Augmentation des risques économiques: “Nous espérions que l’impact allait se limiter à une seule vague”
La pandémie menace la stabilité géopolitique. Elle augmente aussi fortement les risques économiques mondiaux, selon le dernier rapport du conseiller en risques Marsh. Comment se positionne la Belgique dans ce contexte difficile ? Réponse avec Dirk Siebens, Manager Credit Specialty chez Marsh.
Comment se positionne aujourd’hui la Belgique face à l’augmentation des risques économiques ?
La Belgique n’est pas une exception et suit dans la zone Euro la tendance des autres pays. Le Produit intérieur brut va diminuer, comme dans tous les pays, sauf en Chine. Pour la Belgique nous parlons aujourd’hui d’une baisse d’à peu près 10%. La moyenne pour l’Eurozone serait de 9%. La Belgique se situe donc un peu au-dessus. Au niveau mondial, la réduction serait de -4,7%, selon EH Allianz.
Tout cela dépendra évidemment de l’évolution de l’impact de la pandémie de Covid-19. Nous sommes clairement dans la deuxième vague, mais nous n’avons pas encore de réponses à toutes nos questions. Cette seconde vague semble devenir plus importante que la première, mais à quelle hauteur, jusque quand, y-aura-t-il un nouveau lockdown ou pas… ?
Le PIB diminuera, mais il y aura également un impact sur le taux de chômage qui pourrait même doubler : en janvier 2020, on comptait 330.000 personnes en chômage complet, aujourd’hui nous craignons que ce chiffre double.
Un autre défi concerne le nombre de faillites à prévoir. Les chiffres tournent autour d’une croissance de 30%, comparés à 2019, qui n’était pas une année fantastique non plus.
Un dernier point concerne les mesures prises par notre gouvernement. Celles-ci impacteront également le niveau de nos risques économiques. Il y a des mesures qui ont été prises et qui ont eu un impact, par exemple le support de l’Etat aux assureurs crédit. Grâce à cette aide, les assureurs crédit crédit pas soudainement dû réduire leur prise de risque du jour au lendemain. Cela a permis aux entreprises assurées de continuer à faire des affaires et d’éviter les faillites.
Sur votre nouvelle carte interactive, la note de risque de la Belgique passe de 3.1 à 4.3, est-ce une grande différence par rapport aux autres pays européens?
Les pays voisins montrent une évolution similaire. Ce n’est pas étonnant, car ils sont confrontés aux mêmes défis que nous. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: sur les 197 pays analysés par Marsh, tous ont vu leur risque économique augmenter, sans exception, alors qu’en 2019 “seuls” 60 pays étaient concernés. Les exemples de nos voisins confirment cette tendance. La note de risque de l’Allemagne passe ainsi de 2.9 à 3. Celle des Pays-Bas, de 2.5 à 3.7. Du Luxembourg, de 2.4 à 3.3, de la France, de 2.9 à 4.2, ou encore, du Royaume-Uni passe de 3.1 à 4.4
Nous avons constaté qu’en septembre, les chiffres s’amélioraient pour la Belqique. Ce n’est pas surprenant, ces chiffres ne sont pas statiques et changent suivant l’évolution des paramètres qui sont pris en compte et qui résultent dans la note spécifique. Nous nous attendons à ce que la deuxième vague actuelle ait un autre impact négatif.
Les paramètres qui entrent en compte pour la dégradation de la note de risque d’un pays
L’indice de risque économique d’un pays évalue le risque d’instabilité économique dans les perspectives à 12 mois, et les effets potentiels que cela peut avoir sur les entreprises opérant dans le pays ou le territoire. L’analyse de Marsh est purement “data driven”, donc basée sur des chiffres. Tout élément subjectif reste en dehors des paramètres d’évaluation.
L’indice comprend 4 piliers conceptuels qui déterminent le niveau de risque :
1. La performance macroéconomique (75%)
2. Le secteur extérieur (7,5%)
3. La devise et le taux de change (7,5)
4. Le secteur financier intérieur (10%).
Le score final d’un pays pour le risque économique pays est le résultat de la combinaison des valeurs pondérées de tous les indicateurs, 107 au total, de chaque pilier.
Faut-il s’inquiéter, dans le contexte actuel, de la dégradation de la note de risque de la Belgique ?
Oui et non.
Non, parce que, avec une note de 4,3, la Belgique se situe juste dans la bande plus élevée (voir ci-dessous). Pour le dire en couleurs, 0.1 jusque 2 est vert foncé, 2.1 – 4.0 vert clair et 4.1 – 6.0 devient jaune. Nous sommes donc encore loin de la zone rouge, où l’on commence à parler de véritable perturbation. En résumé : nous sommes à l’extrémité inférieure de la zone jaune: il y aura des vents économiques contraires, mais encore modérés qui posent un risque élevé d’ajustement économique pour les 12 mois à venir. Néanmoins, avec des mesures adéquates la note de la Belgique pourra à nouveau remonter.
