Critères ESG, nouveau casse-tête en perspective

L'objectif des critères ESG reste d'aider les investisseurs à mieux identifier les entreprises qui adaptent réellement leurs activités au changement climatique. © GETTY IMAGES

Préparez-vous à un fossé de plus en plus grand dans la manière de gérer les critères ESG selon que les entreprises seront américaines ou européennes.

Si vous vous voyez proposer un siège au conseil d’administration d’une multinationale en 2023, réfléchissez-y à deux fois. Cette année, le casse-tête sur la manière dont une entreprise doit rendre compte de ses critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) pourrait bien encore s’accentuer. Le sujet a pris une dimension politique quasi existentielle. Cela risque de compliquer sérieusement les efforts de normalisation afin d’éviter que les entreprises ne soient submergées par des exigences différentes selon le côté de l’Atlantique où elles se trouvent.

L’année à venir était censée être placée sous le signe de l’harmonisation. L’Union européenne, la SEC (Securities and Exchange Commission, l’organisme américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers) ainsi que d’autres organismes de réglementation en Asie et des organismes internationaux de normalisation, s’efforcent d’uniformiser la manière dont sont présentés les risques climatiques auxquels sont confrontées les entreprises. L’objectif est de donner aux investisseurs une meilleure idée des entreprises qui adaptent réellement leurs activités au changement climatique et, dans le cas de l’Union européenne, de l’impact qu’elles ont sur l’environnement.

A l’avant-garde de toutes les réglementations vertes, l’Union européenne est bien engagée dans le processus.

Mais la réglementation proposée par la SEC, qui obligerait les grandes entreprises à divulguer leurs risques en relation avec le climat et leurs émissions de gaz à effet de serre pour l’exercice 2023 (à déposer un an plus tard), a été critiquée par les parlementaires républicains, certains procureurs généraux d’Etats républicains et des lobbies. Elle a ainsi suscité pas moins de 14.000 observations. La question risque de faire l’objet d’un examen encore plus approfondi puisque le parti républicain a pris le contrôle de la chambre basse aux élections de mi-mandat. En juin 2022, la Cour suprême avait rendu un arrêt qui restreint la capacité de l’Agence de protection de l’environnement, en charge de la régulation, à réduire les émissions des centrales électriques. Certains législateurs républicains se sont appuyés sur cette décision pour affirmer que la SEC outrepassait également ses pouvoirs.

Le décor est donc planté pour une sérieuse bataille devant les tribunaux. “Aux Etats-Unis, tout le débat sur la publication des informations relatives au climat se résume à nouveau à un ‘pourquoi le faire’ plutôt qu’un ‘comment le faire'”, déplore Zhihan Ma, de Bernstein, bureau d’analyse boursière.

50.000 entreprises concernées

A l’avant-garde de toutes les réglementations vertes, l’Union européenne est bien engagée dans le processus. Fin novembre, le Conseil européen a donné son feu vert à la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD, corporate sustainability reporting directive) qui obligera près de 50.000 entreprises (y compris des entreprises étrangères opérant dans l’Union) à divulguer les susdites informations concernant leur business model, leur stratégie et leurs chaînes d’approvisionnement. Elle prévoit de publier de nouveaux standards d’ici la mi-2023, que certaines entreprises devront suivre pour publier leurs informations un an plus tard. La CSRD sera étayée par l’introduction complète d’une taxonomie qui définit six critères, de l’atténuation du changement climatique à la protection de la biodiversité, permettant de déterminer le caractère durable des activités d’une entreprise.

Et pourtant, même en Europe, la réglementation sur l’ESG est plus discutée qu’on ne le pense. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et les risques de crise énergétique ont conduit à réenvisager toute la sécurité énergétique et à faire grimper en flèche les factures d’électricité et de gaz. Au grand dam des uns, et au soulagement des autres, une partie de la production de gaz naturel et d’énergie nucléaireest considérée comme “verte”, selon la taxonomie de l’Union depuis le début 2023, ce qui témoigne de l’évolution des mentalités.

Les changements dans les objectifs ESG complexifient le travail des entreprises dans leur capacité à évaluer leurs obligations de reporting. Elles savent que l’addition sera salée. Et plus les exigences de publication diffèrent entre les réglementations européennes et américaines, plus elles deviennent coûteuses et fastidieuses.

Henry Tricks, chroniqueur à “The Economist”

Source : The Economist. Sous licence exclusive à Trends-Tendances.

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