De 5 à 10% du chiffre d’affaires est investi dans l’innovation 

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Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

L’investissement moyen dans l’innovation est de 6,4% du chiffre d’affaires, selon le baromètre européen publié par le bureau de conseil Ayming. C’est devenu la deuxième priorité des entreprises, juste après l’efficacité opérationnelle.

La quasi-totalité des grandes entreprises prévoient désormais un budget spécifique pour l’innovation (97%), avec des équipes dédicacées (89%), selon le cinquième baromètre de l’innovation, réalisé par le bureau de consultance français Ayming, sur base d’entretiens avec plus de 1000 responsables de la R&D, de l’innovation ou des finances dans des entreprises du monde entier. « Ce n’est aujourd’hui plus un débat : l’innovation est considérée comme une priorité stratégie majeure des entreprises », confirme Tony Bulcaen, directeur Innovation et Performance chez Ayming-Belgique. L’innovation est à prendre ici dans un sens large, ce qui inclut certes de nouveaux produits, mais aussi des améliorations de l’expérience-client ou des processus de production, grâce à l’utilisation des nouvelles technologies. 

Les entreprises consacrent en moyenne 6,4% de leur chiffre d’affaires à des investissements dans l’innovation. Les moyens seront un peu plus généreux dans les secteurs automobiles et informatiques, un peu moins dans l’énergie et la construction, mais, globalement, les écarts intersectoriels sont minimes. Comme sont minimes également les écarts selon la taille de l’entreprise (l’étude considère comme PME, les entreprises de moins de 250 personnes, un seuil élevé pour le tissu belge). Les différences entre grandes et moyennes entreprises se marquent plus dans les obstacles à l’innovation : les grandes entreprises pointent la bureaucratie et une compréhension insuffisante des besoins des clients, là où les plus petites sont plus ralenties par le manque de ressources et le focus sur le court terme. 

Ce dernier point est cité comme obstacle à l’innovation par 40% des entreprises de moins de 250 personnes et par 36% des plus grandes. « C’est toute la problématique : l’innovation implique une capacité à investir sur le moyen ou long terme et donc, potentiellement, à sacrifier le résultat à court terme, poursuit Tony Bulcaen. C’est très compliqué pour une entreprise. Pendant des décennies, nous avons eu un modèle économique axé sur la rentabilité dans des marchés assez linéaires et prévisibles. Tout a volé en éclats avec la numérisation de l’économie, qui ajoute de l’incertitude dans la gestion. » 

L’innovation a besoin de diversité 

Ayming regrette par ailleurs la trop faible diversité dans les équipes d’innovation. Les femmes sont sous-représentées dans les équipes en charge de l’innovation (38% des effectifs mondiaux) et elles sont même carrément absentes dans 7% des entreprises. Le baromètre relève encore que 29% des équipes d’innovation n’ont pas de diversité ethnique, 33% n’ont pas de diversité sociale, 63% n’emploient aucune personne handicapée et 81% aucune personne « neurodivergente (dyslexie, dyspraxie, autisme…). « Dans l’innovation, il y a une dimension de créativité et de résolution de problème, précise Tony Bulcaen. Et pour cela, la diversité est ultra-intéressante. Les entreprises innovantes fonctionnent de manière pluridisciplinaire, ce qui est une forme de diversité, les commerciaux travaillent avec l’IT, qui travaillent avec la production, etc. L’innovation se nourrit de ces différents points de vue, de ces différentes approches.» 

Dans le même esprit, il insiste sur l’intégration de l’entreprise dans des écosystèmes, à collaborer avec des start-up voire à les incuber, car la multiplication des interactions contribuera à faire émerger les innovations. Il prend l’exemple des entreprises qui choisissent de mener leurs activités d’innovation à l’étranger (72%). Parmi les critères de choix de localisation de la R&D, il s’avère ainsi que les aides publiques sont moins prégnantes que l’écosystème autour. C’est ce qui fait la force des États-Unis, qui attirent un tiers des services délocalisés de R&D. La délocalisation ou l’externalisation est l’une des réponses avancées par les entreprises pour contourner le manque de talents disponibles pour les services d’innovation (obstacle avancé par 34% des répondants). « Dans le digital, les entreprises ont assez vite réalisé que miser sur l’innovation en interne était plus lent et plus coûteux, explique Tony Bulcaen. Dans d’autres secteurs -c’est le cas de la pharmacie ou des fintech, le modèle est plus de repérer les start-up émergentes, de les incuber et, le cas échéant, de les racheter ensuite. »  

Le premier moyen utilisé pour mener à bien les activités d’innovation, c’est la collaboration avec des partenaires (59%), l’externalisation (43%) ou le travail avec des universités (40%). Ce n’est qu’ensuite que l’on trouve l’appui de l’intelligence artificielle (38%), mais cela pourrait changer à l’avenir avec l’accélération des progrès technologiques. « Il serait idiot de refuser de collaborer pour ne pas partager ses bonnes idées, poursuit le représentant d’Ayming-Belgique. Une idée ne vaut rien, c’est l’exécution qui est complexe. De l’idée à la mise sur le marché d’un produit avec des résultats tangibles, il y a un long chemin semé d’incertitudes et de beaucoup de pivots. » Il reprend cette maxime : « la recherche, c’est transformer de l’argent en connaissance ; le développement, c’est transformer cette connaissance en argent à nouveau. » 

La voie de l’innovation durable 

Ayming a réalisé un focus sur la durabilité, qui amène à ce constat : le développement durable n’arrive qu’en sixième position dans les priorités d’innovation des entreprises et seuls 23% des répondants l’ont placé dans les trois premières priorités de leur entreprise. Sans doute parce que les temps sont durs et que les projets liés à la transition génèrent peu de résultats financiers au départ.  Ce qui pousse à investir dans l’innovation durable, ce sont la recherche d’économie de coûts (47%), la demande des consommateurs (46%), mais aussi le durcissement des réglementations (43%).  « Les entreprises y vont, mais un peu à marche forcée », résume Tony Bulcaen. De nombreuses entreprises rappellent l’ampleur des investissements exigés par cette transition et 36% considèrent que les aides publiques sont insuffisantes à cet égard. Claire Untereiner, responsable Finance, Innovation et Performance chez Ayming-France, affirme cependant qu’à l’avenir « l’innovation non durable n’existera tout simplement plus » 

L’innovation durable est actuellement ciblée sur les technologies liées aux énergies renouvelables (36%) et à la réduction de la consommation d’énergie (35%), la réduction des émissions et le recyclage des déchets viennent ensuite avec 32 et 31%. 

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