En route pour l’e-facturation

LA FACTURE ÉLECTRONIQUE est soumise aux mêmes règles et offre la même valeur juridique que son homologue sur papier. © Getty Images

La facturation électronique est en marche dans les entreprises. Déjà d’actualité pour les transactions avec les pouvoirs publics, elle sera à terme mise en place pour les échanges entre entreprises. Autant s’y préparer dès maintenant en connaissance de cause.

“Actuellement, quand on recherche sur le net des informations sur la facturation électronique, notamment pour tout ce qui concerne les aspects légaux et obligatoires, on en trouve relativement peu et de manière fragmentée, constate d’emblée Marco Eeman, directeur général de BillTrust Europe, société spécialisée dans les services de payement électronique. Les autorités ne communiquent pas assez sur cette question alors que la facturation électronique devient obligatoire un peu partout en Europe.”

A leur décharge, mentionnons que si cette dernière est inexorablement en marche, elle progresse à des rythmes variables selon les pays, voire les Régions en ce qui concerne la Belgique. A cette réalité s’ajoute le fait qu’elle s’inscrit également chez nous dans une démarche plus globale de réforme fiscale, qui peine à voir le jour. Pourtant, voilà bientôt 10 ans que la Commission européenne a donné l’impulsion en la matière, par le truchement de sa directive 2014/55.

L’Europe de l’économie digitale

Ce texte européen concerne la facturation électronique dans le cadre des marchés publics et impose aux adjudicateurs de recevoir et d’envoyer des factures électroniques conformes à la norme européenne. Celle-ci a pour but d’harmoniser les solutions techniques propres à chaque pays et ainsi contribuer à faciliter les échanges dans le cadre de marchés publics transfrontaliers. Et plus largement, de contribuer au développement de l’e-facturation.

Elaborée par le CEN (Comité européen de normalisation), cette norme européenne est disponible depuis juillet 2017. Si elle complète les standards existants, chaque entreprise reste libre d’utiliser le format de son choix. En pratique, elle constitue surtout un langage commun pour des interlocuteurs qui ne parlent pas la même langue. Plus globalement, elle s’inscrit dans les objectifs de la Commission de développer l’économie digitale et la digitalisation de l’économie en Europe.

Une facture électronique correspond à un fichier numérique comportant des données structurées et des formats précis. Celui-ci est créé dans une norme internationale lui permettant d’être reconnu et traité par la plupart des progiciels comptables. Ce n’est donc pas un simple PDF. En pratique, une facture électronique doit être émise via un fichier de type XML, avec format UBL structuré. L’entreprise doit en outre disposer d’un logiciel de gestion (ERP) ou d’un moyen de facturation analogue, d’un accès à PEPPOL et d’un outil de traitement de documents afin de pouvoir les importer dans la comptabilité de l’entreprise.

En Belgique, la facturation avec les pouvoirs publics appelée B to G (business to government) a été rendue obligatoire en avril 2019. “Les opérateurs économiques sont donc dorénavant tenus de soumettre des factures électroniques conformes et les organismes associés aux adjudicateurs aux niveaux fédéral, régional et local doivent recevoir et traiter celles-ci, explique Marco Eeman. Les fournisseurs du gouvernement flamand font face à cette obligation depuis le 1er janvier 2018. C’est également une exigence de la Région de Bruxelles-Capitale pour ses opérateurs depuis novembre 2020, et la Région wallonne introduit progressivement les factures électroniques obligatoires pour toutes les transactions B to G depuis 2022, jusqu’à une mise en œuvre complète en novembre 2023.”

Du “B to G” au “B to B”

En Europe, un réseau a été mis en place en vue de généraliser cet “e-procurement” public. Baptisé PEPPOL (Pan-European Public Procurement On-Line), il permet des échanges confidentiels de données entre les entreprises et leurs clients. “Il est obligatoire dans de nombreux pays européens, ajoute Marco Eeman, et il a été adopté par des pays hors Europe comme Singapour, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande.” La facturation concernant le public est une première étape dans le processus de digitalisation des factures. La suivante concerne l’e-facturation entre entreprises. Pour le moment, quelques dates ont été fixées mais celles-ci sont plus indicatives qu’autre chose. Par ailleurs, le développement de cette e-facturation passe également par une réduction du papier même si, rappelons-le, la facture est soumise aux mêmes règles et a la même valeur juridique, qu’elle soit sur papier ou au format électronique.

