Les prix de l’énergie actuels sont “une bombe à retardement”
Febeliec, la fédération représentant les consommateurs industriels d’énergie en Belgique, n’avait que des mots alarmistes, mercredi, pour décrire la situation de ses membres face aux prix actuels de l’énergie. “Du jamais vu”, “hallucinant”, “il est passé minuit”, “tâcher de survivre”, “cercle vicieux” ou encore “bombe à retardement” ont ainsi émaillé la conférence de presse de cette organisation comptant 42 membres pour environ 230.000 emplois directs.
Les circonstances exceptionnelles nécessitent des mesures d’urgence, a insisté Febeliec, la fédération représentant les consommateurs industriels d’énergie en Belgique, sinon les entreprises à forte intensité énergétique (plus de 100 gigawattheures par an) risquent de diminuer, suspendre, arrêter voire délocaliser leurs activités.
Pour Febeliec, les coûts galopants du gaz naturel et de l’électricité, conjugués à ceux des matières premières, des produits intermédiaires et des services et à l’effet de l’inflation sur les salaires, ne peuvent plus être répercutés aux clients. Dès lors, nombre des entreprises pour lesquelles l’énergie représente une part importante des coûts de production, comme celles actives dans la métallurgie ou la chimie, sont contraintes de réduire fortement leurs activités, voire de les arrêter, constate la fédération.
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Selon un sondage du Voka, qui représente les patrons flamands, auprès de 700 entreprises du nord du pays, un quart de celles à forte consommation énergétique sont déficitaires et près de la moitié envisagent de réduire ou d’arrêter temporairement leur production si les prix continuent à augmenter.
Au début du mois d’août, le producteur d’acier inoxydable Aperam a, par exemple, dû arrêter sa production à Genk, dans le Limbourg, où l’usine emploie environ 1.200 personnes, et a réduit la cadence à Châtelet, où travaillent 750 collaborateurs. Nyrstar a lui aussi réduit sa production, fermant même temporairement sa fonderie de zinc à Budel, aux Pays-Bas à la mi-août. Enfin, la production d’ammoniaque chez Yara, à Tertre (Hainaut), sera mise à l’arrêt le 15 septembre en raison du prix du gaz naturel.
Plus compétitives face à la concurrence
“Et ce ne sont là que quelques exemples et le sommet de l’iceberg“, s’inquiète Peter Claes, le directeur de Febeliec. “Il y a d’autres entreprises”, ajoute-t-il, mais la communication à ce sujet est difficile pour celles cotées en bourse.
Les entreprises belges actives à un niveau mondial ne sont en outre plus en mesure de concurrencer les acteurs venant par exemple des États-Unis, où les prix de l’énergie y ont beaucoup moins augmenté et sont dix fois moins élevés qu’en Europe.
Face à ces circonstances exceptionnelles, Febeliec appelle dès lors les autorités belges et européennes à des mesures d’urgence afin d’éviter des dommages “structurels et irréparables pour notre économie”.D’autant plus que la crise énergétique devrait durer, comme l’a averti le Premier ministre Alexander De Croo récemment, parlant de 5 à 10 hivers difficiles.“Certaines entreprises vont quitter la Belgique et l’Europe et ne reviendront peut-être jamais”, met en garde Peter Claes.
“La priorité est le prix du gaz, qui avoisine actuellement les 300 euros par mégawattheure (MWh)”, développe le directeur de la fédération. La hausse en la matière est, de plus, exponentielle depuis le mois de juillet. “Le prix actuel signifie un appauvrissement de notre économie de 10% par an. Si nous devons continuer à payer ces prix du gaz, notre pays s’appauvrira de 40 à 50 milliards d’euros chaque année, soit, donc, près de 10% du PIB! Quelque chose doit se passer!”
Négocier des prix compétitifs
Pour Febeliec, il faut notamment négocier des prix du gaz compétitifs, alors que les producteurs “encaissent des bénéfices de guerre excessifs”. Le fonctionnement du marché de l’électricité doit par ailleurs être revu afin de garantir un prix correct et une compensation équitable pour le fournisseur de capacité de production et d’électricité.
“Le système conduit à des profits excessifs pour les producteurs sans gaz”, souligne Peter Claes. “Ceux qui ont une centrale nucléaire aujourd’hui ont vu leurs coûts de production augmenter très peu, voire pas du tout. Il y a deux ans, ils faisaient des bénéfices avec des prix de l’électricité de 40 à 50 euros par MWh, aujourd’hui ils obtiennent 500 euros par MWh de plus. À un moment donné, la société doit se poser la question suivante: acceptons-nous cela?”
L’organisation souhaite que l’Europe libère davantage de quotas dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission, car le prix des quotas de CO2 (qui font également grimper les prix de l’électricité) a également fortement augmenté.
Febeliec plaide, enfin, pour une réduction des taxes et tarifs de réseau et pour des mesures de crise temporaires en soutien aux entreprises, comme le permet la Commission européenne et comme l’ont décidé d’autres pays dans la foulée de l’invasion russe en Ukraine.