Trois questions à Jean Hindriks (Economics School of Louvain) sur la réforme des pensions: “Des efforts pour les indépendants et un système à sauvegarder”

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le gouvernement fédéral doit s’accorder sur la réforme des pensions défendue par la ministre Karine Lalieux (PS), sur fond d’inquiétudes quant au financement du système. Son collègue David Clarinval (MR) plaide en faveur d’une nouvelle harmonisation de tous les régimes. Nous avons posé trois questions à Jean Hindriks, le président de l’Economics School of Louvain sur cette réforme.

1. L’écart reste-t-il important entre les régimes des pensions, au détriment des indépendants ?

Deux grandes mesures ont déjà été prises pour revaloriser les pensions des indépendants. La première, la plus considérable, concerne la revalorisation de la pension minimum : elle les concerne majoritairement, vu le bas niveau des montants initiaux. La deuxième concerne le coefficient d’harmonisation supprimé : concrètement, les revenus pris en compte pour le calcul de la quotité de pension des indépendants ne sont plus diminués de 30%. Il reste toutefois une série de discriminations significatives. Les indépendants sont inquiets d’un accès inégal aux périodes assimilées pour cause de chômage ou maladie. Une angoisse d’autant plus palpable avec la crise du covid qui a mis fin brutalement à l’activité d’un certain nombre d’entre eux. Il y a aussi une demande de flexibilité plus grande pour gérer la fin de carrière. De nombreux indépendants craignent de ne pas pouvoir continuer leur activité jusqu’à 67 ans.

Jean Hindriks
Jean Hindriks© PG

2. La réforme des pensions, au sens large, est-elle soutenable ?

C’est un enjeu majeur. Si on prend en considération la période 2019-2020, on constate une croissance de 6,6% du budget des pensions. C’est considérable. Et cela ne prend pas encore en compte le nombre de départs anticipés à la retraite généré par la pandémie. En outre, la reprise actuelle de l’inflation se répercute aujourd’hui sur les pensions : une indexation, c’est un milliard supplémentaire à charge du budget pension. C’est un sujet auquel il convient de réfléchir. De même, il convient d’élargir le financement de la sécurité sociale au-delà des salaires. Tout faire reposer sur les salaires est incompatible avec l’objectif de relever le taux d’emploi à 80%. Mais vers où aller : l’énergie ? la TVA ? les revenus du capital ? les loyers ? une taxation de l’économie digitale ? C’est tout l’enjeu délicat du débat sur la réforme fiscale.

3. Imaginée par le gouvernement Michel, la pension à points est morte. Vous proposez, avec votre collègue Pierre Devolder (UCLouvain), un compte pension. C’est-à-dire ?

La pension à points a été balayée car elle provoquait trop d’insécurité. Son avantage était de permettre une plus grande harmonisation des régimes. L’idée de notre proposition consisterait à créer un compte pension dans lequel chaque année travaillée générerait des droits de pension. Ceux-ci seraient acquis et ne pourraient plus être révisés. On reconnaît les droits passés et on les garantit, mais on garde une certaine flexibilité pour les droits futurs en ayant la capacité d’adapter leur calcul à l’évolution de l’économie et de la démographie. Cette proposition est en phase avec celles que nous avions formulées au sein de la commission Pension. Elle garantirait la soutenabilité du système pour l’avenir via notamment un possible coefficient de soutenabilité. Ce serait aussi un système commun, proportionnel, qui permettrait à chacun de gérer de façon plus flexible sa fin de carrière, notamment en garantissant des droits au temps partiel presté après le départ en pension avec la particularité que ce travail à temps partiel continuerait à générer de nouveaux droits de pension.

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