Des parfums comme des couleurs

© Lisa Van Biesen

L’artiste Laura de Coninck (43), fille de l’écrivain Herman de Coninck, est récemment devenue la première Belge à lancer un parfum qu’elle a elle-même formulé pour Hedgren. Elle l’a créé chez Givaudan, le plus grand parfumeur au monde, à sa manière singulière et totalement nouvelle pour le monde de la parfumerie.

“J’ai toujours eu une grande affinité avec les senteurs”, dite Laura de Coninck au siège du Givaudan à Paris. “Petite fille, je faisais des expériences avec les fleurs de notre jardin et le whisky Jack Daniels de mon père, car j’avais lu quelque part qu’il fallait ajouter de l’alcool à ses ingrédients.” (rires) Après avoir obtenu son master en arts à Sint-Lucas à Anvers, Laura a travaillé comme illustratrice chez Weekend Knack jusqu’à ce qu’un poste de journaliste beauté s’ouvre. “J’avais l’impression que c’était mon job de rêve, celui qui réunirait tout ce que j’aime”, dit-elle. C’est en cette qualité de journaliste beauté qu’elle a rencontré un parfumeur en 2016. “C’était comme une révélation et j’ai réalisé étrangement qu’il y avait des personnes en chair et en os qui fabriquaient les parfums. Pour une raison quelconque, je n’avais jamais envisagé que j’aurais pu faire des études pour devenir “nez” ou parfumeuse. Ensuite, chaque fois que je rencontrais un nez, je l’écoutais avec une admiration aveugle pour le métier fantastique qu’exercent ces personnes. Quand j’ai interviewé la parfumeuse Sonia Constant en 2018, à l’occasion de la sortie de ‘Bella’, le tout nouveau parfum de Nina Ricci à l’époque, nous avons directement eu un déclic. Sonia m’a expliqué comment elle créait ses parfums et je me suis rendu compte que c’est exactement de cette façon que je peins: à partir d’une sorte d’état méditatif, j’essaie de transmettre une émotion.”

Je crée une composition avec des senteurs comme je le ferais avec des couleurs. Une couche après l’autre

Saudade

“Je m’étais lentement éloignée du métier d’illustratrice et je me concentrais sur la peinture libre”, explique Laura. “Je voulais créer des choses basées sur ma propre histoire, en partant du ventre. Raconter quelque chose dans un langage visuel universel que tout le monde comprend et transmettre ce sentiment à travers la toile ou le papier. C’est ainsi que je suis arrivée à “saudade”, un thème qui tourne autour de la transmission d’un sentiment de manque. Saudade cultive le chagrin tout en révélant sa beauté. Connaître la tristesse, c’est cultiver une capacité à remarquer les belles choses, une sensibilité qui permet de vivre des moments de bonheur intense en partant de ce contraste. Pour moi, le parfum était le meilleur moyen de transmettre et de communiquer les sentiments. Cela a conduit à une collaboration avec Sonia, qui a créé un parfum pour mon exposition de peintures à Watou. Je voulais moi aussi être capable de créer un parfum aussi fantastique. Jusqu’à ce que Philip Kraft de Givaudan Suisse me demande pourquoi je voulais devenir nez, alors que je suis artiste à la base. Il m’a dit que je pouvais aussi aborder les senteurs d’une manière beaucoup plus “artistique” et intuitive. Quelque chose qui lui semblait beaucoup plus intéressant puisqu’il y a très peu de olfactory artists. Le hasard a voulu que ce soit à ce moment-là qu’en Belgique, la PXL MAD School of Arts Hogeschool de Hasselt a mis en place un cours d’art olfactif, dirigé par Peter De Cupere, l’un des plus grands artistes olfactifs dans cette niche. C’est aussi dans le cadre de cette formation que j’ai pu faire un stage chez Givaudan. La parfumeuse Sonia Constant, qui travaille comme parfumeuse chez Givaudan depuis 23 ans et a créé des parfums pour Narciso Rodriguez, Tom Ford, Thierry Mugler… est devenue mon mentor. J’y ai appris à créer des parfums, mais en tant qu’artiste olfactive, de manière très intuitive, comme je peins. Je prends une matière première qui me plaît, et j’y ajoute un autre élément. Je sens, j’évalue, je complète, je construis. Tout comme j’appliquerais du bleu et du jaune sur ma toile pour voir ce que cela donne. Je crée une composition avec des senteurs comme je le ferais avec des couleurs. Une couche après l’autre. Les parfumeurs travaillent davantage à partir de leur imaginaire et devant un ordinateur. Ils calculent et développent une formule, et un laborantin apporte ensuite le résultat.”

Des parfums comme des couleurs
© Lisa Van Biesen

Une sensation de liberté

C’est quand Laura a été prête à créer son propre parfum qu’elle a croisé la route de Hedgren. “Hedgren fêtera son 30e anniversaire l’année prochaine, mais le parfum n’est pas lié à cet anniversaire”, déclare Paul Robert, CEO de Hedgren pour la région EMEA & US. “Jusqu’à récemment, on avait tendance à associer Hedgren à la fonctionnalité et à la qualité, mais ces dernières années, nous avons ajouté l’émotion. Aujourd’hui, nous voulons faire ressentir l’innovation à nos clients et les étonner par le toucher de nos produits, l’esthétique, le fonctionnel et maintenant, le parfum. Nous souhaitons que la personne qui reçoit un sac puisse sentir le parfum emblématique de Hedgren et non l’emballage en plastique.”

L’erreur juste

“Comment traduire l’ADN de Hedgren en un parfum non genré”, s’est demandé Laura. “Comme il ne pouvait pas être trop ouvertement floral ou boisé, j’ai choisi une senteur verte comme l’air frais qui, pour moi, incarne la liberté de mouvement. Elle évoque la première sensation d’une balade à vélo au printemps, avec des odeurs qui présagent l’été. Le souffle d’air chaud empreint de crème solaire et de fleurs de sureau ou de tilleul est un pur bonheur pour moi. Comme la fleur de sureau était une matière première introuvable en laboratoire, j’en ai fait une reconstitution moléculaire. En utilisant les différentes molécules olfactives contenues dans la fleur, j’ai reconstruit sa senteur à la pipette, molécule par molécule. Ce qui permet d’omettre certains aspects qui semblent moins agréables au nez. C’est précisément dans cette recherche que Sonia était d’une aide précieuse grâce à ses années d’expertise. Au-delà de ça, elle me laissait une grande liberté et il m’arrivait donc d’ajouter dans mon parfum un composant en quantités bien trop importantes selon les normes, mais c’était justement ce qui était intéressant, et Sonia était d’accord avec moi. Ce qui est génial, c’est d’avoir aussi pu intégrer ma peinture dans ce projet. L’image des petits bonhommes dorés sur la bouteille est celle qui m’est immédiatement venue à l’esprit lorsque Hedgren a parlé de liberté de mouvement.

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