Accord sur la prolongation du nucléaire: “Nous reprenons le contrôle de notre destin énergétique” (De Croo)
Le gouvernement fédéral et Engie se sont accordés lundi sur les principes qui présideront à la prolongation des réacteurs de Tihange 3 et Doel 4, ont annoncé lundi le Premier ministre, Alexander De Croo, et la ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten, au cours d’une conférence de presse.
“Aujourd’hui, nous avons pris une décision importante concernant l’approvisionnement énergétique de notre pays”, a déclaré Alexander De Croo lors d’une conférence de presse.
L’objectif est de redémarrer les réacteurs de Tihange 3 et Doel 4 – les plus récents du parc nucléaire belge – en novembre 2026 pour une période de 10 ans.
“L’accord va bien au-delà de la simple prolongation des centrales nucléaires”, a souligné de son côté la ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen). Elle a également mis en avant les mesures prises pour le traitement des déchets nucléaires et la sécurité d’approvisionnement. “Avec cela, nous travaillons à une plus grande indépendance et nous reprenons le contrôle de la situation.”
Les deux ministres ne sont toutefois pas entrés dans les détails de l’accord conclu et n’ont cité aucun chiffre lors de cette conférence de presse.
Structure juridique dédiée aux deux unités nucléaires
Après la “déclaration d’intention” signée le 21 juillet dernier entre Engie et l’Etat belge, cet accord fixe les contours de la création d’une structure juridique dédiée aux deux unités nucléaires, détenue à parité par l’État belge et le groupe français, selon un communiqué.
Il définit également le cadre d’un plafonnement des coûts futurs liés au traitement des déchets, un point particulièrement important pour Engie. Ce cadre permettra de “figer” les paramètres techniques et financiers d’un plafonnement dans les prochaines semaines en y incluant une prime de risque.
L’échéance fixée est celle de la mi-mars.
“Le démantèlement reste de l’entière responsabilité de l’exploitant et le restera“, a encore souligné M. De Croo qui a insisté, comme Mme Van der Straeten (Groen), sur la sécurité que garantissait cet accord et le contrôle qu’il donnait à l’État belge sur une partie de sa production d’électricité grâce à la création de cette structure commune.
Un redémarrage en novembre 2026
L’accord détermine un ensemble de garanties permettant d’assurer la bonne exécution des engagements de l’opérateur nucléaire. L’objectif des deux parties est de redémarrer les deux réacteurs (Tihange 3 et Doel 4) en novembre 2026. D’ici là, l’ensemble des réacteurs auront cessé leur activité en 2025 conformément à la loi de sortie du nucléaire. Le gestionnaire du réseau de transport Elia a été chargé par le gouvernement au mois d’octobre d’élaborer les options nécessaires pour garantir la sécurité d’approvisionnement d’ici là.
“Avec cette décision, les travaux peuvent commencer demain pour prolonger les deux réacteurs les plus récents“, a assuré De Croo. Concrètement, il s’agira de commencer l’étude d’incidences environnementales et celle liée à la sécurité de l’opération de prolongation qui doit être soumise à l’Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN).
Le travail n’est pas terminé avec cet accord, reconnaît Tinne Van der Straeten. “Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Mais toutes les étapes intermédiaires sont importantes.”
“Tout n’a pas été décidé aujourd’hui, et ce n’était pas le but de tout décider aujourd’hui“, a ajouté De Croo.
L’accord a été applaudi, entre autres, par le MR, farouche défenseur de l’énergie nucléaire.
“Le fruit d’une ténacité politique”
“Il était temps que les travaux commencent en vue de la prolongation des deux réacteurs. Mais il était nécessaire aussi de préserver l’intérêt financier des citoyens belges, en maintenant le principe du pollueur-payeur, qui est confirmé dans le texte. C’est loin d’être l’étape finale, mais c’est un pas important dans ce dossier difficile car non-anticipé par les majorités précédentes”, a souligné le vice-Premier écologiste Georges Gilkinet.