HANINE ESSAHELI, RÉVISEUR D’ENTREPRISES (GROUPE LIBRA)
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Il convient d’insister: la digitalisation ne va pas faire disparaître l’humain. Au contraire.” HANINE ESSAHELI, RÉVISEUR D’ENTREPRISES

Cette démarche législative s’inscrit, on s’en doute, dans un processus plus large de transformation numérique des entreprises. “La facturation électronique participe de la transition digitale, explique Hanine Essaheli, réviseur d’entreprises et managing partner du groupe Libra. Les avantages d’une facture électronique sont multiples. L’efficacité tant organisationnelle que comptable est améliorée, notamment dans le traitement des informations. La facturation électronique est plus rapide, plus fiable et nécessite moins d’espace de stockage. Par ailleurs, elle a un impact moindre d’un point de vue écologique même s’il ne faut pas négliger celui lié à la digitalisation. Reste que quand vous avez digitalisé votre comptabilité, vous ne devez plus vous déplacer chez votre comptable. Outre un impact environnemental moindre, vous bénéficiez également d’un gain de temps appréciable. Mais il convient d’insister: la digitalisation ne va pas faire disparaître l’humain. Au contraire, dans nos métiers, le conseil va prendre de plus en plus d’importance et les bureaux d’expertise comptable qui réussiront demain seront ceux qui développeront le conseil auprès de leurs clients.”

ROXANA MARCU, DIRECTRICE TAX & ACCOUNTANCY (GROUPE LIBRA)
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La facturation électronique doit être appréhendée positivement car elle permet de gagner en temps et en efficacité.” ROXANA MARCU (GROUPE LIBRA)

Présent en Belgique, au Luxembourg et au Maroc, le groupe Libra compte une petite cinquantaine de collaborateurs et est principalement actif dans quatre domaines: l’audit et révisorat d’entreprise, l’expertise comptable et conseil fiscal, la fusion- acquisition et conseil en acquisition d’entreprise, l’expertise judiciaire et technique.

“Nous accompagnons nos clients dans leur transition digitale, intervient Roxana Marcu, directrice tax & accountancy du groupe Libra. Comme nous les connaissons, nous évaluons ensemble ce qui correspond le mieux à leurs besoins spécifiques afin qu’ils puissent se concentrer pleinement sur leur activités. De ce point de vue, la facturation électronique est positive car elle leur permet de gagner en temps et en efficacité. De manière plus générale, nous sommes attentifs au sein du groupe aux diverses évolutions notamment réglementaires et technologiques afin de les anticiper et ainsi préparer nos clients à les appréhender sereinement.”

MARCO EEMAN, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE BILLTRUST
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Les autorités fiscales et les gouvernements sont les principaux moteurs de la facturation électronique.” MARCO EEMAN (BILLTRUST)

Exemple, l’émergence de l’intelligence artificielle qui devrait impacter significativement un secteur comme la comptabilité. A terme, cette IA permettra en effet de déceler des incohérences ou des erreurs dans les factures, et même parfois les corriger.

Transparence numérique

Une réalité à laquelle il faut se préparer, a fortiori quand la facturation électronique entre entreprises sera la règle. Ce n’est pas encore pour tout de suite. Mais l’Etat y trouvera un avantage certain, notamment en matière de TVA et d’évasion fiscale. “Les autorités fiscales et les gouvernements sont les principaux moteurs en faveur de la facturation électronique”, confirme Marco Eeman. Voilà pourquoi certains pays sont déjà une étape, voire quelques étapes, plus loin. Comme l’Italie où le modèle clearance (validation) est d’application. Dans celui-ci, outre le client et le fournisseur, c’est l’administration fiscale qui intervient afin de valider la facture avant son émission.

Un modèle de contrôle continu auquel notre gouvernement n’est pas insensible. On le sait, actuellement, nous évoluons dans un modèle dit “post audit”, c’est-à-dire avec un contrôle a posteriori de la TVA. Une réforme de ce système devait avoir lieu au plus tôt à l’horizon 2024. Certes, les divergences de vue au sein de la coalition actuellement au pouvoir au niveau fédéral et les perspectives des prochaines élections laissent à penser qu’il n’y aura pas de grandes décisions en matière de facturation électronique dans les mois qui viennent. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas se préparer dès maintenant.

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