Delhaize : des candidats repreneurs jettent l’éponge à la lecture des nouveaux contrats

BELGA

Des candidats repreneurs des franchises Delhaize déchantent en découvrant les contrats qui les lient à la chaine de supermarchés. Ils se révèlent en effet beaucoup plus contraignants que prévu. Certains jettent même l’éponge, rapporte le journal flamand Het Nieuwsblad.          

Les candidats repreneurs des magasins que Delhaize veut faire passer en franchise se bousculent au portillon. Selon la chaîne de supermarchés, 400 candidats se sont manifestés pour reprendre les 128 magasins. Pour chaque magasin, il y a au moins un candidat. Pour 90 % d’entre eux, il y a en a deux ou plus.

Mais aujourd’hui, ces indépendants déchantent lorsqu’ils prennent connaissance des contrats définitifs qui les lient avec la société, rapporte Het Nieuwsblad.

La plupart d’entre eux pensaient que ces contrats ressembleraient dans les grandes lignes aux contrats actuels, mais cela ne semble pas être le cas. Un grand nombre de nouvelles dispositions plus contraignantes ont été incluses. Ces nouvelles règles s’appliqueront aux 128 magasins en cours de franchisation, mais aussi progressivement aux autres points de vente, en fonction de la durée des contrats en cours.

Le journal flamand rapporte que Delhaize impose de nouvelles obligations d’achat de produits, avec des amendes à la clé pour ceux qui ne les respecteraient pas. Ces informations confidentielles commencent à fuiter car le mécontentement se fait ressentir au sein des candidats repreneurs.

Problèmes d’approvisionnement

Dans la pratique, un indépendant est tenu d’acheter 95 % de ses produits auprès de Delhaize, ce que la plupart des nouveaux franchisés trouvent logique même si auparavant, aucun chiffre n’était figé.

Cependant, les nouveaux contrats stipulent qu’ils ne peuvent pas acheter un produit à un autre fournisseur si Delhaize propose ce produit dans son propre assortiment.

Gondola, site spécialisé en retail, donne comme exemple que les franchisés ne peuvent plus acheter de pommes Jonagold ailleurs, parce que Delhaize les propose, mais qu’ils peuvent acheter d’autres pommes qui ne font pas partie de l’assortiment de la chaîne.

Et ce, même s’il y a des problèmes d’approvisionnement“, explique un des repreneurs, sous couvert d’anonymat au Nieuwsblad. “Depuis des années, Delhaize est confronté ici et là à des problèmes de livraison. Cela peut généralement être résolu rapidement en faisant appel à un autre fournisseur. Mais cela devient alors impossible. Nous ne pouvons quand même pas avoir des rayons vides », explique-t-il. En outre, Delhaize veut imposer des prix maximum.

Cette mesure va à l’encontre des souhaits des indépendants qui veulent garder une certaine liberté dans la gestion de leur magasin. Ils affirment que leur propre assortiment est à la base de leur succès. De nombreux magasins réalisent en effet 15 % ou plus de leur chiffre d’affaires avec des produits qu’ils achètent ou préparent eux-mêmes, stipule Gondola. Ils se distinguent aussi souvent des autres supermarchés en proposant une gamme de produits locaux.

Le porte-parole de Delhaize, Roel Dekelver, affirme de son côté que la mesure apporte de la clarté et qu’elle est logique, relaie Gondola. L’argument avancé est que ce que les clients attendent lorsqu’ils viennent dans un magasin Delhaize, c’est bien d’y trouver son assortiment propre.

Delhaize dément que le nouveau contrat de reprise refroidisse les candidats
Delhaize répond que le contrat a été “affiné et éclairci”. “Ce n’est pas plus dur, c’est plus clairement défini“, précise le porte-parole.

Les défections n’ont aucun lien avec ce nouveau contrat, selon Delhaize, qui a rencontré l’ensemble des candidats en mai et juin. “Ils nous ont posé des questions, et vice-versa. Il est normal que certains renoncent, pour différentes raisons. Nous avions anticipé ce filtrage.” L’enseigne maintient qu’il y a encore au moins un candidat par magasin.

Par ailleur, Delhaize veut infliger des amendes pour ceux qui ne respecteraient pas les règles, allant de 2 % à 15 % du chiffre d’affaires annuel, bien que les amendes soient plus une menace qu’une mesure que la chaîne souhaite réellement mettre en œuvre, précise Gondola.

Des indépendants jettent l’éponge

L’un des indépendants avec lesquels Het Nieuwsblad a pu s’entretenir souhaitait reprendre un magasin Delhaize. “Mais dans ces conditions, cela devient très difficile. Nous avions élaboré un business plan que nous avons présenté à Delhaize. Il le trouvait très bien et nous étions prêts à nous lancer. Mais si nous devons appliquer ces nouvelles règles, notre plan financier n’est plus du tout adapté. Et, il n’y a pas de marge de négociation”.

Résultat : des repreneurs qui s’étaient proposés se rétractent les uns après les autres selon Luc Ardies, CEO de Buurt­super.be, l’organisation des supermarchés indépendants au sein de la fédération patronale flamande Unizo. Il a indiqué au Nieuwsblad que ces candidats se retiraient en raison de conditions “indigestes“. « Si on rend l’entreprenariat impossible, il faut garder ses magasins en gestion propre », tacle Ardies.

Delhaize se transformera en magasin en ligne et en grossiste

Gino Van Ossel (Vlerick Business School)

L’expert en commerce de détail Gino Van Ossel (Vlerick Business School) comprend l’anxiété des entreprises franchisées existantes. “Une filiale Delhaize sur la côte, par exemple, devrait proposer le même poisson qu’une filiale Delhaize à l’intérieur des terres. Mais un Delhaize indépendant sur la côte pourrait simplement proposer une très belle gamme de poissons, de croquettes de crevettes fraîches et de préparations fraîches. C’est bien sûr ce qui fait la force d’une entreprise indépendante», explique-t-il dans Het Nieuwsblad.

L’expert n’est cependant pas étonné que la société resserre de la sorte son emprise sur les exploitants indépendants de ses magasins à une époque où les supermarchés sont soumis à une pression énorme. “Si son plan se poursuit sans entrave, Delhaize se transformera en magasin en ligne et en grossiste, prédit Gino Van Ossel. 

Les syndicats sont toujours vent debout contre la volonté de la direction de franchiser les 128 succursales. La CNE veut rendre ces dernières impossibles à acquérir via une action de boycott. Un nouveau conseil d’entreprise est prévu en août.

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