“Cet accord est le fruit d’une ténacité politique importante pour notre pays. Il reste évidemment encore beaucoup de travail pour concrétiser cet accord et pouvoir ainsi garantir la sécurité d’approvisionnement via le nucléaire, mais aussi diminuer notre dépendance énergétique et contenir les coûts, tant pour les citoyens que pour les entreprises“, a souligné son collègue MR, David Clarinval.
De longues négociations
Le Premier ministre De Croo et le ministre de l’Énergie Van der Straeten négocient depuis près de 10 mois avec Engie sur la prolongation de la durée de vie de Tihange 3 et Doel 4.
Fin mars, le gouvernement De Croo avait décidé in extremis de maintenir ouvertes les deux dernières centrales nucléaires pendant dix ans de plus que ce que prévoit la loi de 2003 sur la sortie du nucléaire. Les centrales nucléaires doivent assurer l’approvisionnement en électricité maintenant que la Russie a fermé le robinet du gaz et qu’un grand nombre de centrales nucléaires françaises sont confrontées à des problèmes techniques majeurs.
Le président de MR, Georges-Louis Bouchez, avait déjà laissé entendre dimanche après-midi qu’un accord avec Engie était imminent. L’objectif était en fait de parvenir à un accord avant le 31 décembre, mais ce délai s’est avéré trop court. Après le Nouvel An, les réunions intensives se sont poursuivies tout au long de la semaine.
Un accord fraîchement accueilli par l’opposition
Les partis d’opposition ont jugé sévèrement l’accord annoncé lundi entre le gouvernement fédéral et le groupe énergétique français Engie sur les principes qui présideront à la prolongation des réacteurs nucléaires de Tihange 3 et Doel 4, les plus récents du parc nucléaire belge.
“Un accord nucléaire a minima qui va coûter un maximum et qui n’offre que peu de perspectives“, ont dénoncé, dès l’annonce de l’accord, Les Engagés. Ils saluent toutefois dans un communiqué la décision de prolongation des centrales nucléaires, en affirmant avoir “été les premiers à réclamer cette prolongation, convaincus que l’énergie nucléaire reste indispensable dans le mix énergétique”. Sans avoir pu lire le document intégral de l’accord et se basant sur les rares éléments divulgués, Les Engagés estiment que trois points sont particulièrement inquiétants. D’abord les montants qui sont en jeu “et qui va payer”, ensuite la possibilité d’un “trou noir” lors des hivers de 2025 à 2027 et le risque évident de blackout faute de production nucléaire et enfin “pourquoi seulement deux réacteurs uniquement pour 10 ans ?”.
Du côté de la N-VA, le principal parti d’opposition en Flandre, le député Bert Wollants a affirmé que l’accord entre le gouvernement fédéral et Engie “n’en était pas un” mais continuait à faire planer l’incertitude sur l’approvisionnement en électricité alors que la discussion sur l’aspect financier n’a pas encore eu lieu. “Il ne s’agit que de prolonger la durée de vie de deux réacteurs, peut-être à partir de 2026, et d’une participation de 50 % du gouvernement fédéral dans ces réacteurs. Cela dépend d’une étude dans les prochaines semaines sur les coûts liés au traitement des déchets nucléaires. Ce n’est que lorsque ceux-ci seront clairs que les Français signeront définitivement. L’incertitude sur notre approvisionnement énergétique va donc continuer à s’éterniser et la discussion sur les montants reste à venir”, a déclaré lundi soir le spécialiste de la N-VA pour les questions d’énergie. Le Vlaams Belang a lui aussi émis de sérieuses réserves sur l’accord. “Ce maigre accord ne parvient pas à garantir suffisamment notre approvisionnement énergétique”, a déclaré son député Reccino Van Lommel. “De plus, ce n’est qu’un accord partiel et la patate chaude autour de la facture des déchets sera poussée plus loin”, a ajouté l’élu d’extrême droite.
BELGA