Bernard Adam (ex-Grip): “La Russie a le plus à perdre d’un conflit en Ukraine”
Pour Bernard Adam, ex-directeur du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip), la dépendance de la Russie par rapport au marché européen est plus importante que la dépendance européenne, tant au niveau des relations commerciales que de l’énergie.
1. Que doivent craindre sur le plan économique l’Europe et la Belgique d’un conflit en Ukraine?
Etant géographiquement assez proches, la Russie et les pays de l’Union européenne ont d’importantes relations commerciales, mais elles sont fort différentes lorsqu’on les compare. Les exportations de la Russie destinées à l’Union européenne représentaient 52% du total des exportations russes en 2014, pour diminuer à 41% en 2020. Et les importations de la Russie provenant de l’Union européenne représentaient 43% du total des importations russes en 2013, pour tomber à 36% en 2020. Mais dans l’ensemble des exportations de l’Union européenne, celles dirigées vers la Russie sont passées de 9% en 2013 à 5,7% en 2019. La Russie est beaucoup plus dépendante de l’Union européenne que l’inverse. Dans la relation bilatérale Russie-Union européenne, celle de la Russie est beaucoup plus fragile et c’est elle qui a le plus à perdre lors de tensions internationales qui amèneraient à de nouvelles sanctions économiques à son encontre.
2. L’énergie constitue-t-elle une arme à l’encontre de l’Union?
Le point le plus délicat pour les pays de l’Union est leur dépendance concernant le gaz russe qui représentait 47% du gaz importé par l’Union en 2021. Les autres principaux fournisseurs étaient la Norvège (20%), l’Algérie (12%), les Etats-Unis (6%) et le Qatar (4%). Une diminution, voire un arrêt total, des livraisons de gaz russe serait fort dommageable pour de nombreux pays européens, mais des alternatives, certes plus coûteuses, existent. Sachant que les exportations gazières de la Russie vers l’Europe représentent à elles seules 15% du PIB russe, un tel scénario serait encore plus problématique pour l’économie russe. Pour Francis Perrin, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris et spécialiste des questions énergétiques, “la dépendance de la Russie par rapport au marché européen est plus importante que la dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe”.
3. Les sanctions à l’encontre de la Russie peuvent-elles être de nature à faire plier Moscou?
Dans l’éventail des sanctions envisagées par l’Union européenne figurent l’exclusion de la Russie du système de paiements internationaux Swift mais également la non-ouverture du gazoduc Nord Stream 2 qui doit acheminer une quantité très importante du gaz russe sous la Baltique vers plusieurs pays européens. Cette non-ouverture (décidée ce mardi, Ndlr) de Nord Stream 2 peut fortement pénaliser la Russie. Si le gaz est pour la Russie un très grand avantage, il peut aussi être une source de faiblesse si ses clients décidaient de ne plus l’acheter. La Russie est beaucoup moins puissante, tant au plan militaire qu’économique, que ne le laisse supposer la posture de Vladimir Poutine autour de l’Ukraine.
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