John Cockerill, l’arbre qui cache la forêt

Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Le tsunami de faillites post-covid n’a pas eu lieu. Au contraire, pourrait même-t-on dire. Les entreprises belges ont fait preuve de résilience. Quelques portraits le démontrent. Avec l’hydrogène ou la décarbonation de l’acier, John Cockerill montre la voie des marchés d’avenir. Ces ambitions planétaires n’empêchent pas un ancrage et des partenariats régionaux. Au contraire.

La société liégeoise d’ingénierie John Cockerill a annoncé ces dernières semaines deux nouveaux partenariats particulièrement ambitieux. L’un vise à offrir des solutions intégrées pour la production d’hydrogène vert (avec le groupe français Technic Energies), l’autre entend décarboner la production d’acier en réalisant une électrolyse du fer à basse température, avec l’appui du groupe ArcelorMittal. L’entreprise se place ainsi en première ligne sur deux grands enjeux industriels d’avenir. “Nous sommes le leader mondial dans le domaine de l’électrolyse et nous construisons tout notre projet stratégique pour le rester”, explique Michel Vanhaesbroucke, responsable de la stratégie chez John Cockerill.

Cette ambition ne devrait pas profiter uniquement à l’entreprise mais bien percoler sur tout un tissu liégeois, wallon, belge. A nouveau grâce aux partenariats. “Dans le secteur de la défense, nous sommes des intégrateurs, poursuit Michel Vanhaesbroucke. Oui, nous soudons des tôles, mais nous intégrons surtout des composants produits par d’autres. Nous avons ainsi une belle capacité d’entraînement sur le tissu régional. La résilience des entreprises belges est, je pense, notamment liée au fait que nous pouvons compter les uns sur les autres.” Il est par ailleurs convaincu que si John Cockerill se distingue aujourd’hui dans le monde de l’hydrogène, c’est notamment parce que depuis 200 ans, “l’entreprise est immergée dans un tissu industriel et académique construit autour de la métallurgie”.

© PG

“Quand on innove, c’est rarement tout seul.” MICHEL VANHAESBROUCKE

Les électrolyseurs, c’est en effet aussi de la métallurgie. “Plus largement, quand on innove, c’est rarement tout seul, prolonge notre interlocuteur. Le défi, c’est de réussir à inclure les innovations des autres dans ses propres produits. Dans nos électrolyseurs, il y a des pièces en inox, des membranes en polymère, de l’électronique, la déminéralisation de l’eau. Plus vous fabriquez des produits complexes, plus vous avez besoin de collaborations, peu importe la taille de votre entreprise.”

Relocalisation

John Cockerill, avec donc ses multiples partenaires, se retrouve logiquement en première ligne dans les stratégies actuelles de relocalisation de l’industrie. Mais qu’on ne s’y trompe pas: si le groupe entend bien continuer à faire de la région liégeoise son centre névralgique (centre de décision, recherche, production), il ne faudrait pas interpréter cela comme un repli à l’intérieur des frontières, fussent-elles continentales.

Nos ambitions sont mondiales et cela implique d’avoir des usines sur tous les continents, affirme Michel Vanhaesbroucke. On peut à la fois créer de l’emploi en Belgique et investir à l’étranger. Rapprocher la production de ses marchés est toujours utile. Quand vous sortez des électrolyseurs de 60-70 tonnes, vous n’avez pas envie qu’ils fassent le tour du monde avant d’arriver chez le client.” Il souligne avec perspicacité que c’est le modèle de développement privilégié des grandes entreprises belges, de Carmeuse à Besix en passant par Lhoist, Deme ou Jan Denul, qui investissent également à l’étranger. “Cela nous rend moins sensible aux soubresauts conjoncturels”, conclut notre interlocuteur. Et c’est peut-être aussi une explication à la résilience des entreprises belges.

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