Bpost, entre prise d’otages syndicale et fuite en avant patronale

Chris Peeters, CEO de bpost, remet de l'ordre BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’entreprise publique est à la croisée des chemins. Les syndicats grognent, bloquent les journaux et menacent les élections. La direction défend la reprise de l’entreprise française Staci et “remet de l’ordre”. Voici pourquoi bpost est sur la corde raide.

Les temps sont difficiles et mouvementés pour bpost. Le dossier à rebondissement de la distribution des journaux et les craintes de restructurations hérissent les syndicats, qui durcissent le ton. Prise d’otages à la clé: les journaux du week-end n’ont pas été distribués, suscitant le courroux des lecteurs et la colère des libraires, tandis que les syndicats laissent désormais planer le doute sur… la distribution des convocations électorales en vue des élections du 9 juin.

Du côté de la direction, on fait le gros dos et on prépare l’avenir. Mais l’annonce faite la semaine dernière de la reprise de l’entreprise française Staci, spécialisée dans la logistique sur mesure et la distribution multicanale pour entreprises, ne fait pas l’unanimité. Les marchés… et les syndicats sont sceptiques au sujet de cette opération dont le coût – 1,3 milliard – est jugé trop élevé.

Voilà l’entreprise entre deux feux. Avec son avenir en jeu.

Prise d’otages syndicales

Pour les syndicats, en tout cas, l’heure est grave. La CSC et la CGSP Poste ont déposé un préavis de grève pour le 22 avril, en raison des incertitudes persistantes dans le dossier relatif à la distribution de la presse. Un premier avertissement a été lancé ce week-end avec la non-distribution des journaux et le blocage de l’imprimerie Rossel, qui imprime tous les quotidiens au sud du pays. Prodipress, qui représente les libraires indépendants, s’insurge: “Les libraires-presse ne doivent pas être les victimes collatérales du cnflit entre bpost et les éditeurs.”

A la CGSP, on veut aller au bout de la grogne en menaçant même de ne pas distribuer les convications électorales pour le scrutin du 9 juin. Ce serait un précédent majeur.

Les syndicats espèrent peser de la sorte sur le processus en cours, potentiellement dommageable, menant à la fin de la concession presse. La distribution des journaux et périodiques est la source de plusieurs milliers d’emplois au sein de l’entreprise. Le maintien finalement décidé d’un crédit d’impôt pour les éditeurs pourrait permettre à bpost de conserver une large partie du marché. Mais…

Il est question d’ue rétrocession de cette distribution par bpost aux AMP, l’agence qui gère l’approvisionnement des journaux dans les librairies. Ce transfert intragroupe pourrait créer des synergies et permettre à des économies d’échelle, qui se répercuteraient sur le prix facturé aux éditeurs, précisait lundi Le Soir. “La filiale pourrait travailler aussi avec des indépendants qui sont moins chers“, soulignait une source. Pour les syndicats, ce serait un casus belli.

Stratégie patronale contestée

Une autre restructuration annoncée en interne, sur laquelle la discrétion est de mise, entendrait réduire les coûts en améliorant l’efficacité. Stépahe Daussaint (CSC) le déplore en s’exprimant à L’Echo: “Nous voulons une vision claire de ce que bpost envisage comme activités en Belgique. Ce qui choque, c’est la pression mise en interne sur le personnel alors que bpost a acheté Staci à un prix jugé trop cher partout à l’étranger.”

Cette opération d’1,3 milliard fait grincer des dents et suscite le scepticisme. Chris Peeters, CEO de bpost, dit avoir payé un prix “conforme au marché”. Il inscrit cette acquisition dans un redéploiement de l’entreprise. Avec ses 3500 employés, ses 80 entrepôts situés partout dans le monde, ses 771 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023 et sa bonne santé financière, Staci doit aider l’entreprise à assurer cette transition et à renforcer sa position en Europe.

Cela signifie toutefois que bpost réaliserait désormais la part la plus important de son chiffre d’affaires hors de nos frontières. Un sacré changement de paradigme.

“bpost a traversé une période difficile, et le nouveau CEO de l’entreprise apporte progressivement de l’ordre, se félicite Petra De Sutter (Groen), ministre fédérale des Entreprises publiques. C’est une bonne chose pour les clients et les travailleurs de bpost.”

Visiblement, il reste à convaincre que ce soit bien le cas.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content