Nous pouvons quand même émettre des inquiétudes parce que nous sommes confrontés à quelque chose de nouveau, un virus imprévisible qui, a en plus, un impact énorme, au niveau mondial. En outre, personne ne peut prédire la durée exacte de la pandémie pour le moment. Nous espérions que l’impact allait se limiter à une vague. Aujourd’hui, nous devons accepter que nous sommes bel et bien dans une deuxième vague. Est-ce la dernière ? On peut déjà tirer une conclusion : personne ne peut exclure un risque similaire à l’avenir.
La pandémie pourrait-elle encore aggraver cette note à l’avenir ?
Nous n’aimerions pas nous voir évoluer vers une situation rouge, c’est-à-dire, une situation perturbante, qui pourrait comprendre, entre autres, une période prolongée de contraction économique, une flambée inflationniste, une poussée des niveaux d’endettement à un niveau insoutenable et des niveaux de chômage sensiblement élevés.
Dans une situation pareille, il est peu probable qu’un gouvernement puisse mettre en oeuvre des réponses politiques pour améliorer les perspectives économiques au cours des 12 prochains mois, et lorsqu’il tentera de le faire, les mesures seront inadéquates et ne seront que partiellement appliquées.
N’oublions pas non plus que la pandémie n’est pas le seul défi à relever. Les élections aux États-Unis, le Brexit et le protectionnisme croissant auront certainement un fort impact.
Aujourd’hui, nous devons et pouvons dire que la Belgique n’est pas seule. Le virus touche de nombreux pays, notamment en Europe. Ces pays sont confrontés aux mêmes défis et nous espérons que nous apprendrons les uns des autres.
N’oublions pas non plus que la pandémie n’est pas le seul défi à relever. Les élections aux États-Unis, le Brexit et le protectionnisme croissant auront certainement un fort impact.
Quelle est la situation des principaux partenaires commerciaux de la Belgique, outre la Chine et l’Inde?
Si l’on considère nos cinq principaux partenaires commerciaux (les 5 pays voisins et en remplaçant le Luxembourg par les États-Unis), on constate que leur note de risque a augmenté également. Ceci n’est pas une surprise, ils sont confrontés au même défi.
On a aussi constaté une baisse significative de nos exportations pour quatre pays sur 5. Pour le premier semestre de cette année, où pour la plupart des pays la pandémie n’a commencé à avoir un impact sérieux qu’à partir du deuxième trimestre, nous constatons une baisse de -15% de nos exportations vers l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. En fait, nos exportations vers le Royaume-Uni ont même diminué de 18,6 %.
Les États-Unis sont le seul pays en positif, en réalisant une augmentation de 8,9 %. D’autre part, nous observons aux États-Unis la plus forte augmentation du nombre de faillites majeures par rapport à 2019.
Tout le monde est confronté à de nouveaux défis importants. Il faudra sans doute aussi trouver et appliquer des nouvelles réponses. Et n’oublions pas non plus que les pays qui étaient déjà affaiblis lorsqu’ils sont entrés dans cette crise seront les plus marqués. Pour ces pays, la reprise prendra plus de temps.
Il semble qu’il faudra un certain temps, probablement plus long que ce que tout le monde souhaite, avant de retrouver les niveaux d’avant la crise.
Ceci, nous pouvons également l’appliquer à nos entreprises. Garantir une évaluation correcte des risques et optimiser la position financière doivent figurer en tête de la liste des priorités actuelles. Heureusement, de nombreuses entreprises l’ont compris.
Quelles pourraient être les conséquences économiques à court terme ?
Les effets se feront principalement sentir dans la baisse du produit intérieur brut, une croissance significative du nombre de chômeurs et une augmentation des entreprises en faillite. Il va sans dire que cela aura également un impact sur les ménages.
Il semble qu’il faudra un certain temps, probablement plus long que ce que tout le monde souhaite, avant de retrouver les niveaux d’avant la crise. En outre, au niveau économique, il y aura également une “nouvelle normalité”. En effet, de nombreuses entreprises sont résilientes, elles s’adaptent et se transforment si nécessaire.
Un certain nombre de secteurs ont été durement touchés, tels que l’industrie hôtelière, le tourisme, l’aviation, la distribution non alimentaire… Tout le monde ne sera pas touché de la même manière : il y aura de grandes différences sectorielles et certains secteurs se relèveront plus vite que d’autres.
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