Prix de l’énergie : “Essayons de revenir à une logique de contrat à moyen ou long terme où tout le monde gagne”
Comment éviter l’envolée des prix de l’énergie à l’avenir ? Comment réduire la spéculation les concernant ? Eléments de réponse avec l’économiste Philippe Defeyt, à la tête de l’Institut pour un développement durable (IDD).
Comment éviter la volatilité des tarifs de l’énergie, et notamment du gaz naturel ?
Un des enseignements général de la crise de l’énergie, c’est qu’on ne travaille pas assez avec des contrats de longue durée. Si tout le monde ne travaille pas avec ces contrats à long terme, on ouvre la porte à la spéculation, à la hausse et à la baisse. Déjà avant l’invasion de l’Ukraine, le président de Gazprom avait rappelé que si on fonctionnait avec des contrats sur le long terme, on n’aurait pas à se plaindre des prix élevés du gaz. C’est vrai aussi pour le blé. La règle de la diversification doit aussi prévaloir pour toutes sortes de raisons, dont géostratégiques. La libéralisation nous fait réfléchir en termes de marché. Essayons de revenir à une logique de contrat à moyen ou long terme où tout le monde y gagne.
Vers quoi faut-il tendre pour changer la donne ?
Il faut le dire à l’envi mais si on avait fait plus tôt des démarches écologiques, d’isolation,… on n’en serait pas là. Les personnes qui n’ont toujours pas investi dans des chaudières à condensation le paie aujourd’hui, l’impact serait d’un tiers en moins pour elles. On est toujours en retard d’une guerre. Au niveau local, des contrats dans la durée se créent. J’aime donner l’exemple de ce maraicher namurois qui vendait ses salades au même prix toute l’année, avec un contrat informel avec ses clients. Il leur disait : “vous n’aurez pas une salade bon marché en juillet en pleine saison mais le même prix toute l’année et si les rendements sont moins bons une année, c’est moi qui prend le risque économique.” Et bien, c’est vers ça qu’il faut aller.
Est-ce bien réaliste ?
Bien sûr, à un moment donnée, l’Europe peut dire qu’elle s’engage dans une politique de partenariat dans la durée où les risques sont partagés de part et d’autre. Il y aura toujours des marchés spots mais ils auront moins d’importance sur le fonctionnement des contrats qui sont en court.
Comment mieux gérer notre approvisionnement en gaz naturel ?
Quand les relations seront rétablies avec la Russie, il faudrait s’assurer de pouvoir mieux collaborer. Il faut aussi réfléchir pour ne plus être dépendants de marchés spots, d’une guerre,… tout est dans cette idée de transition écologique qui modifie les rapports entre fournisseurs et clients. Peut-être faudra-t-il payer plus cher les prix spots aujourd’hui mais on le sentira moins sur le long terme.
Comment voyez-vous évoluer le marché du gaz dans les prochains mois ?
Le marché va bien finir par se détendre. Avant la guerre en Ukraine, on était déjà arrivé au maximum, mais tout est bouleversé maintenant. On est partis au moins jusque 2023 avec des prix élevés.
Mais, il ne faut pas être naïf, la spéculation ne va pas disparaitre du jour au lendemain. Elle reste un moyen rapide et efficace de faire de l’argent. Je reviens sur cette idée de construire des partenariats sur le long terme avec l’appui des pouvoirs publics qui mettraient toutes les entreprises sur le même pied. A court terme, on paierait un peu plus cher mais pas de façon pérenne.
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