puisque j’ai créé le département commercial de l’entreprise, j’ai levé le pied dans les voyages et cela a été une opportunité puisque j’ai repris les département techniques. Cela m’a permis d’élargir mes compétences. »

Même son de cloche du côté d’Amélie Alleman, fondatrice de l’agence de recrutement Betuned qui a dû jongler avec son rôle de dirigeante et de maman, sans négliger ses responsabilités. “A un moment, nos bureaux étaient équipés comme une crèche car je n’avais pas trouvé de place pour mon bébé”, se souvient-elle en rigolant.  

“Il ne faut pas hésiter à sous-traiter des tâches même si cela représente un certain budget.”

Amélie Matton, CEO d’Ecosteryl

Ténacité et audace

”Ce que j’aime en tant qu’entrepreneure, c’est la créativité dont je peux faire preuve tous les jours sans limites”, explique, de son côté, la jeune Margaux Brancart, cofondatrice de BCM2. “Il faut pouvoir dépasser ses peurs, croire en ses rêves et ses passions, malgré les nombreux obstacles sur le chemin”, témoigne Euphrasie Mbamba, fondatrice de la chocolaterie Sigoji. Béa Ercolini, fondatrice du cercle d’affaires féminin BeaBee, met en avant l’importance d’un bon réseau qui peut faire gagner un temps extrêmement précieux quand on rencontre les bonnes personnes au bon moment. “Une bouée de sauvetage qui m’a permis de casser les plafonds de verre et de franchir de nombreuses étapes”, confirme Euphrasie Mbamba. Toutes ces dirigeantes évoquent de façon unanime la ténacité et l’audace nécessaires pour réaliser leur projet et garder foi en leur passion, tout en montrant une certaine humilité dans leurs propos. 

Il faut pouvoir dépasser ses peurs, croire en ses rêves et ses passions, malgré les nombreux obstacles sur le chemin

Euphrasie Mbamba, fondatrice de la chocolaterie Sigoji

A l’approche des élections, les intervenantes à la table ronde lancent quelques appels du pied aux politiques. Elles se plaignent notamment des démarches administratives parfois laborieuses pour obtenir un subside auprès de la Région. “C’est décourageant car l’argent dont on peut bénéficier, on le perd parfois en temps à remplir le dossier”, regrette Amélie Matton. “Lors du lancement de sa boîte, il faudrait aussi pouvoir bénéficier d’un statut spécial d’entrepreneure, en ayant droit à des aides similaires à celles octroyées aux étudiants qui lancent leurs activités”, propose la chocolatière Euphrasie Mbamba. “Au niveau financier, en tant qu’indépendante, ce n’est pas toujours facile avec un taux de taxation aussi élevé en Belgique”, ajoute-t-elle.

Julie Denis (psychologue) et Lionel Bonjean du SPW.

Un écosystème plus inclusif  

Afin de favoriser un écosystème entrepreneurial plus inclusif et diversifié, ainsi que renforcer la confiance en soi des femmes désireuses de se lancer dans l’entrepreneuriat, le SPW Économie Emploi Recherche lance cette semaine la campagne « Elle, c’est vous » dans quelques grandes villes wallonnes. Les annonces se déclinent sous deux formes : des affiches miroirs, où chaque passante peut y voir son reflet avec un slogan motivant, et des annonces mettant en lumière des femmes entrepreneures aux projets variés. “A l’aide ces phrases inspirantes, les futures potentielles entrepreneures peuvent renforcer leur confiance par identification”, explique Charlotte Verdun, du département du développement économique au SPW Économie Emploi Recherche qui a planché sur la campagne.

« Nous croyons fermement au potentiel entrepreneurial des femmes en Wallonie. Briser les barrières et les encourager à se lancer, c’est une étape importante vers la création  d’un écosystème entrepreneurial plus inclusif et diversifié”, plaide pour sa part Lionel Bonjean, Directeur Général du SPW Économie Emploi Recherche. Son ambition: viser la parité dans un futur proche.

Le SPW Économie Emploi met également en avant les outils mis à disposition de chaque entrepreneur en Wallonie pour l’aider à monter son business. “Il existe de nombreuses aides, comme les chèques-formation, les chèques-entreprises, des services de mentorat, des programmes de soutien, … dont les personnes qui désirent se lancer n’ont pas toujours connaissance pour démarrer leur projet”, détaille Catherine Plunus, Responsable Accompagnement Croissance chez Wallonie Entreprendre. Cette dernière met aussi en avant l’initiative du gouvernement wallon qui a lancé l’été dernier un “clubs de repreneures” 100% féminin, afin de sensibiliser les femmes aux enjeux de la transmission d’entreprise en Wallonie. Enfin, le SPW rappelle l’existence de la plateforme 1890.be, un guichet unique regroupant toutes les informations sur ces ressources utiles.  

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