Les CFO en ces temps d’incertitude: maîtriser les risques nouveaux
Risque géopolitique, risque climatique, risque cyber, risque de réputation: assurer la fonction de directeur financier passe aujourd’hui par la maîtrise de nouveaux paramètres.
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Marchés de plus en plus instables, investisseurs de plus en plus regardants en matière de critères environnementaux, montée en puissance des cryptomonnaies, retour de l’hydre inflationniste, sanctions financières à l’égard de la Russie: la fonction de directeur financier et de responsable des risques n’échappe pas aux perturbations d’un monde sans cesse toujours plus marqué par des ruptures sans précédent. Comment dès lors évoluer dans un environnement fait de toujours plus d’incertitudes et de volatilité quand on gère les finances d’une entreprise? Pas simple. Signe des temps, le prix du CFO of the Year 2021 décerné par Trends-Tendances a été attribué à Ingrid Daerden en raison de sa contribution au développement stratégique et au financement de la croissance d’Aedifica, ainsi que pour avoir favorisé l’intégration de la durabilité et des critères ESG dans la politique financière de l’entreprise.
Maîtriser les risques nouveaux est devenu un enjeu pour toutes les entreprises.
Maryline Serafin (Ethias)
Rôle accru
Force est en effet de constater que “la gestion financière et la gestion des risques ont fortement évolué ces dernières années, situe Maryline Serafin, chief financial officer du groupe d’assurance belge Ethias. La gestion des risques a pris davantage de place. On ne demande plus aujourd’hui à un directeur financier de seulement enregistrer des chiffres et de faire des budgets mais d’être un partenaire des décisions stratégiques de l’entreprise en tenant compte de ces risques et des impacts qu’ils pourraient avoir sur ses états financiers, ses projets, etc. Il doit plus que jamais être une aide à la prise de décision pour le comité de direction dans un environnement où tout va très vite et où de nouveaux risques apparaissent”. De nouveaux risques? “Attentats, pandémies, dérèglements climatiques, cyber-terrorisme, ruptures d’approvisionnement: ce sont des risques qui étaient jusqu’ici théoriques, mais qui aujourd’hui se matérialisent et peuvent se produire partout dans le monde, poursuit Maryline Serafin. Ces risques nouveaux ne ciblent pas un seul secteur mais sont transversaux. Tout le monde peut potentiellement faire les frais d’une énorme cyber-attaque sur la Belgique, d’une rupture dans la chaîne d’approvisionnement, etc.” Un avis que partage Johan Vankelecom, chief financial and strategic officer de Belfius pour qui en effet “la cyber-sécurité, le changement du climat et son impact sur l’économie, ainsi que les risques géopolitiques sont des risques plus nouveaux qui se modifient tous les jours. Sans oublier le risque de réputation qui a toujours été un risque pertinent pour un bancassureur dans la mesure où notre actif le plus important c’est la confiance”.
Prévoir est devenu encore plus complexe
Johan Vankelecom (Belfius)
Manager de crise
Face à ces nouveaux risques qui émergent dans un monde où la seule certitude devient le changement permanent, le directeur financier devient aussi de plus en plus un manager de crise, estime Maryline Serafin: “Comme cela a été le cas pour Ethias lors des inondations de l’été dernier en Wallonie, il faut désormais pouvoir gérer des situations exceptionnelles sans paniquer”. Une tendance que remarque également Frédéric Fontaine, head of transaction banking chez BNP Paribas Fortis, au regard de la clientèle entreprise de la banque: “De plus en plus, on observe dans les PME, petites et grandes, que le CFO est non seulement quelqu’un dont le métier est de mener des réflexions à long terme mais qui est aussi capable d’agir à très court terme, de coordonner des situations de crise”.
C’est que “prévoir est devenu encore plus complexe“, souligne Johan Vankelecom. “Notre économie est encore plus ouverte, elle s’est globalisée davantage durant la dernière décennie, et nous sommes en train de vivre potentiellement des changements de paradigmes: transition vers une économie beaucoup plus durable, changements climatiques qui s’accélèrent, inflation au plus haut depuis les années 1970, omniprésence des acteurs du monde digital et des médias, dépendance du digital/IT dans tous les processus…” Et personne n’y échappe. “Maîtriser ces risques nouveaux est devenu un enjeu pour toutes les entreprises, assure Maryline Serafin. Il n’est plus possible aujourd’hui de gérer des projets et la croissance d’une entreprise sans bien prendre en compte ces nouveaux risques dans les planifications stratégiques, commerciales, etc. Ce rôle stratégique du directeur financier s’est accru et va encore évoluer à l’avenir.”
La gestion des liquidités à court est devenue une priorité.
Frédéric Fontaine (BNP Paribas Fortis)
“Scenario thinking”
Plus largement, Frédéric Fontaine note que la fonction s’est upgradée, aussi en termes d’outils, même dans les plus petites PME: “Là où le directeur financier était un technicien, il est devenu depuis trois ou quatre ans un acteur central de l’entreprise que les actionnaires écoutent. Son périmètre va désormais plus loin que simplement négocier de bonnes conditions avec les banques ou structurer les investissements à long terme. Depuis quelques années, et surtout depuis la crise du covid, avec le retour de l’inflation et la hausse des matières premières, la gestion des liquidités à court terme est devenue une priorité”.
Reste à ne pas confondre vitesse et précipitation, précise Maryline Serafin. Dit autrement, “il ne faut pas oublier de respecter la gouvernance de l’entreprise qui structure la prise de décision. Elle est de nature à protéger contre des décisions qui ne seraient pas en ligne avec les valeurs de l’entreprise. Il faut en effet faire très attention au risque de réputation qui découle de chaque geste de l’entreprise. Bref, il faut pouvoir faire preuve de créativité et d’agilité mais aussi de cohérence”, souligne la responsable d’Ethias.
De son côté, Johan Vankelecom promeut depuis toujours, dit-il, le scenario thinking. En clair, “soumettre le bilan de l’entreprise, son profit & loss, la dynamique commerciale, le comportement du client, les réactions des autorités, etc., à différents scénarios, de A à Z. Cela permet d’estimer les impacts, de découvrir des points forts et des points faibles, de voir si on peut se hedger, etc. Pour cela, il faut bien sûr disposer d’outils et de capital humain – it’s all about people – afin de pouvoir définir et exécuter avec intelligence et une fréquence adéquate ces différents scénarios. Si je devais donner un conseil, je le résumerais de la sorte: solidify today and prepare for tomorrow“, conclut le dirigeant de Belfius.
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