La pénurie de main d’oeuvre, l’autre problème majeur des entreprises européennes

Le roi Philippe rencontre en juillet dernier les employés de la "Instroom Academy", fondée par des chefs belges Nobels. Les immigrants y reçoivent une aide sociale, une formation dans l'Horeca et des cours de néerlandais. Les travailleurs étrangers sont notamment perçus comme une solution à la pénurie de main d'oeuvre. © iStock

Pays-Bas, France, Belgique, Allemagne, Portugal, Espagne… En plus de la crise énergétique, tous les pays européens sont confrontés à un autre problème majeur: la pénurie de main d’oeuvre. Et la solution pour beaucoup d’entre eux est l’assouplissement des règles pour l’obtention du permis de travail.

Il y a quelques jours, c’est la première économie européenne qui exposait le problème. L’Allemagne fait en effet face à une pénurie de main-d’oeuvre, la plaçant même parmi les “principaux problèmes“, au point de menacer son potentiel de croissance dans les années à venir, estiment les experts.

Pour de nombreuses entreprises, la recherche de main-d’oeuvre qualifiée est déjà une question existentielle“, soulignait alors le ministre du travail Hubertus Heil lors d’un séminaire avec syndicats et patronat. Le gouvernement allemand a même rédigé un document stratégique afin d’inverser la tendance, le pays devant s’afficher comme “un pays d’immigration qui soit attractif dans la compétition internationale pour les travailleurs qualifiés“. En effet, c’est sur la migration des travailleurs étrangers que comptent les Allemands pour répondre à la situation.

Cependant, ce problème n’est pas qu’Allemand : Slovénie, Portugal, Espagne, France, Autriche … c’est bel et bien toute l’Europe qui souffre aujourd’hui de cette pénurie de main-d’oeuvre.

Un pourcentage de jobs vacants en hausse

Et cette tendance est visible dans les chiffres. D’après les données fournies par l’agence européenne de statistiques Eurostat, le pourcentage de jobs vacants dans l’industrie, la construction et les services en Allemagne augmente régulièrement. Il était de 1% au premier trimestre 2006, dépassant les 2% au quatrième trimestre 2010, puis les 3% au troisième trimestre 2018, avant d’atteindre la barre des 4% au premier trimestre 2022. Et cette hausse risque de continuer, puisque ce chiffre est de 4.5% au deuxième trimestre 2022.

Le constat est similaire dans le reste de l’Europe, même si le point de basculement a eu lieu un peu plus tard. Ainsi, dans les 27 ou 28 pays européens, les 2% de jobs vacants ont été enregistrés à partir de 2017, atteignant les 3% au deuxième trimestre 2022.

Si les Pays-Bas est le pays dans lequel ce pourcentage est le plus haut pour ce dernier trimestre avec 5.1%, la Belgique arrive deuxième avec 5% de jobs vacants. Notre pays a connu son point de basculement entre 2015 et 2016. Mais c’est en 2021 que la hausse est la plus éclatante, les quatre trimestres de cette année ayant enregistré successivement 3.5%, 4.2%, puis deux fois 4.7%.

Même problème, mais causes multiples

En Belgique, les articles sur la pénurie de main d’oeuvre se sont succédés dans les médias. Le secteur de l’Horeca, de la construction, du tourisme et des transports notamment: c’est une liste de 141 métiers en pénurie que le Forem publiait en juin dernier (soit 15 de plus qu’en 2021).

Et les causes de cette pénurie sont différentes selon les secteurs. En Belgique par exemple, près d’un tiers des nouveaux métiers identifiés en pénurie appartiennent au secteur de l’Horeca, particulièrement touché par la crise sanitaire (commis de cuisine, réceptionniste hôtelier, serveur de bar-brasserie,…) selon le Forem. Le Covid 19 a aussi eu des effets négatifs sur l’emploi dans le secteur de l’événementiel, et notamment pendant les festivals de cet été.

Dans d’autres secteurs comme la biotech ou la cybersécurité, c’est une certaine qualification, parfois très spécifique, qui manque à l’appel. Enfin, dans les domaines du transport ou encore de la construction, les conditions de travail et les salaires insuffisamment élevés sont les principales causes de la pénurie.

Mais dans certains pays européens comme l’Allemagne évoqué plus haut, c’est le vieillissement de la population qui pose problème. En France, la Confédération des petites et moyennes entreprises (PME) a publié une enquête cet été révélant plusieurs facteurs à cette pénurie. Si aujourd’hui 51% des dirigeants de PME cherchent à embaucher, 94% d’entre eux avouent avoir des difficultés à recruter le bon profil. La première raison étant l’absence de candidat, devant le manque de compétences. Mais ceux-ci sont aussi confrontés à un effet de turn-over (rotation des effectifs).

Un dirigeant français sur quatre déclare en effet être confronté à ce phénomène de turn-over, les salariés voulant se consacrer à d’autres choses que leur vie professionnelle (53%), quand d’autres souhaitent changer de secteur d’activité (51%). Certains dirigeants indiquent également que les employés démissionnaires partent chez des concurrents offrant de meilleurs avantages.

La solution quant à elle semble plutôt commune, puisque comme l’Allemagne, la Slovénie, le Portugal ou encore l’Espagne vont assouplir leur réglementation concernant les permis de travail pour ainsi attirer davantage de travailleurs étrangers. En Belgique, le Forem mise sur ses formations, dont 211 concernent des métiers en pénurie. Pour motiver les demandeurs d’emploi, une prime de 350 euros est octroyée à ceux qui réussissent une formation menant à une fonction critique. Également, depuis le 1er septembre, un demandeur d’emploi de longue durée peut conserver 25% de son allocation pendant trois mois, s’il occupe un emploi en pénurie ou trouve un poste dans une autre région.

Aurore Dessaigne

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