La vogue des micro-brasseries belges

Beaucoup de brasseurs obtiennent des marges entre 5 % et 10 % même si elles peuvent atteindre 14 % pour les trappistes Westmalle, 16 % pour Boostels (Karmeliet, Kwak) et même 20 % pour Lindemans, le deuxième producteur de lambic derrière AB InBev et sa gamme Belle-Vue. L’entreprise profite, entre autres, d’une politique d’exportation développée depuis plus de 30 ans, qui représente 55 % des ventes, surtout vers les Etats-Unis et la France.
Duvel Moortgat qui est un peu la reine des bières spéciales en Belgique, brasse une gamme qui va de la Duvel à la Chouffe, en passant par Maredsous ou Liefmans. Elle dégageait en 2011 une marge nette sur les ventes de plus de 13 % et un Ebitda (bénéfice avant intérêt, taxes et amortissements) de 30 %.
La brasserie des légendes à Ath (Quintine, Hercule, Gouyasse)mise sur le combo gagnant: visite du site, dégustation, boutique.
La loi des économies d’échelle joue pour les bières spéciales, mais le prix de vente plus élevé permet de vivre avec des quantités modérées. “Disons qu’il faut arriver à 2.000/3.000 hectolitres pour faire tourner une petite brasserie”, estime Pierre Delcoigne, qui a fondé la Brasserie des Légendes à Ath (Quintine, Hercule, Gouyasse). Il a racheté en 2006 la Quintine, dont l’amortissement du goodwill pèse encore sur son bilan, d’où une petite perte. Il dépasse à présent les 7.000 hectolitres et réalisait l’an dernier 2 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Les dernières générations de managers ont su profiter de la vague des bières nouvelles pour relancer la production, parfois avec des bières au nom sulfureux comme Delirium Tremens (Brasserie Huyghe) ou en jouant à fond la carte du local et artisanal.
La Brasserie Bosteels à Buggenhout (Kwak, Tripel Karmeliet, Deus) ou encore, la Brasserie Dupont à Tourpes (Moinette, Saison Dupont,…), dans le Hainaut, misent sur la carte locale et artisanale. Elles connaissent une excellente progression. “Nos ventes ont quasiment triplé ces 10 dernières années”, indique Olivier Dedeycker, gérant de la Brasserie Dupont, qui réalise une croissance des ventes de 9 % à 15 % par an, “autant sur le marché national qu’à l’international.”
Les brasseries nouvelles misent sur la proximité, le côté artisanal. La réussite de la brasserie d’Achouffe (Chouffe) est la référence du genre. Fondée en 1982 dans une étable, elle s’est imposée tant et si bien qu’elle a été rachetée en 2006 par Duvel Moortgat. Peu avant le rachat, elle dégageait une marge nette de plus de 18 % sur les ventes pour une production de 25.000 hectolitres. Achouffe constitue la formule gagnante des bières spéciales : une petite brasserie dans un coin agréable, ouverte au public, avec visite (payante), taverne et boutique.
Le brasseur idéal ne fabrique que sa propre bière. Dans les faits, certains produisent pour d’autres, et inversement. Le modèle du genre est la Brasserie du Bocq, connue pour sa Gauloise, sa Blanche de Namur ou sa Triple Moine (rebaptisée Deugniet en Flandre). A la Brasserie du Bocq, ce sont à présent les bières maison qui prospèrent, notamment la Blanche de Namur, appréciée jusqu’en Russie. La brasserie dégage une marge nette supérieure à 8 % et un chiffre d’affaires en croissance régulière.
La Brasserie de Bastogne, qui produit la Troufette et la Bastogne Pale Ale, a été lancée fin 2008 par Philippe Minne et Philippe Meurisse. Leur brasserie reste encore modeste (600 hectolitres en 2012). Elle doit sa bonne marge bénéficiaire (16 % sur les ventes en 2011) au bénévolat des brasseurs…
John Martin, grand acteur belge sur le marché des bières spéciales avec 200.000 hectolitres et 13 marques, préfère faire produire à l’extérieur. Cela tient à l’origine de l’entreprise, l’importation de bières britanniques en Belgique depuis 1909, qui a débouché sur des productions adaptées aux palais belges : la Guinness Special Export ou la Martin’s Pale Ale. Dans certains cas, la production maison demeure toutefois un solide argument de vente. Donc la filiale Timmermans brasse sa lambic elle-même et fait même visiter la brasserie. Une autre bière, la Bourgogne des Flandres, sera bientôt produite à Bruges dans une micro-brasserie.
Un dernier convaincu par le succès des micro-brasserires: Jean-Marie Rock, directeur technique de la brasserie d’Orval. Il partira à la retraite en octobre prochain. Enfin, à la retraite, c’est une façon de parler : il va créer une brasserie à Bouillon. “Je vais surfer sur la vague des bières spéciales”, sourit celui qui a forgé le goût actuel de la trappiste Orval.
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