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L’inflation au centre de la rentrée monétaire?

Une opinion de Philippe Ledent, économiste chez ING et chargé de cours invité à l’UCLouvain.

Chaque année depuis 1982, le symposium sur la politique monétaire organisé par la Réserve fédérale de Kansas City à Jackson Hole, aux Etats-Unis, marque la rentrée monétaire. En effet, c’est l’occasion pour les banquiers centraux de délivrer quelques messages importants. Cette année, en raison du Covid-19, le symposium ne se tiendra pas physiquement. Des conférences digitales seront organisées ces 27 et 28 août sur le thème très vague de la politique monétaire durant la prochaine décennie. Certes, l’événement manquera de piquant car, on le sait, les parties les plus intéressantes en sont habituellement les bruits de couloirs et autres discussions informelles au cours des pauses-café. Pour autant, compte tenu des circonstances, le web-symposium de Jackson Hole devrait apporter son lot d’informations.

Certains se demandent si les banques centrales ne devraient pas accepter une période d’inflation plus élevée (sans réagir donc) pour compenser la faible inflation passée.

D’abord, évidemment, en raison de l’actualité. Les conséquences du choc sur l’économie que représente le Covid-19 commencent à peine à montrer leur vrai visage. Les banquiers centraux ont multiplié cet été les mises en garde sur l’état de l’économie (également à l’encontre des marchés financiers qui semblent complètement ignorer le début de deuxième vague). Jackson Hole devrait être l’occasion de réitérer celles-ci. Mais la question de l’inflation pourrait également s’inviter.

On la croyait définitivement enterrée par cette crise, en raison du manque général de demande. Ceci étant, les difficultés d’approvisionnement à court terme de certains produits semi-finis et la réorganisation des chaînes d’approvisionnement à plus long terme, sans parler du protectionnisme et de l’évolution dans la production d’énergie, pourraient faire revenir l’inflation au-devant de la scène dans les prochaines années.

Si cela devait être le cas, se pose la question de la réaction adéquate des banques centrales. Dans le schéma classique de réaction, une hausse des taux devrait être attendue. Mais depuis la longue période d’inflation faible, certains se demandent si les banques centrales ne devraient pas accepter, si cela devait arriver, une période d’inflation plus élevée (sans réagir donc) pour compenser la faible inflation passée. Or, lors de sa réunion de politique monétaire de juillet, le président de la Réserve fédérale a prévenu les marchés financiers qu’un changement de stratégie pourrait intervenir. Voulait-il justement parler d’une éventuelle inflexion de l’objectif d’inflation, afin de maintenir des taux très bas même en cas de résurgence de cette inflation ? C’est un peu prématuré d’aller dans cette direction, mais peut-être en dira-t-il plus à Jackson Hole.

La thématique semble toutefois importante pour les marchés financiers, qui y voient une raison de se détourner des investissements en dollar. En effet, si dans le futur, la banque centrale maintient des taux bas en cas d’inflation plus élevée, le taux réel attendu n’en est que plus bas. Ceci permet en partie de comprendre la récente dépréciation du dollar ou la hausse du prix de l’or.

La Banque centrale européenne (BCE) pourrait-elle emprunter la même voie ? Il faut dire qu’elle comptait sur l’année 2020 (durant laquelle rien ne devait se passer, ha ha ! ) pour évaluer ses instruments et ses objectifs. La question de l’attitude de la BCE face à une inflation plus élevée aurait probablement été posée. Mais voilà, l’urgence du Covid-19 a repoussé l’exercice et elle n’a pas de réponse à cette question. Il ne faut donc pas s’attendre à un changement de ton de la part de la BCE dans les prochains mois. Enfin, il ne faut jamais dire jamais…

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