Pénurie de talents dans la biotech: “l’urgence, c’est maintenant”

La biotech liégeoise a levé 17,5 millions d'euros. © D.R.

Le secteur de la biopharmacie et des technologies médicales fait face à une pénurie de main-d’oeuvre sans précédent. Six grands groupes ainsi que le pôle de compétitivité BioWin ont décidé d’allier leurs forces pour répondre aux besoins spécifiques et urgents des entreprises. Le projet baptisé “Urgence Talents” a été présenté mercredi à Nivelles.

Dans le secteur des “health tech”, c’est la “guerre atomique” des talents, résume Géraldine Selvais, chargée du recrutement chez GSK, où 200 postes sont actuellement ouverts. “On recherche des opérateurs, des techniciens, des cadres… L’urgence c’est maintenant.” C’est pour tenter de répondre à ce problème que le consortium est né, alliant GSK, UCB, Thermofisher, Univercells, Takeda, Janssen Pharmaceutics et BioWin, le pôle de compétitivité “santé” en Wallonie.

Rien que dans les six entreprises citées, 800 emplois par an seront à pourvoir au cours des trois prochaines années. La majorité des profils sont recherchés en bioproduction, c’est-à-dire la production de molécules biologiques (vaccins, thérapies à base de protéines, thérapies cellulaires, etc). La demande est forte aussi en recherche et développement ou en data science (sciences des données, NDLR).

Les métiers du monde biopharmaceutique offrent pourtant de beaux atouts, souligne Philippe Denoël, président du conseil d’administration de BioWin. “Ces métiers contribuent à améliorer la santé, à lutter contre des maladies… L’impact sociétal est phénoménal.” Une position que rejoint Patricia Denegri, directrice des ressources humaines chez Takeda. “Ce ne sont pas des chaises que nous produisons. On se lève le matin en se disant qu’on contribue à la santé des gens.”

Le projet Urgence Talents a trois objectifs:

  • quantifier la demande et l’offre de main-d’oeuvre,
  • développer une stratégie de recrutement et
  • augmenter les synergies entre les acteurs.

Pour les réaliser, l’outil dispose d’un budget annuel de 350.000 euros pendant trois ans, financé à moitié par le Forem et à moitié par les acteurs du privé. “L’idée est d’arrêter de se piquer les talents et de travailler ensemble pour trouver des solutions”, déclare Sylvie Ponchaut, managing director de BioWin. Il faut par exemple déterminer le nombre d’étudiants diplômés chaque année dans les filières pertinentes. Étonnamment, ces chiffres ne sont jusqu’ici pas disponibles, ou pas publiés.

Les entreprises devront aussi fournir des efforts de communication auprès des étudiants et des candidats potentiels, qui connaissent peu la réalité des métiers de la production pharmaceutique, par exemple. Beaucoup de diplômés optent pour une carrière académique ou changent d’orientation. “Nous devons faire en sorte que les jeunes postulent”, signale Sylvie Ponchaut.

“European Biotech Campus”

L’offre de formations des hautes écoles et des universités doit aussi davantage correspondre à la demande des entreprises, notent les acteurs. “Les métiers ont fort changé au fil des années. La data, les technologies ont acquis de plus en plus d’importance. Il y a beaucoup de nouveaux métiers. Les universités ne sont pas à la page”, regrette Philippe Denoël.

Les acteurs mettent par ailleurs en exergue l’importance des formations en alternance et des stages. “Ces problématiques sont évoquées depuis combien de temps?”, s’interroge Sylvie Ponchaut, pour qui l’alternance doit devenir une priorité politique. “Ça ne fonctionnera que si tous les acteurs s’impliquent: Forem, unifs, hautes écoles, entreprises, politiques… On est tous dans le même bateau.”

Le projet Urgence Talents servira en réalité à préparer le terrain à une initiative plus large: le “European Biotech Campus”. Ce centre de formation couplé à un accélérateur d’entreprises doit voir le jour en 2025 dans le cadre du plan de relance post-crise sanitaire.

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