Typhanie Afschrift

Comme pour Delhaize, l’avenir est aux franchises. Tant mieux…

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Sans les franchisés, ce qu’il faut attendre et craindre, ce sont les commerces sans plus aucun employé, ou tout est automatisé.

La décision de Delhaize de franchiser tous ses magasins provoque une vague de protestation de la part des syndicats. Pourtant, le choix de l’enseigne au lion est logique et correspond à la volonté des consommateurs. Ceux-ci n’ont plus autant qu’avant l’envie d’aller dans des grands supermarchés, voire des hypermarchés, relativement loin de chez eux. Ils cherchent les magasins de proximité, ce qui explique le succès des petites entités franchisées. Ils cherchent aussi des commerçants qu’ils connaissent et qui les connaissent, et de préférence des espaces ouverts le dimanche. Ce sont les consommateurs qui décident. Et dans le commerce, il faut les satisfaire.

Il est aussi très positif, dans une période où on craint souvent pour la pérennité du travail indépendant, de voir le succès de véritables entreprises commerciales, à visage humain et de taille humaine, qui prennent petit à petit la place d’entités gigantesques où on ne trouve que des salariés à des fonctions souvent peu attrayantes.

Ce combat contre la flexibilité, les syndicats sont en train de le perdre

On reconnaîtra que le franchisé n’a certainement pas une indépendance totale. Il doit répondre aux exigences souvent lourdes d’un contrat et a rarement la possibilité de vraiment discuter. Mais tel est sans doute là le prix à payer pour bénéficier de la force de frappe et du marketing d’une entité puissante, dont les centrales d’achat sont redoutables. Et une firme de distribution qui mise sur l’avenir a intérêt à ce que ses franchisés soient rentables si elle veut conserver un réseau efficace.

Il est en tout cas réjouissant de constater qu’à peine Delhaize avait-elle annoncé son intention de franchiser certains sites, elle recevait des centaines de demandes de candidats.

Il faudra aussi répondre aux syndicats qu’une cause essentielle du problème qu’ils dénoncent vient de leur propre politique. A force d’exigences multiples, ils ont rendu l’emploi salarié dans les firmes de distribution de plus en plus coûteux, au point de compromettre la rentabilité des magasins gérés en propre, qui sont de toute façon confrontés à la concurrence féroce des chaînes entièrement franchisées.

Ce combat contre la flexibilité, dans une secteur qui la recherche parce que la clientèle la veut, les syndicats sont en train de le perdre. Et ce qui explique sans doute leur combativité, c’est qu’une fois qu’ils auront tout à fait perdu la bataille, leurs affiliés verront qu’ils sont devenus inutiles.

La raison essentielle pour laquelle ils font en effet aujourd’hui preuve d’autant d’agressivité, c’est qu’ils savent bien que lorsque leurs affiliés seront devenus salariés de petites entités, ils ne seront sans doute plus syndiqués. Les organisations syndicales perdront de nombreux affiliés, beaucoup de cotisations et une puissance qui, dans ce secteur de la distribution, est aujourd’hui encore importante, alors qu’ils sont affaiblis partout ailleurs dans le privé.

Dans beaucoup de domaines, on se plaint de la consolidation des entreprises, qui deviennent de plus en plus grandes et capitalistiques. On critique celles qui, d’un coup, sont capables de licencier plusieurs dizaines de milliers de personnes, comme l’a fait Amazon. Ici, on voit le phénomène inverse, qui favorise des petites entités proches de leur clientèle.

Il faudrait s’en réjouir plutôt que de saboter une initiative de progrès. Et se rendre compte que sans les franchisés, ce qu’il faut attendre et craindre, ce sont les commerces sans plus aucun employé, ou tout est automatisé, où l’on ne rencontre plus personne, comme ceux qu’a déjà précisément expérimentés une firme comme Amazon…

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